Neutralité carbone : une promesse en vogue, vague voire dangereuse

"Il fait chaud, retirez votre charbon". Mercredi 450 financiers ont promis la neutralité carbone en 2050 sans s’engager à ne plus financer les énergies fossiles
"Il fait chaud, retirez votre charbon". Mercredi 450 financiers ont promis la neutralité carbone en 2050 sans s’engager à ne plus financer les énergies fossiles ©Maxppp - Andrew Milligan
"Il fait chaud, retirez votre charbon". Mercredi 450 financiers ont promis la neutralité carbone en 2050 sans s’engager à ne plus financer les énergies fossiles ©Maxppp - Andrew Milligan
"Il fait chaud, retirez votre charbon". Mercredi 450 financiers ont promis la neutralité carbone en 2050 sans s’engager à ne plus financer les énergies fossiles ©Maxppp - Andrew Milligan
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La Cop 26 est l’occasion pour les Etats, les entreprises et la finance de promettre la neutralité carbone ou « zéro émission nette » en 2050 mais quand zéro ne veut pas dire zéro, il faut y regarder de plus près.

Honte à vous, crient des activistes du climat devant la banque JP Morgan à Glasgow mercredi 3 novembre.

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Pourquoi cette réaction, alors que le jour même 450 établissements financiers se sont engagés à être neutre en carbone en 2050 ? 

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Mis ensemble, ces banques, assurances, gestionnaires d’actifs gèrent 130 000 milliards de dollars, et ça tombe bien, car la veille Janet Yellen, la Secrétaire au trésor américain a estimé qu’il faudrait 100 000 milliards pour atteindre la neutralité en 2050.

Qu’on nous présente les projets qui vont dans ce sens, et nous les financerons : voilà en substance le message des investisseurs financiers

Est-ce un tournant décisif ? Comme les activistes, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres en a déjà douté publiquement, en déclarant qu'il y avait un "déficit de crédibilité" sur la question. 

Pour comprendre ce scepticisme, il faut revenir à la définition de la neutralité carbone. Cette définition, elle, est claire. 

Etre neutre, ce n’est pas ne plus émettre de Co2, c’est ne pas en émettre plus que ce qui sera absorbé naturellement par les réservoirs terrestres et les océans, ou artificiellement par des machines. 

La compensation naturelle du Co2 émis est trop faible, et une grande partie de Co2 reste donc dans l'atmosphère.
La compensation naturelle du Co2 émis est trop faible, et une grande partie de Co2 reste donc dans l'atmosphère.
- Chiffre clé du climat, France Europe et Monde 2021, par le Ministère de la transition écologique

Voilà pourquoi on dit zéro émission net. Net c’est le mot important. 0, le résultat d’une addition. 

1000 -1000, ça fait 0. 2 moins 2, ça fait 0 aussi. Pour l’atmosphère, il vaut mieux recevoir 2 giga-tonnes de Co2, que 1000 (en 2021, ce sera 36 gigatonnes qui sera émis). Voilà pourquoi, à la base, l’idée de la neutralité carbone, c’est de réduire le plus possible les émissions, et de compenser ce qui est résiduel, ce qu’on ne peut vraiment pas empêcher. 

Les émissions de Co2 en 2021 par Global Carbon Index
Les émissions de Co2 en 2021 par Global Carbon Index
- Global Carbon Index

Le plus possible, c’est au minimum 90% de baisse d’ici 2050, selon le SBTi, un standard scientifique qui vient de republier son standard sur le net zéro (et qui certifie la politique des entreprises, ici la liste des entreprises certifiées). La pente est très raide… Sans décroissance du PIB, on n’y arrivera pas, estime le physicien Jean Marc Jancovici dans une vidéo récente (ci-dessous). 

Pas de standard obligatoire de la neutralité carbone pour les entreprises

Comme il n’y a pas de standard obligatoire pour se dire net zéro, plus facile est l’option qui consiste à faire 1000-1000, et donc à financer beaucoup de projets absorbants le Co2. Plus on en a, moins on a à réduire ses émissions, plus la pente est douce, moins on doit changer de modèle. 

Il est là le leurre, le danger du manque de définition du net zéro. 

D’autant plus grand, que le nombre de projets censés accroitre l’absorption du CO2 dans l’atmosphère n’est pas limité. Il n’y a pas de plafond. Les projets d’absorption (on dit de compensation) sont comme des droits à polluer, et leur limite, c’est l’infini. 

Quels projets financeront les centaines de milliards des investisseurs, des projets de réduction ou de compensation ?  Le 0, comment sera-t-il atteint ? 

Finançons la recherche, sauvons et plantons des forêts, au point où on en est, c’est toujours mieux que rien vous dites-vous peut être… 

Mieux que rien, pour qui, et pas toujours...  Il peut arriver que ces projets de compensation fassent plus de mal que de bien. De plus en plus d’institutions, d’experts et d’ONG le disent. 

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A ECOUTER : Planter des arbres pour neutraliser le Co2, une solution pour les entreprises plus que pour le climat. 

Les solutions basées sur la nature (ou SBN) suscitent le plus d’inquiétudes et de questions. 

Et si en protégeant une forêt, on fait monter le cours du bois, ce qui incite à couper la forêt d’à côté ? Et si en plantant des essences rapides, on appauvrit les sols ?

L’Arabie saoudite prévoit de planter 10 milliards d’arbres pour atteindre sa neutralité, mais où les mettra-t-elle ? Le CCFD-Terre solidaire a calculé que pour tenir leurs engagements zéro émission nette, Shell, Eni et Nestlé auraient besoin de 20 millions d’hectares de terres chaque année ; pour trois multinationales quand celles qui comptent sur la nature pour tenir leur engagement de neutralité se comptent par dizaine (on parle aussi de marché carbone volontaire).

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Que deviennent ceux et celles qui n’ont plus accès à leur forêt parce qu’elle garantit désormais la neutralité carbone d’Apple, Microsoft, Total, Air France,  Easy jet etc etc... Leur demande-t-on leur avis ?

Labels volontaires (ici le Verified Carbon Standard), transparence aléatoire, sans cadre réglementaire ainsi croit de façon exponentielle le marché de la compensation carbone. 

A Glasgow, les peuples autochtones sont venus dire qu’ils étaient contre ce système.

Car "la nature n’est pas à nous, ce n’est pas un marché"… Ils l’avaient dit aussi à Paris en 2015. 

L’urgence climatique ne devrait pas être un prétexte à la précipitation. Il y aurait lieu de s’inspirer de la lenteur de la marche (que l'on entend dans la bulle sonore) et de reconnaître qu’en l’absence de standard et de règles, reconnues, imposées, et vérifiables, les promesses de neutralité carbone peuvent donner l’illusion qu’on avance, quand on recule. Etre une duperie climatique de plus et une perte de temps, alors qu’il est précieux. 

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