Ne plus demander du travail, est-ce en avoir trouvé un ? Pas vraiment...

162 000 demandeurs d'emplois en moins en 2019, c'est le solde entre le "stock" de chomeurs entre janvier et décembre, mais il y a pendant cette période beaucoup plus de mouvements et d'entrées et de sorties des chiffre de Pole Emploi.
162 000 demandeurs d'emplois en moins en 2019, c'est le solde entre le "stock" de chomeurs entre janvier et décembre, mais il y a pendant cette période beaucoup plus de mouvements et d'entrées et de sorties des chiffre de Pole Emploi.  ©AFP - LOIC VENANCE
162 000 demandeurs d'emplois en moins en 2019, c'est le solde entre le "stock" de chomeurs entre janvier et décembre, mais il y a pendant cette période beaucoup plus de mouvements et d'entrées et de sorties des chiffre de Pole Emploi. ©AFP - LOIC VENANCE
162 000 demandeurs d'emplois en moins en 2019, c'est le solde entre le "stock" de chomeurs entre janvier et décembre, mais il y a pendant cette période beaucoup plus de mouvements et d'entrées et de sorties des chiffre de Pole Emploi. ©AFP - LOIC VENANCE
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Les demandeurs d'emploi qui sortent des listes de Pole emploi font la baisse du chômage, mais ont-ils tous retrouvés un emploi. Une étude de la Dares (sur les chiffres de 2017) permet d'y voir plus clair.

Muriel Penicaud, la ministre du travail réagit à la baisse des chiffres du chômage lors d'une table ronde avec des chefs d'entreprises. ( Ici à 1'58'' de la vidéo vous retrouverez cette déclaration in extenso).   

"Le chômage continue à baisser. Une telle baisse, 162 000 personnes qui retrouvent un emploi, on avait pas connu une telle progression depuis 12 ans. Muriel Pénicaud, ministre du travail à Chilly-Mazarin le 27 janvier 2020.

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Les chiffres de la Dares (la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail) sont tombés en début de semaine, ils sont très bons.    

Le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pole Emploi a baissé d'1.6% sur l'année 2019.   

Si on prend les catégories A B et C, c'est à dire ceux et celles qui n'ont eu aucune activité dans le moins, ou une activité réduite mais restent inscrits à pole emploi car ils souhaiteraient travailler plus, on trouve bien le chiffre de 162 000 demandeurs d'emploi en moins.   

Ces 162 000 demandeurs d'emploi sont-ils sortis des listing de Pole emploi parce qu'ils ont trouvé un travail comme l'affirme la ministre ?   

NON, et c'est aller vite en besogne que de le dire.   

NOTA BENE : J'ajoute à cette chronique publiée le 31 janvier, d'autres éléments d'information qui permettent d'analyser plus finement les chiffres de la Dares, car il y a eu un intérêt très fort (exceptionnel même / aux autres bulles) pour le sujet traité par cette chronique (et surtout le graphique / sorties de pole emploi). La durée limitée de la bulle à la radio (4 minutes) ne me permettait pas de rentrer dans les détails flux stock (que je précise un peu plus bas) mais cela ne modifie pas le propos principal de cette chronique, à savoir : les sorties de pôle emploi ne sont pas équivalentes à des reprises de travail dans leur entièreté. (cad 100% des sorties ne font pas 100% d'emplois trouvés, et à contrario 100% des sorties pour "défaut d'inscription" ne sont pas 100% de radiation). 

C'est très simple à vérifier, il suffit de regarder les raisons qui expliquent la sortie des chiffres du chômage, car la Dares les fournit chaque trimestre dans son étude sur les demandeurs d'emploi.   

La page 10 de l'étude de la Dares donne les raisons qui expliquent la sortie des catégories A B C. Dans 44% des cas, c'est un défaut d'inscription.
La page 10 de l'étude de la Dares donne les raisons qui expliquent la sortie des catégories A B C. Dans 44% des cas, c'est un défaut d'inscription.
- Dares

Dans 20% des cas le demandeur d'emploi déclare avoir repris une activité... 20% de 162 000, cela ferait donc 32 400 chômeurs ou chômeuse qui ne sont plus sur les listes parce qu'ils ont retrouvé un travail. 

Mais attention, c'est là qu'il faut être plus précis encore... Ces 162 000 sorties des chiffres de pole emploi en 2019, c'est le solde entre le stock d'inscrits début janvier 2019 et décembre 2019. Dans les faits, il y a eu chaque mois des entrées et des sorties des fichiers de Pole Emploi et donc le flux des gens qui sont entrés et sortis des chiffres du chômage en 2019 est beaucoup plus important que ces 162 000.  Si on compile ces flux sur l'année (comme le fait le tweet ci-dessous), on constate que chaque trimestre 500 000 personnes sortent des inscrits à Pole emploi, dont plus de 100 000 déclarent avoir retrouvé un emploi (on retrouve bien là, le ratio de 1 pour 5 évoqué dans le graphique pour les motifs de sorties des chiffres). 

Autrement dit, pour que les choses soient très claires. J'ai voulu illustrer le fait que si on raisonnait en stock annuel (comme le fait la ministre puisqu'elle prend ce chiffre de 162 000), et qu'on appliquait ce ratio de 1 sur 5, on était très loin des "162 000 personnes qui ont retrouvé un emploi", MAIS, en aucun cas il ne s'agit de dire que seulement 32 400 personnes parmi les "désinscrits à Pole emploi" de l'année, ont repris un travail. Je suis désolée que cela ait créée de la confusion.

