Privatisations en Grèce : et les perdants sont...

Le Port de Thessalonique a été vendu à un consortium franco-allemand en juin 2017, mais à y regarder de plus près... c'est plus complexe !
Le Port de Thessalonique a été vendu à un consortium franco-allemand en juin 2017, mais à y regarder de plus près... c'est plus complexe ! ©AFP - Jaap Arriens
Le Port de Thessalonique a été vendu à un consortium franco-allemand en juin 2017, mais à y regarder de plus près... c'est plus complexe ! ©AFP - Jaap Arriens
Le Port de Thessalonique a été vendu à un consortium franco-allemand en juin 2017, mais à y regarder de plus près... c'est plus complexe ! ©AFP - Jaap Arriens
Publicité

La Grèce a accepté de privatiser ses ports, ses autoroutes, ses aéroports, son énergie... en échange de l'argent des créanciers. Qui en a le moins profité ?

Nous sommes entre Athènes et le Pirée, en haut d’une tour qui domine tout, à la fondation Niarchos, qui abrite la bibliothèque nationale et une salle d'Opéra. L’Acropole, le Port, les montagnes, la vue est époustouflante…

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

La terrasse fait trois fois la salle de conférence où patientent journalistes, chefs d’entreprises grec, français, chef du protocole, et agents de sécurité et de presse. Le président français et le premier ministre grec arrivent sous les applaudissements.

Publicité

Emmanuel Macron va parler du processus de privatisation en Grèce qui nous occupe dans cette bulle. Sans le nommer, il va parler du Port du Pirée qui appartient dorénavant à Cosco, un groupe chinois. Il y a un an et demi, les européens ont poussé les grecs à vendre sans attendre la gérance totale de ce port, cette porte d’entrée stratégique vers l’Europe, ce moment, c’est un des moments précis où l’Europe a failli selon lui, vous l’entendrez dans la version audio.

Quand les européens ne sont pas au rendez vous pour acheter un actif stratégique, ça n’est pas bon, dit en subtance le président Français.

Pas bon pour qui ?

Pour la souveraineté européenne a répété Emmanuel Macron plusieurs fois pendant son séjour en Grèce mais plus concrètement ? Les Chinois n’empêchent pas les containers remplis de produits made in Asia d’accoster au Pirée. Au contraire, ils ont multiplié le trafic par 5…

Qui y perd ? Le port du havre m’affirme un armateur grec. Et de fait, en 2016 le trafic du Havre a baissé.

Concurrencé au nord par Rotterdam et Anvers, le premier port français n’a rien gagné à ce que la Route de la soie chinoise, ce grand projet passe désormais par la Grèce. Ses dockers non plus. Les dockers grecs, eux, ont perdu 30% de leur salaire, mais comme partout en Grèce.

La partie "marchandise" du port du Pirée, à 10 kilomêtres à l'Ouest du port où embarquent les touristes pour les iles.
La partie "marchandise" du port du Pirée, à 10 kilomêtres à l'Ouest du port où embarquent les touristes pour les iles.
- Marie Viennot

Dans la partie container du port du Piree, plus un touriste, plus aucun accès et aucun signe visible d’appartenance aux chinois. Mais le Pirée c’est du passé, le présent, c’est la privatisation du port de Thessalonique, or pour la première fois une entreprise française a gagné la compétition. Cocorico ?

Pas vraiment, d’abord, cette entreprise Terminal Link est à 49% chinoise, ensuite il y a aussi un fonds d’investissement Allemand, et un oligarque gréco russe du nom de Savvidis dont la société est enregistrée à Chypre. Impossible donc de retracer précisément la propriété du capital dans ce consortium, ni sa nationalité. Mais le capital a-t-il une nationalité? Divers experts avec qui j'ai pu discuter tout au long de mon travail m'ont confirmé que le capital est international.

Une analyste grec du secteur de l’énergie m'aiguille sur le sujet du moment en Grèce, la privatisation du réseau de gaz Desfa. C'est une longue histoire... La liste des acquéreurs potentiel a pu compter une société filiale de Gazprom, une société d’Azerbaïdjan, mais la dernière liste compte des entreprises européennes, dont une française, GrtGAz. Suprême déconvenue, si elle se confirme, un consortium franco-roumain n’est plus en lice et cela a fuité la veille de l’arrivée du président français.

A la liste des perdants des privatisations grecs il faut donc ajouter ENGIE, la maison mère de GRT GAZ, qui espérait la concession.

Et les Grecs, qu’ont-ils gagné?

Et les Grecs, s’y retrouvent ils financièrement avec ses privatisations? Initialement, le programme de privatisation a été exigé par les créanciers de la Grèce. Le produit des ventes ne part donc pas dans le budget de l'Etat mais directement dans le remboursement de la dette. En 2011, il était prévu 50 milliards de privatisation en 5 ans. Dans les faits, on en est aujourd'hui à 7 milliards, selon une réponse que m'a faite HRDAF, l'organisme grec chargé de ces privatisations. 7 milliards sur 180 milliards de dette... C'est peu. Il y a un an et demi, le même chiffre m'avait été donné.... Donc soit, rien n'a bougé entre temps, soit, c'est un chiffre qui est donné à chaque fois qu'on pose la question, mais qui ne reflète pas forcément la réalité (qui est difficilement vérifiable en la matière). Savoir si les Grecs seront gagnants au final requiert une analyse longue et précise de chaque vente. L'Etat grec négocie toujours un pourcentage des revenus à venir quand il cède la gérance d'un service public, est-ce assez ou pas? Difficile de dire. Cet article du Monde Diplomatique analyse le cas du Port du Pirée, et des 14 aéroports vendus à une entreprise Allemande.

Ce qu'on peut savoir en revanche, c'est que pour le moment, la mise en œuvre de ces privatisations coute plus d'argent que le budget prévu à cet effet. Le fond chargé d’organiser ces privatisations est censé couvrir ses frais par un pourcentage de ses ventes, mais les ventes étant insuffisantes depuis sa création il n’a jamais été à l’équilibre.

Au premier trimestre 2017, il a perdu plus de 1 million 175 000 d’euros ( voir ce document page 8). Un jour peut être ce sera rentable.. en attendant, ce fond continue d’embaucher des conseillers financiers ou légaux. 6 anciens font l’objet de poursuite, dont un italien, un espagnol et un slovaque. L’acte d’accusation donne le chiffre de 500 millions d’euros perdus par l’Etat grec en 28 ventes mal menées.

*** Voir ici un billet économique toujours valable qui relate d’autres péripéties liées à ses privatisations: Privatisations grecques: le casse-tête chinois

Dernier perdant, Tsipras en 2019?

Le dernier perdant de ses privatisations en Grèce c’est sans doute Alexis Tsipras, le premier ministre Grec. Car c’est depuis 2015 que les privatisations commencent vraiment, depuis qu'il est au pouvoir. Sous la pression des créanciers certes, mais aux prochaines élections on pourra dire que c’est sous Syriza qu’on a le plus privatisé en Grèce… Pas très vendeur, quand on se dit de gauche toujours radicale.

A Athènes, Marie Viennot

L'équipe