Je vous fais une fleur

  ©Getty - Petri Oeschger
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En ce début de printemps, j’ai envie de vous offrir un bouquet de saveurs. Car si les fleurs sont plus que jamais présentes dans la mode ou la décoration, elles le sont encore plus en cuisine.

En effet, présentes dans l’alimentation d’Homo Sapiens depuis la nuit des temps – je vous rappelle que nos ancêtres étaient des chasseurs-cueilleurs avant d’inventer l’agriculture, et je doute qu’ils aient fait la différence entre la ciboulette et sa fleur – elles reviennent en force dans les assiettes contemporaines.

L’un des chefs à qui l’on doit cette tendance aussi bucolique que romantique, c’est l’immense Michel Bras, du restaurant éponyme à Laguiole. En juin 1980, alors qu’il se promène sur son plateau de l’Aubrac dans les pâtures inondées de fleurs et de couleurs, il a une révélation : ce paysage, il doit le transformer en plat. Le fameux gargouillou est né.

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Le gargouillou : Qu’est-ce donc ?

Concrètement, c’est une assiette belle comme un tableau, un feu d’artifice de jeunes légumes, de fleurs de capucine, de bourrache, de mauve… Mais c’est bien plus que ça : rétrospectivement, c’est un plat qui pourrait être érigé en manifeste de la cuisine nature, une référence végétale pour d’innombrables chefs autour du monde, et notamment pour les cuisiniers scandinaves comme René Redzepi de Noma, ou Rasmus Kofoed (dont le restaurant s’appelle Geranium !) à Copenhague, chez qui accourent des clients du monde entier, pour goûter à leurs créations, savoureuses et belles comme des toiles de maîtres. 

À propos d’esthétique, précisons que les fleurs font actuellement le succès des influenceurs sur les réseaux sociaux. Mimi Thorisson, auteure de livres et d’émissions de cuisine, raconte que c’est son « garden cake », un gâteau décoré de fleurs de fraisier, qui a fait décoller son compte Instagram. Et les stylistes culinaires berlinoises Nora Eisermann et Laura Muthesius de Foodstories (1 million d’abonnés) ne postent pas une recette qui ne soit ornée de roses ou de renoncules. Enfin, l’une des tendances de l’année sur Pinterest, c’est le gâteau fleuri, qui croule sous les œillets et autres dahlias.

Mais le grand Pierre Hermé, qui est à la pâtisserie ce que Picasso était à la peinture, n’a pas attendu cette folie insta-food pour conter fleurette à ses macarons. En effet, c’est en 1997 qu’il lançait son fameux Ispahan, dans lequel la douce saveur de la rose bulgare répond à celles, plus acidulées, du litchi et de la framboise. Il a fait des émules puisqu’aujourd’hui il n’est pas rare de trouver des notes de mimosa au détour d’un plat de cochon (comme chez Manon Fleury), ou de mélilot dans un mijoté de homard chez Jean-François Piège. 

Les saveurs des fleurs sont-elles vraiment intéressantes ?

Les fleurs sont d’une grande complexité aromatique, et leur légèreté leur donne un côté éphémère un peu magique, moins appuyé que les épices. En revanche, pour les cuisiner sans danger, il faut bien les connaître, au même titre que les champignons, car certaines sont très toxiques (cf livres de François Couplan). Ensuite, elles ne sont comestibles que si elles sont bio et non traitées.

Une fois ces précautions prises, vous pourrez goûter, au hasard de vos cueillettes :
- à la bourrache, iodée comme une huître, qui fait merveille avec le poisson,
- à la primevère, dont la douceur miellée s’accorde bien avec un os à moelle.
- à la tagète, dont les notes de curry et de safran, réveillent un velouté d’asperges, et à mille autres merveilles.

Si les idées vous manquent, sachez que d’innombrables livres fleurissent sur le sujet. Et n’hésitez pas à vous faire une fleur en achetant un de ces bouquets à croquer, vendus avec des fiches recettes, qui poussent sur internet : d’abord, ils décorent, ensuite, ils se dévorent !

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