Le journaliste du New-York Times n'est pas du genre à se contenter des centaines de pages de documents existants pondus par les politiciens européens.
Et bien effectivement, cette semaine Caroline, je voulais m’attaquer à un Himalaya journalistique, une montagne d’ennui potentiel pour nos auditeurs à une telle heure, un dimanche : la politique agricole commune, la PAC. Alors, ne partez pas chers auditeurs, je vous jure que le sujet est essentiel et qu’il y a d’autres manières de le traiter qu’à travers l’interprétations des statistiques de la Commission européenne selon la police ou selon les manifestants. En réalité, j’ai trouvé l’homme de la situation en la personne d’un très éminent journaliste du New York Times qui s’appelle Matt Apuzzo et qui fait partie du club très fermé des journalistes deux fois lauréats du prestigieux prix Pulitzer.
La dernière fois, c’était en 2018 pour récompenser la qualité de l’enquête qu’il avait mené sur les liens entre la campagne électorale de Trump et la Russie. Dans la foulée, il est envoyé en poste à Bruxelles où il en vient très vite à s’intéresser à l’un des plus grands programmes mondiaux d’aide aux agriculteurs, qui pèse 60 milliards d’Euros, soit tout simplement 40% du budget de notre Union Européenne. On s’en doute un peu, Matt Apuzzo n’est pas trop du genre à se contenter des centaines de pages de documents existants sur le sujet, pas plus que des discours formatés des politiciens européens. Il décide donc d’aller enquêter sur le terrain voir qui touche quoi, pour cultiver quoi et il est particulièrement intrigué par neuf pays, plutôt du côté de l’Europe de l’Est. Il s’y rend pendant des mois, y épluche les données des services d’urbanisme, observe les mouvements des terres, enquête sur les propriétaires, recoupe ses informations avec les tableaux des subventions européennes et publie, le 3 novembre dernier, le premier volet de son enquête qui sera suivi de deux autres en décembre, provoquant un véritable séisme à Bruxelles.
Je vous livre juste un extrait de ses conclusions : « _Les subventions agricoles européennes sont utilisées pour soutenir les oligarchies locales et produisent la version moderne d’un système féodal corrompu. Les aides et subventions sont ainsi captées par une poignée d’acteurs, élus ou proches d’hommes politiques, qui ont fait main basse sur les terres agricoles, auparavant exploitées dans le cadre des systèmes collectivistes de ces pays de l’Est. Ces dérives conduisent par ailleurs au maintien d’une paysannerie sans terre, exploitée par ces grandes structures agricoles__._ » Rien que ça. Mais Matt livre également des noms, et pas des seconds couteaux, en montrant par exemple comment Andrej Babiš, Président du gouvernement de la République tchèque et homme d’affaires dans le secteur de l’agroalimentaire ou Victor Orban, premier ministre hongrois captent pour eux ou leur famille, des fonds de la PAC.
Son enquête a fait beaucoup de bruit, jusqu’à mobiliser voici une quinzaine de jours un certain nombre de parlementaires européens qui ont demandé quelques explications au nouveau Commissaire européen en charge de l’agriculture, qui, ça tombe bien, est polonais.
Alors vous voyez que grâce à Matt Apuzzo, la PAC devient au fond assez simple : il faut le plus vite possible oublier tout ce qui a été fait jusque-là et repartir d’une page blanche afin que tous les citoyens y comprennent quelque chose tout en militant pour l’impérieuse nécessité d’une Europe irréprochable.
Et pour ceux de nos auditeurs, Caroline, qui seraient à Paris le 22 février prochain, Matt Apuzzo participera à un débat public dont vous trouverez les détails sur les sites des Bonnes Choses et d’ Alimentation Générale.
Pour aller plus loin :
- Matt Apuzzo participera le 22 février prochain au débat Sortons l'agriculture du salon, le festival des acteurs de la transition alimentaire.
- Pour les anglophones, les derniers articles de Matt Apuzzo pour le New-York Times.
- Le site d' Alimentation Générale l La plateforme des cultures du goût.
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