Qui va travailler pour "un avenir meilleur" ?

Surnommée parfois le parlement mondial du travail l'OIT a reçu le prix Nobel de la Paix en 1969 pour "sa capacité à introduire des réformes supprimant les injustices flagrantes dans un grand nombre de pays".
Surnommée parfois le parlement mondial du travail l'OIT a reçu le prix Nobel de la Paix en 1969 pour "sa capacité à introduire des réformes supprimant les injustices flagrantes dans un grand nombre de pays".  ©AFP - Sebastien Feval
Surnommée parfois le parlement mondial du travail l'OIT a reçu le prix Nobel de la Paix en 1969 pour "sa capacité à introduire des réformes supprimant les injustices flagrantes dans un grand nombre de pays". ©AFP - Sebastien Feval
Surnommée parfois le parlement mondial du travail l'OIT a reçu le prix Nobel de la Paix en 1969 pour "sa capacité à introduire des réformes supprimant les injustices flagrantes dans un grand nombre de pays". ©AFP - Sebastien Feval
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L'Organisation Internationale du Travail publie un rapport sur l'avenir du travail pour son centenaire. Saura-t-elle définir les règles de justice sociale du 21ème siècle et éviter aux travailleurs et travailleuses du monde entier l'avenir sombre qui se dessine? L'enjeu est historique.

A l'occasion de son centenaire, l'Organisation Internationale du Travail publie un rapport intitulé " Travailler pour un avenir meilleur".  Rédigé par une commission adhoc, composée de politiques, universitaires, représentants de salariés et d'employeurs du monde entier, le rapport a été lancé depuis le siège de l'OIT à Genève, par le président de l'Afrique du sud.     

Le moment est historique. Le travail décent est la clef de la paix, la prospérité et le progrès. Matamela Cyril Ramaphosa, président d'Afrique du Sud.

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Or dans ce moment, l'OIT a, c'est vrai, un rôle à jouer.   

L'OIT est la plus vielle instance supranationale. Créée à la fin de la première guerre mondiale pour que la concurrence internationale ne se fasse pas au mépris des droits humains, elle a survécu à la deuxième guerre mais son pouvoir normatif est resté limité.   

Les recommandations et conventions de l'OIT se comptent par centaine. La convention 106 concerne le repos hebdomadaire, et a conduit l'OIT à épingler la France en 2011 sur la loi étendant le travail dominical
Les recommandations et conventions de l'OIT se comptent par centaine. La convention 106 concerne le repos hebdomadaire, et a conduit l'OIT à épingler la France en 2011 sur la loi étendant le travail dominical
- OIT

Les États ratifient ses conventions, mais l'OIT n'a pas de pouvoir de sanction, ni de contrôle. 

Des organisations créées après elle, le FMI, l'OMC, l'Organisation mondiale pour la propriété intellectuelle et bien d'autres ont su imposer leur agenda économique et force est de constater que le social a souvent été relégué au second rang.   

Faire passer la justice sociale au premier plan, en lien avec le défi climatique et technologique, c'est l'enjeu qui attend l'Organisation Internationale du Travail, et c'est un enjeu historique.  

A lire/ à écouter : Le travail décent ne s'oppose pas aux profits 

Avenir sombre en vue pour le travail

L'avenir du travail ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices. La robotisation et l'intelligence artificielle vont créer de nouveaux emplois, mais en détruire beaucoup plus.   

Toutes les études le disent. Le rapport de l'OIT publié cette semaine redonne quelques chiffres édifiants. 47 % des  travailleurs  aux  États-Unis  risquent  de  voir leur emploi remplacé par l’automatisation, les deux tiers dans les pays en développement. 

Or la population mondiale augmente, et il y a déjà 190 millions de personnes au chômage. Parmi celles qui ont un emploi, 300 millions vivent dans la pauvreté extrême, 2 milliards travaillent dans le secteur informel, sans aucune protection.  

Pour les économies à revenus élevés rappelle l'Organisation Internationale du Travail dans ce rapport, la croissance des salaires n'a pas suivi celle de la productivité, la part du revenu national qui revient aux travailleurs et travailleuses a diminué depuis les années 90, et dans le même temps (des années 80  à 2015), le taux d'imposition des sociétés est passé en moyenne de 45 à 24%, réduisant les marges des États pour maintenir des services publics essentiels ou des programmes sociaux.    

Les projections, le présent, la tendance... tout pousse à l'aggravation des conditions de travail dans le monde, la désunion des sociétés, l'isolationnisme, le nationalisme prévient l'OIT dans son rapport.   

Organisation tripartite composée des États, des syndicats de salariés et d'employeur, elle veut jouer le rôle de boussole, indiquer le chemin à suivre... mais ce chemin sera-t-il obligatoire ou optionnel, c'est la question de fond, question lancinante et toujours pendante.   

A lire/ écouter : A quoi sert (encore) l'OIT ? 

La mondialisation : un régime d'irresponsabilité généralisé

Nous sommes dans un chaos normatif au niveau international, dans un régime d'irresponsabilité généralisé. Alain Supiot, professeur de droit du travail et membre de la commission sur l'avenir du travail.

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A écouter :   Figures juridiques de la démocratie (9 conférences d'Alain Supiot au Collège de France retransmises par France Culture)

Pour lui, il y a deux options.   

  • Soit les injustices sociales continuent d'être gérées par objectifs et sans contrainte, c'est la voie que suit l'ONU avec ses objectifs de développement durables, lesquels ont remplacé les objectifs du millénaire.    
  • Soit on édicte des règles communes qui affirment la primauté des droits humains sur les règles économiques et financières.   

A lire/ écouter : Responsabilité des multinationales, bientôt la fin de l'impunité ? 

Dans la première option, celle de la continuité, l'OIT agit comme une agence mettant ses moyens, son expertise, ses rapports et ses recommandations au service d'objectifs louables mais non contraignants, dans la deuxième elle devient le régulateur mondial du travail.    

Qui peut en décider? Qui en décidera? Cette alternative sera-t-elle seulement évoquée lors des festivités du centenaire de l'Organisation ?   

Questions ouvertes, mais il y a une opportunité à saisir. Le multilatéralisme s'est affaiblit faute d'avoir pu enrayer la croissance des inégalités. Les associations comme ATTAC, OXFAM, le CCFD (impossible de toutes les citer) ne sont plus les seules à le dire, le forum économique de Davos en parle chaque année depuis 10 ans.   

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A lire/ écouter : Sauvés ! Davos veut s'attaquer aux inégalités (billet économique sur l'édition 2017 de Davos) 

Ces inégalités attisent la violence et aujourd'hui les États en ont conscience, notamment la France qui veut faire du G7 qu'elle préside cette année un G7 social.   

A lire/ écouter : Le capitalisme ultralibéral et financier va vers sa fin, c'est vrai ! 

La conférence du centenaire de l'Organisation International du Travail début juin sera l'occasion de voir qui vient et qui ne vient pas  ? Qui propose plus de régulation sociale et qui n'en veut toujours pas...  

Ce sera un moment de vérité.     

Marie Viennot   

PS: dans le podcast de la bulle vous entendrez un extrait de la chanson que l'OIT a fait composer pour son centenaire.  

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