Electricité : un bien compatible avec les lois du marché ?

20 ans après la libéralisation de l'électricité, les prix flambent. Des Etats dépensent des milliards pour réduire la facture des usagers.L'occasion d'un bilan?
20 ans après la libéralisation de l'électricité, les prix flambent. Des Etats dépensent des milliards pour réduire la facture des usagers.L'occasion d'un bilan? ©Getty - krisanapong detraphiphat
20 ans après la libéralisation de l'électricité, les prix flambent. Des Etats dépensent des milliards pour réduire la facture des usagers.L'occasion d'un bilan? ©Getty - krisanapong detraphiphat
20 ans après la libéralisation de l'électricité, les prix flambent. Des Etats dépensent des milliards pour réduire la facture des usagers.L'occasion d'un bilan? ©Getty - krisanapong detraphiphat
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La flambée des prix de l’électricité oblige plusieurs gouvernements européens à trouver des solutions pour réduire la facture pour les entreprises et les ménages. Le sujet mériterait un vrai débat. Aura-t-il droit de cité dans cette campagne ?

Journal de France 2, le 15 mars 2002, les chefs d’état et de gouvernement de l’Union Européenne se réunissent à Barcelone en conseil. Au menu : la libéralisation du marché de l’énergie. 

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La campagne présidentielle bat son plein. On est en pleine cohabitation gauche droite. Le Premier ministre, socialiste, Lionel Jospin et le Président, RPR, Jacques Chirac sont tous deux candidats. 

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Lors qu’il s’agit de défendre EDF et de s’opposer à une libéralisation hâtive du marché de l’électricité,  Jacques Chirac et Lionel Jospin font bloc, mais ce sommet de Barcelone, c’est aussi une parenthèse. Une parenthèse dans la campagne électorale, dès lundi, elle reprend ses droits. Extrait du journal de France 2. 15 mars 2002. 

De cette campagne de 2002, on se souvient que l’insécurité fut le thème phare, et pas l’électricité. Quelques mois plus tard sera entérinée l’ouverture totale des marchés du gaz et de l’électricité dès 2004 pour les professionnels et 2007 pour les ménages. 

Forte du monopole d’EDF, et de son mix électrique à 90% nucléaire, la France a toujours été en défensive sur ce dossier lancée en 1996 par la Commission. Sur la défensive, et isolée. Dans l’Europe à 13 à cette époque, Allemagne, Pays Bas, Royaume Uni, Espagne poussèrent à l’ouverture et remportèrent la mise. Ici un article intéressant sur cette période. 

Objectif de cette ouverture : permettre aux consommateurs de choisir librement leur fournisseur, et aux producteurs d’électricité de s’installer librement partout en Europe. Une obligation de service universel s’appliquerait à tous les ménages et aux petites entreprises qui auraient, je cite la Commission Européenne en 2002, « le droit d’être approvisionnés en permanence avec de l’électricité de qualité à un prix raisonnable ». 

Ouverture du marché et prix raisonnables 

20 ans plus tard, le 13 janvier 2022, Barbara Pompilli, la Ministre de la transition écologique, en charge de l’énergie, explique sur BFM que la hausse des tarifs de l’électricité est énorme. 

Nous sommes à des niveaux atteints… on peut comparer ça avec le choc pétrolier ! Barbara Pompilli, le 13 janvier 2022. 

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Un choc "inédit, exceptionnel et imprévisible" selon Bercy qui cite quelques chiffres. 

En 2019, le mégawattheure s’échangeait à 59 euros, moins en 2020 arrêt de la machine économique oblige, puis 95 euros fin 2021 et 200 euros fin 2022. 

Ci-dessous, le tarif au jour le jour sur le marché de gros tel que recensé par  RTE sur ce site

Comparaison du prix du mégawattheure sur le marché de gros pour l'achat au jour le jour. Il n'y pas un prix européen, mais toujours par pays.
Comparaison du prix du mégawattheure sur le marché de gros pour l'achat au jour le jour. Il n'y pas un prix européen, mais toujours par pays.
- RTE

Cette hausse est-elle conjoncturelle ? Oui, en partie. Elle est liée à la période hivernale, la reprise post covid, la fermeture de plusieurs réacteurs d’EDF, l’envolée du gaz, et même au manque de vent. 

Mais c’est aussi structurel. Pour 2023 (car on peut acheter l’électricité longtemps à l’avance), le mégawattheure s’échange déjà à 100 euros fait savoir Bercy. Après, difficile de prévoir. 

Ce qui est clair, c’est que la demande d’électricité va augmenter de façon exponentielle ces prochaines années si on veut sortir des énergies fossiles. 

Ce qui est clair aussi, et ça les industriels le font savoir à l’unisson, c’est que la volatilité actuelle des prix de l’électricité est un repoussoir. Une incitation au statu quo. Quelle entreprise voudra investir des millions pour modifier son mix énergétique et passer à l’électrique, sans savoir combien l’électricité lui coûtera à l’avenir ? 

Suite aux alertes des industriels, le gouvernement a lancé cet automne un groupe de travail sous la direction de Philippe Darmayan, ancien d’Arcelor Mittal, pour déterminer les modalités d’un contrat qui permettrait aux prix d’être plus stables. Il doit proposer des solutions fin mars. 

Enfin quel investisseur acceptera de financer des installations de production électriques, forcément coûteuses sans savoir à terme, combien cela pourrait lui rapporter ? 

Volatilité des prix et transition énergétique ne font pas bon ménage

Tout cela pousse à une régulation des prix de l’électricité, mais pour que cela soit compatible avec les règles que les directives européennes ont fixé pour faire advenir ce marché européen de l’énergie, (cette " révolution", comme la qualifiait la commission en 2002) cela ne sera pas simple. 

En outre, politiquement, rien n’est fait. La France pousse à des changements, Italie, Espagne la suivent, mais pas encore les pays du Nord, ni l’Allemagne ou les Pays Bas. Paris espère avancer ce sujet alors que la France préside le Conseil de l’Union européenne en ce moment, mais cela n’aboutira pas sous sa présidence. 

En tout cas, aucun pays européen ne plaide ouvertement pour sortir l’électricité des règles du marché, contrairement aux syndicats d’EDF qui font cette demande de façon unanime, et ont même décider de financer un site, une campagne dans les journaux et une pétition pour peser dans ce débat. "Peut être est-ce souhaitable" admet un proche des industriels, "mais ce n’est pas réaliste" tranche-t-il. 

Pour le moment, chacun bricole comme il peut pour limiter la hausse des prix à des niveaux raisonnables. La Commission européenne a proposé une boite à outil en octobre

L’Italie compte taxer les sur-profits des fournisseurs, l’Espagne a réduit la TVA temporairement. 

Le gouvernement français abaisse lui aussi certaines taxes, mais pas la TVA (qui reste à 20%), et il demande à EDF de mettre 8 milliards d’euros au pot pour aider ses concurrents et faire que le tarif réglementé n’augmente pas plus de 4% en février. Sans cette intervention, la hausse aurait été de 35%. 

Pour des explications sur cette mesure qui va pénaliser EDF, question/ réponse au début du journal de 12h30 du 14 janvier

Tel qu’il est aujourd’hui, le marché européen de l’électricité est donc bien loin d’être non faussé. Les Etats sont toujours là pour rectifier le tir. 

La crise actuelle devrait inciter à se poser ces questions, pour que contrairement à 2002, l’électricité ait dans cette campagne de 2022, comme le dit la chanson, le droit de cité… 

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