Sanctions contre la Russie : l'oubli constant et discret du nucléaire civil

Les turbines Arabelle produites à Belfort (et que doit acheter EDF prochainement), sont pour les 2/3 vendues à Rosatom, l'opérateur russe.
Les turbines Arabelle produites à Belfort (et que doit acheter EDF prochainement), sont pour les 2/3 vendues à Rosatom, l'opérateur russe. ©AFP - JEAN-FRANCOIS BADIAS
Les turbines Arabelle produites à Belfort (et que doit acheter EDF prochainement), sont pour les 2/3 vendues à Rosatom, l'opérateur russe. ©AFP - JEAN-FRANCOIS BADIAS
Les turbines Arabelle produites à Belfort (et que doit acheter EDF prochainement), sont pour les 2/3 vendues à Rosatom, l'opérateur russe. ©AFP - JEAN-FRANCOIS BADIAS
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Le sixième train de sanctions européennes contre la Russie prévoit la continuité des relations sur le nucléaire civil avec la Russie et son opérateur Rosatom. Pourquoi cette exception ?

" Aujourd’hui, nous avons l’ambition d’être indépendant des combustibles fossiles russes aussi vite que possible". Ursula Von Der Layer, Présidente de la Commission Européenne lors de la présentation de Repower EU.

Le 18 mai dernier, la Présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Layer présentait sa stratégie pour sortir l’Union Européenne de sa dépendance au gaz et pétrole russe. Pas un mot ne fut dit sur le recours à l’énergie nucléaire.

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Le nucléaire divise les européens, mais au moment de décider de nouvelles sanctions contre la Russie, on en est maintenant au 6 ème paquet de mesures, tous les pays de l’Union Européenne sont d’accord pour maintenir les coopérations commerciales avec la Russie dans le domaine nucléaire civil.

Il y a sur le sol européen 18 réacteurs de conception Russe. 20% de l’uranium importé par l’UE vient de Russie.

Alors quand l’Union Européenne décide de restreindre les nouveaux investissements dans le secteur de l’énergie russe comme en mars dernier, elle exclue systématiquement l’énergie nucléaire civile, et le transport du combustible. Ces exemptions sont toujours valables, confirme la commission.

  • Une interdiction générale de nouveaux investissements dans le secteur de l'énergie russe, avec des exceptions limitées pour l'énergie nucléaire civile et le transport de certains produits énergétiques vers l'UE. Extrait des 4ème sanctions prises le 15 mars 2022.

Ça ne fait même pas débat, au point que personne ou presque n’en parle.

Depuis le début de la guerre, les seuls avions russes autorisés à se poser sur le sol européen sont chargés d’uranium pour les centrales de Slovaquie et Hongrie.

La dépendance va bien au-delà du combustible russe (souvent le seul compatible avec ses centrales), elle s’étend sur plusieurs décennies fait remarquer Greenpeace, car acheter un réacteur, c’est aussi acheter des services de maintenance et de gestion du combustible usagé.

L’association écologiste dresse, dans un rapport récent, un tableau précis des liens entre Rosatom, le champion nucléaire russe et la France, la Finlande, la Hongrie, les Pays Bas, la Suède, la République Tchèque et même l’Allemagne pour le démantèlement de ses centrales.

Lien entre Rosatom et les pays de l'UE sur le nucléaire civil
Lien entre Rosatom et les pays de l'UE sur le nucléaire civil
- Greenpeace

Dépendre du nucléaire russe pour se passer de son gaz…

Pour se passer du gaz et du pétrole russe, le plan, c’est donc de continuer à dépendre de Moscou pour le nucléaire… et cela nous concerne au premier chef.

Leader mondial de la construction de centrales nucléaires, Rosatom a 35 projets en cours, or à qui Rosatom achète principalement les turbines des réacteurs qu’il installe ? A la France, ou plutôt à GEAST, filiale de Général Electric située sur le territoire de Belfort qui doit être vendu prochainement à EDF.

Les deux tiers du carnet de commande de GEAST dépendent de Rosatom.

Sans ce carnet de commande, tout un tissu de sous-traitant français du nucléaire se retrouverait désœuvré, or il faut maintenir activité et savoir-faire le temps qu’EDF soit capable de commander des nouveaux réacteurs, comme le Président de la République le souhaite.

A lire/ écouter : Bulle économique : La relance du nucléaire, quoi qu'il en coûte !

Vouloir réduire la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie en développant le nucléaire est une très grave erreur, estime Greenpeance, car ce serait passer d’une dépendance russe à une autre.

A l’inverse, Rosatom ne pourrait pas honorer ses contrats de construction de nouvelle centrale sans les turbines Arabelle française.

Les liens de dépendance vont dans les deux sens. Mais combien de temps cela peut-il durer ?

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Arrêtez de tirer sur la centrale !

« Arrêtez de tirer sur la centrale… vous mettez la sécurité du monde entier en danger ».

Voilà ce qu’on entend dans une vidéo tournée à l’intérieur de la centrale nucléaire de Zaporija en Ukraine, le 4 mars 2022, quand l’armée russe y est entrée avec fracas. Elle l’occupe toujours. L’Agence Internationale de l’Energie Atomique ne désespère pas de pouvoir y envoyer une équipe, mais rien n’est encore fait.

Au 100 ème jour de guerre, la continuité des relations UE-Russie sur le nucléaire civil commence à se fissurer. Début mai, la Finlande a annulé sa commande pour une centrale à Rosatom. La Norvège a gelé les financements qu’elle apportait à des projets de gestion des déchets radioactifs situés en Russie, à 60 kilomètres de sa frontière. En représailles Rosatom interdit dorénavant l’accès à ses sites de stockage aux Norvégiens, qui ne pourront plus surveiller leur état que l’on dit délabré.

Côté français, un partenariat signé en décembre dernier entre Rosatom et le Commissariat à l’énergie atomique pour une collaboration de long terme sur la recherche et le développement n’est pas officiellement remis en cause, mais aucune des deux entreprises n'a souhaité communiqué avec moi sur son devenir. Selon les Echos, EDF voudrait renégocier le montant pour l'achat de GEAST à General Electric, pour tenir compte des pertes commerciales potentielles avec son principal client Rosatom.

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Cette semaine, le groupe allemand Scorpion a décidé de changer les paroles de son tube Wind Of Change composé en 1989 pour célébrer la fin du rideau de fer. Le vent du changement, la chanson en parle dorénavant pour l’Ukraine et au futur.

Le vent du changement, il ne souffle pas toujours pas sur le nucléaire qui peine toujours à occuper le débat public. Début avril, le parlement européen a proposé un embargo sur l’uranium russe. La résolution non contraignante ne fut pas discutée. Selon l’agence de presse Politico, « Quatre diplomates européens ont déclaré qu’une possible sanction sur l'industrie nucléaire russe avait été discutée lors d'une réunion avec les ambassadeurs de l'UE et la Commission fin avril », sans plus de conséquence à ce stade.

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