Comme le dit le tweet ci-dessous, si on prend les flux, on pourrait même dire que 450 000 "personnes" ont retrouvé un emploi. Sauf que  le raisonnement en flux a aussi ses limites, car les emplois qui ont été trouvés ont pu être en CDI, mais aussi en CDD, ou en intérim, et que 3 mois ou 6 mois plus tard, la même personne peut revenir à pole emploi, puis retrouver un travail, et à nouveau elle sera comptée dans le flux des personnes qui ont repris une activité. Voilà pourquoi on ne peut pas non plus dire que "450 000" personnes auraient retrouvé un travail sur l'année, car potentiellement la même personne peut être comptée plusieurs fois si elle a alterné les périodes de chômage et de retour à l'emploi. 

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Cette distinction flux/stock étant faites, cela ne change pas le fait qu'il n'y a pas TOTALE adéquation entre les sorties des chiffres de pôle emploi et le retour au travail.

1ère cause de sortie des chiffres : le défaut d'inscription

Si on met de côté les radiations, les entrées en stage ou formation et les arrêts de recherche pour cause de maladie, retraite ou maternité qui représentent chacun en gros 8 à 9% des causes de sortie, le plus gros de la troupe on ne sait pas pourquoi ils ne sont plus inscrits.   

Dans 44% des cas, la cause de sortie des chiffres de pole emploi, c'est "cessation d'inscription pour défaut d'actualisation". Autrement dit la personne n'a pas actualisé son dossier et elle n'est plus inscrite. Elle peut avoir retrouvé un emploi, et ne pas l'avoir déclaré, mais comment savoir ?   

Les chiffres sont en pourcentage, sur l'année 2019.
Les chiffres sont en pourcentage, sur l'année 2019.
- Marie Viennot

Cette incertitude n'est pas nouvelle, et la Dares a donc cherché à savoir dans une étude publiée cet automne qui porte sur les chiffres d’août 2017.    

Bilan : un peu moins de la moitié de ceux et celles qui sont sorties des catégories A B et C occupent un emploi quand ils sortent des fichiers de Pole Emploi. 

Alors que deviennent ces demandeurs d'emplois qui ne le sont plus officiellement, mais n'ont pas retrouvé de travail ? Formation, radiation, arrêt temporaire de la recherche, défaut d'inscription... on retombe sur les motifs évoqués dans l'enquête trimestrielle.   

On ne peut donc pas dire que 162 000 demandeurs d'emploi en moins sur les listes, c'est 162 000 personnes qui ont trouvé un emploi. Pour en savoir plus, il faudra attendre que la Dares publie la même étude sur les "sortants à Pole emploi" pour les chiffres de 2019. Et pour rester encore très précis, cette étude sera menée non pas pour une année entière, mais comparera d'un trimestre à l'autre.   

Ce sera alors intéressant de comparer aussi la nature des emplois retrouvés par ces ex-chômeurs. En 2017, 38% étaient en CDI, 32% en CDD, et 17% en intérim. Seulement 5% s'étaient mis à leur compte. L'effet UBER autoentrepreneur n'étaient pas alors flagrant.   

Autre information intéressante dans cette étude sur 2017, un tiers de ces chômeurs et chômeuses ayant retrouvé un emploi continuaient leur recherche trois mois après leur sortie de Pole Emploi, le travail qu'ils avaient trouvé n'étant pas satisfaisant pour sa durée ou sa qualification.  

Inversion de la courbe du chômage, mais pas du halo

Ces précisions faites, il n'y a pas de doute, le chômage tel que mesuré par la Dares baisse... et c'est une tendance depuis 2015. Ce qui est différent aujourd'hui, c'est que cette baisse intervient alors que le nombre de contrats aidés à été réduit d'un tiers. Les créations d'emploi sont donc plus dans le secteur marchand que sous la présidence de François Hollande.   

CUI-CAE : Contrat Unique d'Insertion et Contrat d'Accompagnement vers l'Emploi/ PEC: Parcours Emploi Compétence // EAV: Emploi d'Avenir non marchand
CUI-CAE : Contrat Unique d'Insertion et Contrat d'Accompagnement vers l'Emploi/ PEC: Parcours Emploi Compétence // EAV: Emploi d'Avenir non marchand
- INSEE

La fameuse inversion de la courbe du chômage, tant recherchée par François Hollande a bien eu lieu.   

Ces chiffres sont issus de l'enquête emploi de l'Insee, autre source statistique sur le chomage dont les chiffres pour l'année 2019 seront publiés le 13 février 2020
Ces chiffres sont issus de l'enquête emploi de l'Insee, autre source statistique sur le chomage dont les chiffres pour l'année 2019 seront publiés le 13 février 2020
- Insee

Une autre courbe doit cependant compléter ce tableau, celle du halo du chômage. Le halo, ce sont les personnes qui souhaitent un emploi sans être considérées comme chômeuse. Un million 600 000 personnes sont dans ce cas en 2019 en France, 400 000 de plus qu'avant la crise.   

- Insee

Cette courbe là est ascendante depuis 2003. Elle attend aussi son inversion mais elle n'a pas encore trouvé son pygmalion.   

Marie Viennot       

Ci-dessous la chanson qui illustre une partie de la bulle parlée. 

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