

Devant un tuto sur TikTok, Aurélien Bellanger est pris dans un tournant métaphysique un peu radical, tenté par les théories panpsychistes qui attribuent une conscience à toutes les entités du cosmos... Par exemple, un ballon a-t-il besoin d'yeux pour voir ? Peut-être pas !
Je suis fasciné par les théories évolutionnistes de la vision : comment d’une concavité thermosensible de la peau on est lentement passé à un corps vitreux sphérique tapissé de récepteurs lumineux...
Fantaisies évolutionnistes
Cela paraît un peu fou, mais plus rien ne me surprend vraiment, dans la théorie évolutionniste, depuis que j’ai vu la vidéo d’un maître verrier qui donnait, avec de simples ciseaux, la forme d’un cheval à un morceau de verre fondu : j’ai compris, ce jour-là, le peu d’effort qu’il y avait à faire — quelques millions d’années seulement — pour faire pousser des jambes et une crinière au moindre amas de matière.
Mais il est vrai aussi que j’avais lu, il y a longtemps, Manifeste contra-sexuel de Paul Preciado, et que j’y avais entrevu, comme dans le Houellebecq des Particules Élémentaires d’ailleurs, la possibilité de transformer en organe sexuel n’importe quelle partie de notre épiderme : il suffisait à peu près de le décréter, et notre épaule devenait une source possible de jouissance.
Vision un peu queer de l’évolutionnisme ? Je crois que je vais encore plus loin que ça, et peut-être même au-delà du créationnisme, qui explique tout par la libido délirante d’un dieu qui aurait inventé l’homme comme on se fait greffer un pod sur le front.
Pour tout vous dire, je suis tenté par les théories panpsychistes, qui attribuent une conscience — et pourquoi pas une libido — à toutes les entités du cosmos.
Aperçus panpsychiques...
Comment m'a pris ce tournant métaphysique un peu radical ?
Comme souvent, devant un tuto sur TikTok. En l’occurence celui d’un basketteur qui expliquait comment enfin réussir tous ses lancers-francs. Et au lieu de dire, sobrement, qu’il était préférable d’adopter une trajectoire en cloche, mon basketteur, imaginatif, avait dessiné deux courbes, l’une en forme d’ellipse et l’autre parfaitement ronde, qui représentaient chacune ce que voyait le ballon de l’arceau, selon que le lancer était plus ou moins tendu. Et on comprenait intuitivement qu’il fallait adopter la trajectoire la plus parabolique pour que l’arceau soit grand ouvert. On comprenait surtout que pour résoudre intuitivement ce petit problème de physique, il n’était pas inutile de doter le ballon du don de la vision.
C’était la première fois que je voyais l’univers s’expliquer mieux par le recours à des propriétés intentionnelles, à une conscience primitive, plutôt que par les lois aveugles de la matière brute.
Et cela a été comme une révélation.
Les ballons voient-ils ce qui leur arrive ?
Honnêtement, et sans provocation aucune, je ne trouve pas cette formulation plus absurde que celle qui consiste à dire que les ballons suivent les lois de la physique. Je préfère penser qu’ils les découvrent, comme un enfant qui joue ; qu’ils les observent même, parfois, avec la scrupuleuse attention du physicien.
D’ailleurs, il faudrait presque retourner la chose : les ballons observent bien mieux les lois de la physique que les physiciens eux-mêmes.
Rien ne détourne leur regard, et c’est en cela que la trajectoire du ballon de basket est toujours pure de toute scorie psychologisante — au point qu’on en arrive paresseusement à lui dénier qu’il pense. Au titre qu’il pense trop juste ou trop droit.
D’où vient que les esprits boiteux nous irritent, se demandait Descartes ? De ce qu’il ne savent pas qu’ils boitent. Mais mon ballon, lui, accomplit ce prodige supérieur : il ne sait tout simplement pas boiter. Il voit parfaitement clair.
Inutile alors de posséder des yeux pour voir, j’en ai eu la confirmation devant la mer, l’autre jour, en voyant les vagues élever leur écumes blanchâtre juste pour attraper les rayons déclinants du soleil hivernale. Ce dont j’ai eu la certitude, le temps d'un frisson, c’est que la mer, à cet instant, lumineuse, regardait le soleil.
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