Les réseaux sociaux ont fait leur temps ! C'est ce que pense Aurélien Bellanger qui prédit le grand retour du présentiel, quelque chose comme une grande covida, la movida de l’après-Covid ! Que nous restera-t-il de souvenirs du temps des réseaux sociaux ?
Une tentative de coup d’état fasciste en Amérique et quantité de promesses déçues. À commencer par la plus merveilleuse d’entre elles. Quelque chose que les premiers chrétiens, à la suite d’Origène, avaient nommé l’apocatastase — une apocalypse inversée qui verrait à la fin du temps tous les hommes, sans exception, monter au paradis.
La promesse est incontestabement éventée depuis le bannissement du plus puissant d’entre eux. Nous ne serons pas sauvés par les réseaux sociaux, nous leur aurons confié en vain nos vie maladroites. L’algorithme ne sera pas la grâce. Ni le village global, ni même l’Arche, ni rien du tout. Il ne restera rien, bientôt, de cette expérience.
La fin des réseaux
Je crois, oui, que les réseaux sociaux ont fait leur temps. Disparaître, peut-être pas, mais demeurer comme le courrier papier ou le mail : on a tous, encore, des boites à lettres, mais ce n’est plus autour d’elles que notre vie s’organise.
Après tout, le téléphone, comme façon de transmettre la voix à distance, aurait été lui aussi une impasse technologique : les services d’opéra à distance chers à Proust, longtemps considérés comme une singularité de la Belle Epoque, nous apparaissent aujourd’hui comme les premier pas du streaming musical. Et c’est les échanges vocaux qui nous paraissent archaïques. On n'a jamais, au fond, trop aimé recevoir des appels, et on s’appelle de moins en moins — internet n’étant au fond que la plus spectaculaire des façons qu’on a trouvé de ne pas se parler. Comme les réseaux sociaux furent longtemps une manière pratique de ne pas se voir…
Je prédis le grand retour du présentiel, quelque chose comme une grande covida, oui, la movida de l’après-Covid. Mais plus profondément je m’interroge, presque à la façon d’un archéologue, sur ces réseaux sociaux qui sont devenus si vite centraux dans nos vie qu’on à peine connu leur état primitif.
À peine se souvient-t-on de leurs éphémères promesses, du graphe primitif de la roue des amis sur Facebook au généreux double F des Followings Friday de Twitter.
Mais trop de mises à jours nous séparent de ces temps oubliés, et nous empêchent de mettre le doigt, vraiment, sur ce qu’a été notre première expérience des réseaux sociaux. Et je crois savoir pourquoi : car je crois que cette première expérience, elle a été détestable.
L'ami algorithmique
Je m’en suis rendu compte le jour où j’ai quitté Facebook : je n’en pouvais plus d’y aller seulement pour avoir des gens à haïr, de pâles vengeances venues de l’adolescence à accomplir.
Je n’aime pas beaucoup les Maximes de La Rochefoucault, leur misanthropie facile me déplait, comme je trouve peu de choses à admirer chez Cioran : rester sur Facebook cela aurait été comme me forcer à lire, pour l’éternité, ces livres que je n’aimais pas, ces livres mauvais. Mais ce que j’observe, maintenant que je me suis sauvé, c’est que les sociabilités mauvaises des réseaux sociaux demeurent.
Je suis resté sur un réseau social très primitif : un simple groupe de conversation entre amis.
Nous sommes sept, et je dois reconnaitre, sans que mes amis y soient pour grand chose, que mon expérience utilisateur se dégrade.
La chose, comme Facebook et Twitter, comme si c’était là le péché originel de tout réseau social — voire le péché originel lui-même — a lentement dégénéré.
C’est comme s’il n’y avait plus personne. Des coeurs qu’on s’envoie, des « Haha », plus grand chose. Un ressentiment sans objet qui monte. Une constellation un peu vide et amère. Qui se dissipe, heureusement, dès qu’on se voit. Pour l’instant…
Alors ce qui restera à la fin des réseaux sociaux, ce sera peut-être le réseau... Le social, lui, aura disparu ? Le médium, une fois de plus, comme dans les prédictions de McLuhan, aura été le message. Le réseau nu, le graphe, l’algorithme : c’est le seul ami qui reste, et il est tout, sauf amical.
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