

Parlons de la plus vieille recette de l’humanité : elle existe depuis que l’homme maîtrise le feu, soit 450 000 ans, à quelques mois près, bien sûr. Vous pensez au barbecue ?
Eh non, ce n’est pas ça. En fait, dès que madame Sapiens a trouvé le moyen de faire chauffer de l’eau dans un trou, elle a eu l’idée d’y plonger des herbes, des os, de la viande… Sans le savoir, elle venait d’inventer le bouillon, et avec lui, l’une des bases de la cuisine universelle. Bénéfice immédiat : cela rendait les aliments plus sains, et moins coriaces sous la dent –imaginez-vous croquer dans une cuisse de lièvre crue pour mieux comprendre la problématique de nos ancêtres-. Bénéfice secondaire : tout était meilleur ! La notion de goût était née, et ce, aux quatre coins de la planète. Ainsi, il y a 2000 ans, au centre de la Chine, du côté de Chongqkin, apparaît ce qu’on appelle la « fondue chinoise », en réalité, un bouillon très épicé à base d’abats. Mille ans plus tard, en Mongolie, on fait bouillir ensemble du mouton, un peu de pâte de sésame, un soupçon de pâte de haricot mungo, de l’huile pimentée, de la coriandre et on obtient…l’ancêtre d’un bouillon japonais très populaire : le shabu-shabu !
La cuisine japonaise… toujours !
Et pour cause : il est aujourd’hui unanimement reconnu, dans le monde de la gastronomie, qu’avec le dashi, les Japonais ont inventé le roi des bouillons ! Tous les chefs rendent hommage à ce monument d’umami, cette fameuse cinquième saveur qui incarne le goût du Japon, et qui est obtenue avec de l’eau, de l’algue kombu et de la bonite séchées. C’est tout ? Oui, mais le résultat peut être divin. Et si vous demandez à Alain Ducasse quel est son restaurant préféré dans le monde, il cite invariablement une gargote d’Osaka, où une dame et son fils servent un bouillon éblouissant.
Mais revenons à nos moutons. Ou plutôt à nos cochons. Parce que pendant que nos aïeux asiatiques taquinaient les algues et les épices, les cuisinières n’étaient pas en reste dans nos belles régions. Les Bretonnes enrichissaient leur bouillon de lard et de farz, une pâte à base de farine de sarrasin et de blé noir (ce qui donna le kig ha farz, littéralement « viande et farce »), tandis que les Béarnaises y plongeaient un volatile, inventant la poule au pot, si chère à Henri IV. Pourquoi si chère ? Parce qu’elle était nour-ris-san-te, une notion fondamentale à une époque où manger à sa faim était une préoccupation permanente. D’ailleurs, au milieu du XVIIIème siècle, des vendeurs ambulants sillonnaient Paris en proposant du bouillon de viande et en criant « Bon bouillon qui restaure, bon bouillon qui revigore !». De fil en aiguille, les premiers restaurants populaires prennent le nom de « bouillons ».
Si ancien, mais toujours à la mode !
Parce que plus que jamais, le bouillon, pas cher, sain et léger, est à la mode. À Paris, le Bouillon Pigalle, un restaurant bon marché et branché, fait un tabac. À New York, les enseignes Brodo vous proposent un brouet d’os à emporter, comme des cafés latte, et sur Instagram, les hashtags « broth » et « bouillon » cumulent 300 000 publications. Dans les rayons des épiceries fines, on trouve désormais du bouillon en bouteilles (Bû Bouillon), en infusettes (Chic des plantes). Le pot-au-feu casse la baraque dans les bons bistrots (au veau, légumes et aneth chez La bourse et la vie) et la gastronomie bouillonne à qui mieux mieux (bouillon de lièvre, st jacques crues de Christophe Pelé au Clarence). Quant aux livres sur le sujet, ils se multiplient, mais la bible du genre est signée par l’immense chef William Ledeuil (La Martinière). Bref, vous l’aurez compris, mon mot d’ordre aujourd’hui, c’est : Prenez le bouillon !
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