Mystères et grandes questions sur la productivité

La France a l'un des plus forte productivité de l'OCDE, mais comme dans les autres pays à économie avancée, l'augmentation de la productivité ralentit, ce qui pèse sur la croissance
La France a l'un des plus forte productivité de l'OCDE, mais comme dans les autres pays à économie avancée, l'augmentation de la productivité ralentit, ce qui pèse sur la croissance - OCDE
La France a l'un des plus forte productivité de l'OCDE, mais comme dans les autres pays à économie avancée, l'augmentation de la productivité ralentit, ce qui pèse sur la croissance - OCDE
La France a l'un des plus forte productivité de l'OCDE, mais comme dans les autres pays à économie avancée, l'augmentation de la productivité ralentit, ce qui pèse sur la croissance - OCDE
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Le conseil national de la productivité vient de rendre son premier rapport. La France est toujours l'un des pays où la productivité est la plus forte au monde, mais l'augmentation de la productivité ralentit. Pourquoi ? On ne sait pas exactement, mais on cherche et vous pouvez participer.

Un peu de dance pour parler de productivité au travail. Selon des avis non scientifiques, mais dispensés par des experts auto-déclarés en productivité sur internet, la Dance est la musique la plus propice pour augmenter sa productivité personnelle. D'autres pensent que c'est la musique originale des jeux vidéos.   

Quoi qu'il en soit, on devrait toutes et tous s'y mettre sérieusement, car à écouter les économistes, la productivité n'est plus ce qu'elle était, et ce n'est pas bon pour nos économies. Le FMI y a consacré d'ailleurs une large place dans son rapport sur l'économie mondiale en 2018 (voir chronique ci-dessous).   

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La Bulle économique
4 min

La productivité, c'est ce qui fait qu'à long terme on va avoir de la croissance, qu'on va pouvoir financer les retraites, avoir une croissance du pouvoir d'achat, nous permettre de faire un certain nombre de dépenses publiques, financer la transition climatique. Donc si on n'a pas de croissance de la productivité on va avoir de sérieux problèmes pour financer tout ça. Philippe Martin, président du Conseil d'Analyse Économique (placé auprès du Premier Ministre).

Philippe Martin préside aussi le Conseil national de la productivité.  Ce conseil rassemble 12 économistes français. Il a été créé l'an dernier et doit rendre chaque année un rapport sur la productivité et la compétitivité française. C'est une obligation pour tous les pays de la zone euro, l'idée étant de mieux coordonner les politiques économiques des 19.      

Ce premier rapport comporte autant de questions que de réponses. Car l'évolution de la productivité est un mystère et un sujet de discussion intense entre économistes.  

NB : le rapport fait aussi un bilan de la compétitivité de la France dans la zone euro, mais je n'aborde pas cet aspect dans la chronique. 

Les explications mondiales

Pourquoi l'augmentation de la productivité marque-t-elle le pas ? C'est la grande question.   

Augmentation, il y a toujours. On produit toujours plus avec moins, mais ce plus diminue. Il a été en gros divisé par deux entre 1985 et aujourd'hui. Avant d'évoquer les différentes hypothèses qui sont sur la table, un rappel sémantique.   

La productivité, c'est la valeur de la production qu'un travailleur peut faire en une heure. Philippe Martin.

En 1990, un travailleur ou une travailleuse française produisait 43 euros de valeur chaque heure. Aujourd'hui 59 euros. Ces données sont corrigées de l'inflation.   

Sur le plan de la productivité horaire du travail, la France fait aussi bien que l'Allemagne. Dans les pays de l'OCDE, il n'y a qu'aux Etats-Unis et en Suède que l'on fait mieux.   

Cocorico !! Pas à 100%, car l'une des explication possible de cette grande productivité française, c'est le fort taux de chômage. Les personnes au chômage étant susceptibles d'être moins productives, car moins qualifiées, leur exclusion du marché du travail pourrait expliquer une partie de la forte productivité française, lit-on dans le rapport qui vient d'être rendu.   

La productivité créé t-elle le chômage ? A court terme, oui, car s'il faut moins d'heures pour fabriquer la même chose, il faut aussi moins de bras... Le rapport n'aborde pas cet aspect en profondeur, mais son rapporteur fait remarquer que des pays à forte productivité comme l'Allemagne n'ont pas autant de chômage que nous.  

Revenons à notre mystérieux ralentissement du taux d'augmentation de la productivité. On le voit sur les courbes (comme celle qui illustre cet article), en France, comme partout dans les économies avancées, la courbe de la productivité s’aplatit.    

  • Première explication, nous sommes dans une économie de service, et gagner en productivité est plus difficile que dans l'industrie.   
  • Les gains apportés par les technologies de l'information dans les années 2000 deviennent moins déterminants.  
  • Avec les taux d'intérêt très bas, des entreprises peu productives arrivent à se financer, alors qu'en temps normal le manque de financement les aurait fait disparaître. Certains les appellent les entreprises zombies.  
  • Il y a de plus en plus de concentration, notamment aux Etats Unis, pensez à Google, Apple, Amazon... or moins de concurrence c'est moins de productivité.   
  • Cinquième explication, tout cela n'explique pas le problème, ce qui pêche, c'est nos mesures de la productivité qui ne sont plus adaptées à l'économie digitale dans laquelle nous sommes. Il y aurait donc un problème de thermomètre.   

Hypothèse personnelle, vous ne faites pas assez d'exercices de productivité !! Oui, il y en a, on en trouve (comme la musique) sur internet.    

Les problèmes français

Pour la France, le rapport évoque des problèmes spécifiques. Il s'inquiète du retard pris dans les compétences et la formation, relève que les entreprises sont aussi en retard dans l'adoption des technologies de l'information, et que la faiblesse du management en France peut expliquer une partie du ralentissement de la productivité. 

Tout comme le marché du travail, plus protecteur chez nous, mais là c'est ambigu. Car d'un côté, il peut limiter les entreprises dans leur adaptation au renouvellement technologique, mais de l'autre, l’uberisation des emplois, la précarité et le stress n'aident pas les salariés, alors que la pérennité de l'emploi les encourage, en théorie, à s'investir dans leur entreprise.   

Sur tous ces sujets, il y a matière à creuser ce que promet de faire le tout nouveau conseil national de la productivité dans son rapport l'an prochain. 

Vous pouvez d'ailleurs commenter son premier rapport en ligne et poser vos questions.  Voici quelques suggestions. 

Si la productivité est bonne pour l'économie, est-elle si bonne pour les humains ? On peut imaginer que dans quelques années l'Intelligence Artificielle saura remplacer habilement des emplois de service, il y aura alors peut être un bond de la productivité. On en est pas encore là... mais est-ce souhaitable ?   

Gagner en productivité, est-ce gagner en bonheur au travail, ou au contraire est-ce perdre du plaisir à travailler ?   

Quel lien entre productivité et croissance des inégalités... car il y en a un.    

Vous voyez, la productivité, cela peut susciter aussi de grandes questions et de grands débats... 

A défaut de susciter de la grande musique !   

Marie Viennot

L'équipe