

Un rapport publié cette semaine analyse pourquoi l'augmentation de la taxe carbone a déchaîné la colère. Il propose des alternatives.
C'est la goutte d'essence qui a fait s'enflammer les gilets jaunes : l'augmentation de la taxe carbone, c'est surtout l'illustration d'une théorie économique efficace sur le papier, qui se prend le réel dans la figure, comme l'expliquent des économistes de l'IDDRI, l'Institut du développement durable et des relations internationales Mathieu Saujot, Nicolas Berghmans et Lucas Chancel, dans un rapport publié cette semaine.
Les raisons d'un échec
Comment un outil brandi par les économistes et certains politique comme le bon instrument pour amorcer un changement de modèle est-il devenu le symbole d'une déconnexion et d'une injustice?
Cette obligation de payer plus cher son essence pour tout le monde ne tient pas compte des disparités existantes dans la population : il y a ceux qui peuvent absorber ce surcoût et ceux qui ne peuvent pas, tout comme il y a ceux qui peuvent se passer de voiture, et ceux qui ne peuvent pas.
Dans la théorie, ce type de taxe provoque ce qu'on appelle "l’élasticité-prix" : en possession de toutes les informations nécessaires, un agent économique rationnel choisirait l'option la plus efficace pour satisfaire ses besoins. En l’occurrence, face au renchérissement du coût des combustibles fossiles, nous devrions privilégier des modes de transports alternatifs, plus doux, plus sobres, plus collectifs.
Or, dans le monde réel, "l'élasticité prix", ou la capacité de changer ses habitudes, c'est plus compliqué. D'abord par ce que tout le monde ne dispose pas de toutes les informations nécessaires : notamment la possibilité de recourir à des primes, ou au chèque énergie dans ce cas précis.
Par ailleurs ce qui dicte nos choix tient plus souvent de l'habitude que de la rationalité : passer d'un coup d'un seul de la voiture au vélo, au train, ou même au co-voiturage pour ses trajets domicile travail, c'est difficile.
Ensuite joue la peur d'avoir à supporter une dépense élevée à court terme avant de bénéficier d'économies à long terme. En d'autres termes acheter _cher_ une voiture électrique pour à terme payer moins de carburant, cela n'est pas naturel pour tout le monde.
Sans compter des "contraintes d'accès au capital": tout le monde, et notamment les ménages les plus modestes, n'a pas la capacité de mobiliser une forte somme d'argent pour changer son véhicule ou tout autre action qui permettrait, là encore, des économies à long terme.
Et puis il y a d'autres éléments qui expliquent ce rejet. Principalement un sentiment d'injustice nourri par le fait que les ménages sont mis à contribution, mais que le transport routier, le transport aérien, et les industries sont eux exonérés.
Enfin l'Etat n'a jamais été en capacité de convaincre que cette hausse de la taxation carbone n'était pas initiée pour autre chose qu'une logique de rendement budgétaire.
Ceci posé, que fait-on ?
On en profite, proposent les 3 chercheurs, pour investir, massivement dans des alternatives dé-carbonées ! Il proposent par exemple de profiter du plan mobilité pour mettre en place un plan vélo digne de ce nom, pour développer les transports ferroviaires dans les régions qui en manquent, pour investir dans la rénovation énergétique, dans les infrastructures permettant d'autres modes de déplacements (recharges électriques ou pompes à hydrogènes par exemple). Autrement dit il faut créer les conditions d'une transition écologique acceptable, qui permette de préserver le budget des ménages les plus modestes.
La recette de la taxe carbone actuelle, qui rapporte à l'Etat près de 9 milliards d'euros par an, pourrait être reversée à ces ménages plus modestes, qui se verraient en outre apporter une aide personnalisée pour envisager d’autres moyens de se chauffer ou de se déplacer.
Enfin faire contribuer les autres secteurs, l'aérien, le transport routier et l'industrie, parait indispensable, estiment les auteurs du rapport. En somme restaurer la confiance des ménages en la volonté des pouvoirs publics d'amorcer une réelle transition énergétique. Une fois cette confiance retrouvée on pourrait alors envisager plus sereinement d'augmenter, à nouveau, la taxe carbone.
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