Qu'est-ce que le fan-art ? Aurélien Bellanger nous emmène aujourd'hui dans cet univers en voie de reconnaissance artistique.
Qu’est ce que c’est que le fan-art ? C’est une sous-branche de l’art naïf, un art modeste, au sens que lui prête le peintre Hervé di Rosa. On ne sait pas trop ce que c’est, mais on en voit, et on trouve ça plutôt moche. C’est par exemple un portrait brodé de Keanu Reeves, un fusain d’Han Solo, le héros de Breaking bad gravé dans la mousse d’un cappuccino ou la Princesse Padmé dessinée la poussière de la lunette arrière d’une voiture.
Le fan-art est très libéral, techniquement. Il joue souvent le rôle d’un démonstrateur technique : cette façon virtuose que j’ai inventé de représenter les choses, je vais vous la montrer avec un visage que vous connaissez bien.
A sa façon le fan-art s’inscrit ainsi dans la longue histoire de la copie.
On ne peut pas mépriser tout à fait le fan-art sans mépriser aussi la Renaissance —à ce détail près que les Laocoons qu’on reproduit sont désormais issus des trilogies Starwars plutôt que de la mythologie grecque. Mais le fan-art poursuit la longue histoire de la mimesis.
Et puis il y a eu l’affaire 50 nuances de Grey, qui a tout changé à son destin : ce qui n’était au départ qu’une fan-fiction érotique autopubliée inspirée à son autrice, E.L. James, par les vampires amoureux de Twilight est devenue l’un des plus gros succès d’édition de tous les temps.
Le fan-art serait-il devenu mainstream ?
Mieux encore, il aurait acquis, à peu près moment, avec la série d’animation Rick et Morty, conçue initialement comme un hommage au célèbre duo de Retour vers le futur, la reconnaissance artistique.
Personne ne doute plus aujourd’hui qu’il s’agit d’un des chef d’œuvre de notre temps. Pour l’anecdote, on a même pu voir que Navalny, dans l’avion qui le ramenait en Russie, regardait Rick et Morty sur sa tablette. Que lisait Lénine dans le train qui l’a conduit, au printemps 1917, de Zurich à Saint-Pétersbourg ?
La révolution de la fan-fiction
Apparemment il écrivait, plutôt, quelque chose qui serait connu sous le nom des Thèses d’avril. De la littérature révolutionnaire, rien de révolutionnaire en littéraire. Mais rien ne nous empêche, dans une fan fiction de Lénine, de lui faire lire Anna Karénine, et de tomber amoureux d’une passagère. Ce voyage en train a donné lieu d’ailleurs à sa propre mini-série italienne, Un train pour Petrograd, et on pourrait imaginer une fan-fiction qui la prendrait pour point de départ. La révolution comme fan-fiction de l’histoire ! Mais je digresse un peu. L’un des points de départ de la fan-fiction est cependant peut-être ici : dans un attachement démesuré aux personnages, voire aux acteurs qui les incarnent. Le véritable fan, c’est celui qui plonge dans une mélancolie noire une fois la série achevée, la trilogie conclue. Il lui faut agiter encore ces marionnettes. Comme ce fan de Bernie Sanders, inconsolable de sa défaite à la primaire, qui a fini par fabriquer un Bernie Sanders au crochet.
Le fan-art serait-il aussi politique ?
Oui, car c’est aussi une façon de résister aux studios, ou d’écrire sa propre version de l’histoire officielle. L’existence du fan-art est ainsi problématique, du point de vue du copyright. Disney tient à ses super héros. Mais on l’a vu justement le studio dans un mouvement tactique imprévisible, les aimer tellement qu’il s’est mis à faire du fan-art avec eux.
La chose s’appelle Wandavision et prend place, on se sait pas trop où encore, dans le Marvel Cinematic Universe. Mais ce qu’on sait, devant cette paradoxale petite sitcom à 225 millions de dollars, c’est qu’on n’avait pas d’autres désirs, en ces temps troublés, que de regarder la vie domestique de l’adorable Wanda et du craquant Vision.
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