Présidence Française de l’UE, un boulet ou une opportunité ?

Pièce de 2€ pour la Présidence française de l'UE. La France aurait pu la décaler pour qu'elle ne tombe pas en pleine élection présidentielle, mais non.
Pièce de 2€ pour la Présidence française de l'UE. La France aurait pu la décaler pour qu'elle ne tombe pas en pleine élection présidentielle, mais non. ©AFP - Ludovic MARIN
Pièce de 2€ pour la Présidence française de l'UE. La France aurait pu la décaler pour qu'elle ne tombe pas en pleine élection présidentielle, mais non. ©AFP - Ludovic MARIN
Pièce de 2€ pour la Présidence française de l'UE. La France aurait pu la décaler pour qu'elle ne tombe pas en pleine élection présidentielle, mais non. ©AFP - Ludovic MARIN
Publicité

Tous les 14 ans, la France préside l’Union Européenne, et cela tombe pendant les élections. Un choix politique risqué pour le chef de l’Etat qui espère montrer que l’Europe peut changer.

7 mai 2017, l’hymne à la joie résonne devant la Pyramide du Louvre à l’arrivée du Président de la République tout juste élu, Emmanuel Macron. 

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.

Difficile de faire plus européen comme entrée en matière, et impossible de faire plus européen pour les dernières semaines de son mandat puisqu'aujourd’hui, la France prend la présidence de l’Union Européenne, ou plus précisément du conseil de l’Union Européenne. 

Publicité

Le Conseil de l’Union Européenne, n’est pas le Conseil Européen. Nuance capitale pour comprendre le rôle de la France ces 6 prochains mois. 

Le Conseil européen, ce sont les chefs d’Etat ou de gouvernement, et depuis 2010 la Présidence de ce conseil ne tourne pas, c’est Charles Michel qui l'assure (son mandat est d’ailleurs remis en jeu en mai 2022 pendant la présidence Française).

Le Conseil de l’Union Européenne, c’est la réunion des ministres européens selon leur spécialité. Finance, justice, emploi, agriculture, environnement etc… 

Présider le Conseil de l’UE, c’est donc avant tout présider des conseils de ministres au niveau européen. Ce rôle reviendra aux ministres français, qui vont devoir préparer les réunions en amont, présider les séances quand elles se tiendront, représenter l’ensemble des ministres européens auprès de la commission, du parlement, ou d’institutions internationales. 

Des milliers de réunions à organiser

Présider, c’est organiser beaucoup de réunions. 1500 quasi obligatoires avait calculé la Finlande lors de sa présidence fin 2019, dont 52 conseils des ministres, et près de 1200 réunions préparatoires à ces conseils. 

Pour la Présidence française 40 réunions de travail ont déjà été organisée depuis juillet. 31 représentants d’entreprises ou de lobby y ont été reçus, contre deux représentants de la société civile. L’Observatoire des multinationales, et Corporate Europe Observatory s’inquiètent de ce déséquilibre et du manque de transparence associé à ces réunions dans un rapport publié fin décembre

La Présidence française sera-t-elle sous influence ? Et de qui ? 

A cette question, on peut notamment répondre qu’une partie de l’agenda de ces 6 prochains mois est contraint. Présider l’Union, c’est récupérer des dossiers en cours, négociés depuis des mois, voire des années. Présider oblige même en principe à un devoir d’écoute et de neutralité. 

Présider permet néanmoins de faire avancer son agenda européen à plus long terme et de diffuser ses idées. 

Les priorités qui sont affichées par l’exécutif pour cette Présidence européenne peuvent donc être séparés en deux catégories :  les dossiers obligés, hérités, et ceux que le pays qui préside veut mettre au dessus de la pile. 

Ça c’est en temps normal. La présidence tournante qui commence aujourd’hui ne l’est pas. 

Avec des élections présidentielles en plein milieu, des ministres et un Président sortant qui vont bien devoir un jour faire campagne, on s’attend à une Présidence française effective de moins de 3 mois. 

Si alternance il y a, en mai, le nouvel exécutif devra reprendre à la volée les dossiers en cours. Il pourra s’appuyer sur l’administration, et la représentation permanente de la France à Bruxelles, mais il peut y avoir du flottement. Voir ici un article des Echos dans les coulisses des préparatifs

La Présidence française de l’UE va-t-elle changer de visage en cours de route, des ministres inconnus de leurs homologues européens en président ou présidente de séance sur des sujets potentiellement en conflit avec leurs idées politiques ? C’est une inconnue de taille. 

La France aurait pu décaler sa présidence. C’est un choix politique de ne pas le faire.

Prochaine Présidence française de l'UE, pas avant 2035

C'est un choix politique risqué. Faire la promotion de l’Europe pendant une élection nationale est moins facile que d’en faire un bouc émissaire. Mais c'est un marqueur politique qui différencie Emmanuel Macron de ses adversaires, et pour lui, un thème de prédilection. 

Je suis venu vous parler d’Europe… encore dirons certains, ils devront s’habituer, parce que je continuerai. Emmanuel Macron, la Sorbonne, 26 Septembre 2017

Discours de la Sorbonne, en septembre 2017, discours d’Athènes, de Strasbourg devant le parlement européen, d’ Aix la chapelle, discours d’ouverture de la conférence sur l’avenir de l’Europe au printemps dernier, enfin, discours pour la conférence de presse de présentation de la Présidence Française début décembre.

Des heures de tribunes, en faveur d’une Europe je le cite : « plus simple, transparente, souveraine, plus protectrice moins bureaucratique », « une Europe puissance, libre de ses choix, maître de son destin ». 

Comment se déclineront ces mots ces prochains mois sur le plan économique ? ( Ici tous les documents officiels sur cette PFUE)

Dans la liste des priorités, le ministre des finances Bruno Le Maire ajoute, l’union bancaire et des marchés de capitaux, qui n’est toujours pas finie, avancer sur l’euro numérique, sur les projets européens d’intérêt collectif, type hydrogène, semi conducteur… et même réformer le marché européen de l’énergie. 

Règles de concurrence, règles budgétaires, aides d'Etat ... beaucoup de dogmes européens contraignants ont volé en éclat avec la crise du Covid. 

Mais c'est du temporaire. Inscrire ces changements dans la durée pour montrer que l'Europe change, c'est le pari d'Emmanuel Macron pour qu'à l'heure de remettre son mandat en jeu, la Présidence française de l'UE ne soit pas un boulet, mais une opportunité. 

" Un nouveau modèle de croissance européen "

Mi mars, il réunira en sommet exceptionnel les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE pour définir un "nouveau modèle de croissance européen" ( voir ici sa tribune dans le FT avec Mario Draghi, le président du Conseil des ministres italien). 

Façon de mettre l'Europe au cœur de la campagne présidentielle, et d'obliger ceux et celles qui veulent lui succéder à se positionner aussi sur ce sujet.  

NB : cette chronique a été écrite avant les vœux du Président du 31 décembre, c'est la raison pour laquelle elle n'y fait pas référence. 

Une bonne année à tous et toutes ! 

L'équipe