Comment la Commission européenne veut développer et encadrer les usages de l'intelligence artificielle.
L'intelligence artificielle est désormais considérée hautement stratégique, comme le
rappelait sur notre antenne, Thierry Breton nouveau commissaire européen au marché intérieur. Et dans le développement de ce secteur, l'Europe espère se démarquer, comme elle l'a fait avec les données personnelles grâce au règlement européen qui les protège, le RGPD.
C'est dans ce but que la Commission européenne a présenté cette semaine un "livre blanc", prélude aux avancées législatives voulues par sa Présidente et qu'elle espère désormais d'ici la fin de l'année. La Commission compte encadrer les usages risqués de l'intelligence artificielle, sans pour autant interroger le principe. Même plus, elle veut résolument soutenir le développement économique du secteur.
L'intelligence artificielle, ce n'est pas nouveau. Ce qui l'est, c'est l'ampleur de l'enjeu économique qu'elle représente. En raison des plus grandes capacités à collecter les données. Car c'est là-dessus que tout repose. Les intelligences artificielles ce sont ces applications qui observent, analysent et interprètent des données. Vous y avez probablement déjà recours au quotidien, dès que vous utilisez un site marchand, des réseaux sociaux, une application GPS ou encore un assistant vocal etc. Et le nombre de tâches automatisables ne cesse de se démultiplier : chaque jour, un nouvel usage apparaît.
L'idée générale de la Commission européenne, c'est de réguler de manière proportionnelle au risque : plus l'utilisation sera dangereuse, pour la santé, la sécurité ou les droits fondamentaux, plus les règles seront strictes . Quatre secteurs critiques sont définis : la santé, les transports, la police et la justice. Sur l'enjeu essentiel de la reconnaissance faciale, nous en parlions dans une précédente Bulle, Bruxelles a finalement renoncé à un moratoire, qu'elle avait un temps envisagé.
Les questions posées par l'intelligence artificielle sont autant économiques que juridiques et éthiques : comment un algorithme est-il conçu, quelles données sont utilisées par la machine pour apprendre ?
L'Europe veut définir des obligations juridiques, éthiques et techniques- que ce soit explicable, non piratable... Cela peut paraître théorique et abstrait. Et à certains égards ce Livre blanc l'est, puisque toute la question, c'est comment ces grands principes seront traduits dans des secteurs industriels spécifiques. Mais les conséquences pour chacun de nous sont en faite très concrètes.
Quelle transparence des décisions prises à par une machine qui fait du recrutement? Si demain quelqu'un se voit refuser un prêt bancaire ou en cas d'accident de voiture autonome, comment rendre des comptes sur les décisions prises ?
L'intelligence artificielle bouleverse nos mode de vies et interactions sociales. Pour autant l'idée d'un scénario unique de développement, présenté comme inéluctable est non seulement fausse Mais a tendance à déresponsabiliser et à masquer l'ensemble de la chaîne sur laquelle repose chacune des applications. Pour faire fonctionner les systèmes, on les entraîne en leur donnant des milliers voire des millions d'exemples. Concrètement des images, des textes, des chiffres, des sons. Et c'est grâce à cela qu'elles peuvent ensuite reconnaître une phrase, un visage, une intonation etc.
Autrement dit, l'intelligence artificielle porte en réalité, mal son nom. Derrières ces dispositifs il y a des humains. Ceux qui conçoivent les règles d'analyse des données. Et ceux qui entraînent ces dispositifs, en leur fournissant des informations sur les données. Des travailleurs, en général peu ou pas rémunérés. Ils sont des centaines milliers à le faire, comme ceux interrogés dans
Invisibles, une éloquente série documentaire actuellement en ligne sur le site de France Télé. Des travailleurs du clic, qui effectuent des micro- tâches, comparer des images, des phrases, le tout pour un micro revenu. C'est aussi sur cette nouvelle chaîne de travail, le plus souvent invisibilisée, que reposent les intelligences artificielles.
Reste à savoir quelle place cela prendra dans la consultation publique européenne lancée pour trois mois
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