100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développement à atténuer et s'adapter au changement climatique : cet objectif lancé en 2009, réaffirmé en 2015 n'est toujours pas atteint. Les Etats riches censés aider les PVD ont pourtant trouvé des ressources inouïes pendant la pandémie.
Dans une vidéo montrant les rues de son village recouvertes par des mètres d’eau, un Indien s’interroge : que font les pays du Nord pendant que ces inondations nous terrorisent ?
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Depuis l’Accord de Paris, ils parlent beaucoup de finance verte et organisent régulièrement des sommets financiers pour la planète, mais qu’est devenue leur promesse, faite il y a 11 ans à Copenhague, et réaffirmée à Paris de trouver 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 pour aider les pays les moins développés à financer des projets d’adaptation et d’atténuation au changement climatique ?
Les pays les moins développés ne sont pas responsables de l’élévation des températures, mais ils sont les plus touchés par les tempêtes, inondations, ou sécheresse qui en découlent, et vont croissantes.
Selon le Climate Risk Index, Puerto Rico, la Birmanie, Haiti et les Philippines sont les quatre pays les plus affectés par le changement climatique depuis 20 ans.
100 milliards, cela devait donc en partie corriger cette injustice, mais 100 milliards, on y est toujours pas.
L’OCDE tient les comptes dans un rapport publié tous les deux ans, et le dernier, sorti en novembre, donne le chiffre de 79 milliards de dollars pour 2018.
79 milliards, ce n’est pas si loin de 100, et c’est 20 milliards de plus qu’en 2016. Depuis l’accord de Paris, il y a donc bien eu un effort.
Si on rentre dans le détail, on déchante vite cependant.
Première limite : les fonds climat déclarés à l’ONU en sont-ils vraiment ? Pas toujours selon Oxfam qui dissèque aussi tous les deux ans les données de l’OCDE dans un rapport et cite le cas extrême d’une centrale à charbon au Bangladesh, certes moins polluantes, comptabilisée comme financement climat par le Japon.
Il suffit de mettre des panneaux photovoltaïques sur le toit d’une école pour que tout l’investissement soit considéré climat par certains pays, dénonce Armelle Le Comte, responsable de plaidoyer Climat et Energie chez Oxfam.
Selon les calculs de l’ONG, 60% des financements climats déclarés n’en seraient pas réellement, même si l’ONG reconnait que c’est impossible à vérifier.
Cette critique est partagée implicitement par l’OCDE qui appelle régulièrement les pays à plus de transparence sur leur financement climat dans ses rapports.
Public climate finance providers, both bilateral and multilateral could provide further transparency on the share of individual project that they assess and report as being climate-relevant, so as to address potential concerns of over-reporting and facilitate third party reviews.
Les bailleurs de fonds publics pour le climat, à la fois bilatéraux et multilatéraux, pourraient accroître la transparence sur la part des projets individuels qu'ils évaluent et déclarent comme étant pertinents pour le climat, afin de répondre aux préoccupations potentielles de sur-déclaration et faciliter les examens par des tiers. Climate Finance Provided and Mobilised by Developed Countries in 2013-2018.
Centrale à charbon = investissement en faveur du climat ?!!
Cette limite en tête, regardons maintenant où partent ces 79 milliards.
L’adaptation au changement climatique, la construction de digue, la relocalisation de village inondée, le développement d’une agriculture capable d’affronter les sécheresses à répétition… , tous ces projets vitaux à court terme ne comptent que pour 20% des financements.
A réécouter : Réchauffement climatique : comment le Pérou d’adapte à la menace
La part du lion des financements climat, les deux tiers selon l’OCDE, ce sont les projets dits d’atténuation : le déploiement des énergies renouvelables, des transports publics dans les villes, des infrastructures... des investissements rentabilisables, et source de business pour des entreprises, souvent situées au Nord.
Ci-dessous une vidéo (en anglais), par l’International Institute for Environment and Development qui revient sur l’Accord de Paris et l’engagement des 100 milliards pour les pays les moins développés.
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Les trois quart des fonds climat = prêts
Dans les 79 milliards de financement climat, une part est privée, et majoritairement investie dans les projets d’adaptation. Si on retire cette part privée, (qui vient en appui et en co-financement de fonds publics la plupart du temps) l’engagement financier des pays riches passe à 62 milliards de dollars.
62 milliards dont les trois quart sont des prêts, nous dit l’OCDE, qui constate que depuis 2013, la part des prêts dans les financements climat augmente quand celle des dons reflue.
Étrange façon de réparer l’injustice climatique, puisque in fine, cela revient à faire payer par des pays qui n’en ont tiré aucun avantage économique, les coûts liés aux dérèglements climatiques. Des pays par ailleurs déjà très endettés et encore plus demain après la crise sanitaire.
A lire / écouter : Faillite des pays pauvres : la crise qui vient
Le Réseau Action Climat dénonce un tour de passe-passe comptable des pays industrialisés, notamment la France, qui certes a atteint son objectif de 6 milliards d’euros de fonds climat en 2018 (le double de 2015), mais avec seulement 3% de dons selon OXFAM.
L’Agence Française de Développement par qui transite l’aide française conteste ce chiffre mais reconnait que les prêts comptent pour 85% de ses financements climat. Ici son dernier bilan d'activité.
Pingre la France ?
Non, c’est un choix politico-économique explique l’AFD, les prêts sont plus pertinents pour certains investissements et ils permettent de financer plus de projets.
La Grande Bretagne a une approche opposée : ses dons représentent 91% de ses fonds climat selon OXFAM, mais son financement total pour l’adaptation et l’atténuation du changement climatique dans les pays pauvres est trois moins élevés qu’en France.
Prêts ou dons ? Ce débat n’a rien de neuf pour l’aide au développement et après tout l’Accord de Paris ne précisait pas quoi privilégier.
Dons climat des pays riches = 12 milliards
12 milliards de dollars, voilà au final à quoi s'élèvent en 2018 les dons mobilisés par les pays riches pour les pays pauvres affectés par le changement climatique.
12 milliards, à comparer aux 12 000 milliards qu'ils ont su mobiliser dernièrement pour lutter contre les conséquences économiques de la pandémie.
Voilà qui prouve une nouvelle fois que la dépense publique n’est pas une question de moyen, mais un choix politique, et que malgré les hourra d’hier, la prise de conscience de l’urgence climatique est restée minime dans les pays qui en sont responsables, mais visiblement pas encore assez victimes pour décréter ouvertes pour le climat, sous les applaudissements, les vannes de l’argent magique.
Qui sait, peut être que la donne changera pour les dons climat de 2021 ?
Marie Viennot
L'équipe
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