

Le monopole de Bercy pour lancer des procédures pénales à l'encontre des fraudeurs fiscaux est remis en question. S'il est levé, comme le préconisent des députés de tous bords cette semaine, la transparence et l'égalité des citoyens devant l'impôt seront-ils gagnants ? Pas si simple.
Parlons dans cette bulle de fraude fiscale, et de justice. Au sein du gouvernement, c'est le ministre du Budget qui est responsable de lutter contre la fraude fiscale, comme l'illustre cette photo ressortie sur Twitter récemment.
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Le 5 décembre 2012, à l'assemblée nationale, lors des questions au gouvernement, Jérôme Cahuzac affirmait :
"Je n’ai pas, je n’ai jamais eu de comptes à l’étranger, ni maintenant ni avant." Jérôme Cahuzac, alors ministre du Budget.
Nous sommes le lendemain des révélations de Mediapart sur ses comptes cachés. Quatre mois avant sa démission du ministère du Budget, ses aveux, et 5 ans avant sa condamnation, le 18 mai 2018 à 2 ans de prison ferme et 300 000 euros d'amende. Jérôme Cahuzac n'est pas passé entre les mailles du filet, mais ce n'est pas à l'administration fiscale qu'on le doit, c'est surtout à Mediapart.
Etait-il protégé du fait de sa position de ministre, en charge de l'administration chargée de débusquer les fraudeurs comme lui ? La commission d'enquête parlementaire qui a planché sur la question en 2013 n'a pas tiré cette conclusion...
Pourtant, en tant que ministre du Budget, Jérôme Cahuzac avait la main sur les dossiers fiscaux transmis à la justice. Il avait alors les clefs du verrou de Bercy. Grâce à Jérôme Cahuzac, le grand public a découvert ce fameux verrou aussi nommé monopole de Bercy. Monopole, car c'est Bercy qui a en effet le monopole des poursuites pénales dans les cas de fraude fiscale.
A lire/ Ecouter : Le verrou de Bercy : une anomalie française
Pourquoi ce verrou pose problème ? Parce qu'il entretient la suspicion.
- L'administration fiscale réalise 50 000 contrôles fiscaux externes par an
- 14 000 sont passibles de redressement
- 4 700 doivent s'acquitter de pénalités supérieures à 100 000 euros
- seulement un millier (946 en 2017) sont en moyenne transmis par l'administration à la Commission des Infractions Fiscales, la commission chargée de décider s'il y a lieu ou pas de transmettre ensuite le dossier à la justice.

Quels sont les dossiers qui ne sont pas transmis ? Pourquoi ?
L'administration n'a pas à motiver ses décisions... Aux nombreuses missions d'enquête sur la fraude fiscale, et elles s'enchaînent depuis cinq ans, la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) explique qu'elle ne transmet que les dossiers les plus graves, ou ceux pour lesquels elle estime qu'il y a une chance de gagner en justice... mais le doute persiste.
Y a-t-il des arbitrages politiques ? Certains citoyens ou citoyennes sont-elles simplement redressé.es fiscalement en évitant la case procès pour plus de discrétion ? Des multinationales peuvent-elles secrètement s'affranchir d'un procès en échange d'un gros chèque ?
Le verrou de Bercy alimente la suspicion d'une opinion publique échaudée par l'affaire Cahuzac, et toutes les révélations mondiales qui ont suivi, de Lux Leaks en passant par les Panama et Paradise papers.
A lire/ Ecouter : Paradise papers : y croire ou pas
Qui veut faire sauter le verrou ? De multiples fois des députés ou sénateurs ont tenté de le faire sauter. L'été dernier à l'occasion de l'examen du projet de loi rétablissant la confiance dans la vie publique et encore ce printemps, à l'occasion du passage de la dernière loi de lutte contre la fraude fiscale au Sénat.
Cela pourrait changer. Une mission parlementaire a proposé cette semaine de confier aussi les clefs du verrou aux parlementaires et au parquet, c'est à dire la justice. Ici son rapport.
Pourquoi cette fois cela pourrait marcher ? Parce que six groupes politiques de l’Assemblée nationale soutiennent ces propositions, de la France Insoumise aux Républicains.
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Pour autant, tous les doutes seront-ils levés ? Les experts en fiscalité qui s'expriment sur les réseaux n'en sont pas convaincus.
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Après le verrou de Bercy, le filtre hiérarchique
De fait, c'est toujours l'administration fiscale qui lancera les enquêtes, et même si elle est très légaliste et qu'il n'y a rien à lui reprocher dans l'ensemble, dans le détail, l'affaire Cahuzac montre que parfois il y a des ratés... Car il y a bien eu une enquête d'un inspecteur des impôts sur les époux Cahuzac. Ce dernier, Rémy Garnier (aujourd'hui à la retraite) a remis un mémoire à sa hiérarchie en 2008 évoquant déjà des anomalies. Mais rien n'a bougé.
Avant le verrou de Bercy, il y a... le filtre hiérarchique, sa capacité à enterrer les dossiers, et aussi non négligeable les moyens d'enquêter. Depuis l'affaire Cahuzac, ils ont été renforcés, mais restent insuffisants.
Si le verrou de Bercy est supprimé, verra-t-on plus de fraudeurs devant les tribunaux ? Plus de multinationales ? Trembleront-ils à l'avenir en fredonnant comme la chanson... "J'ai enfreint la loi, la loi a gagné ??? "
Rien n'est moins sûr, car l'intention de fraude fiscale est difficile à démontrer, et les gros poissons savent très bien se frayer un chemin dans la zone grise entre optimisation et fraude...
Souvenons nous que Bercy s'est faite retoquée par le tribunal administratif pour le redressement fiscal supérieur à 1 milliards d'euros que le fisc voulait imposer à Google ! Souvenons nous que la famille Wildenstein a été relaxé alors que les faits l'accablaient.
A lire/ Ecouter : Trust : une arme antisociale (avec du Trust dedans..)
Justice indigente
L'autre problème, c'est que les tribunaux correctionnels sont déjà engorgés. C'est d'ailleurs l'argument phare des parlementaires qui refusent de lever le verrou. La vidéo de ce sénateur indépendant est très parlante.
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La justice aura-t-elle le temps, et les moyens de traiter le surcroit de dossiers de fraude fiscale une fois le verrou levé, demande en substance ce sénateur ? N'est ce pas plus efficace d'en rester à l'amende administrative, même si la justice ne passe pas ?
Est-une question de morale ? Oui, lui répond ce sénateur communiste, depuis longtemps opposé au verrou de Bercy.
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Il est là le débat, entre efficacité et moralité. Rendez-vous à l'automne, quand la levée du verrou sera pour une énième fois en débat à l’Assemblée.
Marie Viennot
Ci dessous la vidéo de la chanson de la la bulle parlée !
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