

La Croatie devient officiellement ce 1er janvier le 20e pays membre de la zone euro. Elle en attend protection et stabilité alors que la Bulgarie reste à l'entrée suite à des manœuvres discrétionnaires de la BCE et la Commission européenne.
Nous commençons cette chronique par des sons enregistrés en Lituanie en 2015. L'état balte venait d'intégrer la zone euro. A l'entrée d'un centre commercial de Vilnius, Lituaniens et Lituaniennes pouvaient échanger leur litas contre des euros, en les déversant dans une sorte de grande caisse en forme d'entonnoir.
A écouter : Grand reportage en Lituanie en janvier 2015 : La Lituanie dans l'euro : un refuge incertain par Marie Viennot
Depuis aucun nouveau pays n'avait rejoint la zone euro. En 2015, l'euro zone n'avait pas le vent en poupe. La crise grecque battait son plein, l'on pu dire alors que la Lituanie rejoignait le Titanic.
Vu de Vilnius, au contraire, adopter l'euro fut un moyen de se mettre à l'abri du voisin russe et des rumeurs qu'il aurait pu lancer sur la santé des banques lituaniennes pour provoquer une panique bancaire. Vulnérable du temps de sa monnaie nationale, le litas, la Lituanie l'est clairement moins et c'est heureux en ce moment, depuis qu'elle peut compter sur la Banque Centrale Européenne en cas de problème.
Que la zone euro protège, c'est aussi ce que disent les autorités croates à la population, elle qui s'inquiète légitimement qu'en changeant de monnaie, les prix s'envolent encore plus.
En 2022, l'inflation taquine les 13% en Croatie, 10% en moyenne dans l'euro zone, mais au dessus de 14% dans la quasi totalité des pays qui n'en font pas partie (Danemark et Suède mis à part), et même 23%, le record, en Hongrie. La Lituanie n'est pas loin, à 21%, preuve que la monnaie commune n'est pas un rempart contre l'inflation.
Son adoption marque en revanche la fin définitive du risque de change pour la Croatie.
Pour les entreprises, finie la crainte de voir la kuna, la monnaie nationale se déprécier face à l'euro. Comme le pays intègre aussi l'espace Schengen le premier janvier, cela va faciliter l'entrée des touristes européens déjà très friands des plages de l'Adriatique.
Pour les particuliers c'est un grand ouf de soulagement, car les trois quarts des dépots et de l'épargne dans les banques croates sont déjà en euro.
Les trois quarts des dépôts et de l'épargne croate déjà en euro
Fin novembre, la parité a été fixé à 1 euros pour 7,53450 kunas. Chacun.e sait donc clairement, à condition d'avoir une calculette dans la tête, où il en est financièrement.
"Pendant deux semaines, les deux monnaies vont se cotoyer, et le 14 janvier à minuit, finie la double circulation, seul l'euro sera accepté dans les magasins, expliquait en juillet le Ministre des finances Croate de l'époque, Zdravko Marić. " Tous ceux qui trouveraient des kunas dans une taie d'oreiller ou des chaussettes pourront les échanger pendant 3 ans" ajoutait-il, et "pour les billets, indéfiniment".
Il y a 6 mois encore, 40% des Croates interrogés dans les sondages se disaient opposés à l'adoption de l'euro.
Dans ce pays collé à la mer, et encadré au Sud par la Bosnie Herzégovine, à l'Est par la Hongrie, et au Nord la Slovénie, la richesse par habitant sera l'une des plus faible du groupe.
Cela va encore accroitre les divergences économiques au sein de la zone euro et bien que la BCE s'en préoccupe déjà, elle a tout fait pour faciliter l'entrée de la Croatie en son sein.
En 2022, la dette publique du pays dépasse les 70%. On est donc au dessus des 60%, censés être la limite, mais comme cette contrainte a été mise sur pause depuis la crise du Covid, les autorités européennes ont été souples à ce sujet.
Elles l'ont aussi été, et là c'est plus discutable, sur l'inflation. Ne pas dépasser un certain niveau de hausse des prix, cela fait partie des critères pour rejoindre la zone euro.
Passer son examen d'entrée au moment où l'inflation s'emballe, ce n'était pas gagné pour la Croatie. Mais la Banque Centrale européenne, et la Commission ont interprété la règle en vigueur pour permettre à la Croatie de passer le test. Ce qu'elles n'ont pas fait pour la Bulgarie, qui passait aussi son test en juin.
" Qu'un choix aussi crucial dépende de décisions discrétionnaires et douteuses n'est pas souhaitable", relève Zsolt Darvas, un chercheur de l'institut Bruegel dans un article qui détaille toutes ces subtilités.
Combien de temps la Bulgarie restera-t-elle dans l'antichambre de la zone euro ? La Lituanie y était restée 9 ans, après un premier refus en 2006, aussi sur ce critère d'inflation.
Bulgarie et Roumanie derniers pays candidats
2 0 pays dedans, toujours 7 pays en dehors, en théorie tous les pays de l'Union européenne ont vocation à rejoindre l'euro, mais il n'y a plus que deux pays à le souhaiter officiellement : la Bulgarie donc, et la Roumanie.
La Suède, qui prend ce premier janvier 2023 la présidence de l'UE fait justement partie des pays non candidats. Une bonne raison pour vous laisser avec son hymne pour cette dernière chronique de l'année !
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