Albert Bensoussan : A l'école de Vargas Llosa : épisode 3/4 du podcast Le roman de l'école

Détails de l'affiche du film réalisé par Francisco J. Lombardi, La Ville et les chiens (1985)
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À l’école de Jorge Mario Pedro Vargas Llosa (1936 - ), nous revenons à une discipline militaire. Son premier roman intitulé : La Ville et les chiens, publié en 1962 évoque un passage de la vie de l’auteur, deux années passées à l’internat Leoncio Prado, à Lima au Pérou.

Avec

La jungle urbaine

Mario Vargas Llosa y entre en 1950 sur ordre de son père qui l’y conduit pour le punir de sa passion des mots, des poèmes qu’il compose. Un poète n’est pas un homme, selon le père. Le fils devra donc être corrigé.  Il pénètre un univers de Caïds, selon le titre du recueil de nouvelles qu'il publie un an après ce premier roman, un monde de prédateurs retranscrit dans La Ville et les chiens, oeuvre que Vargas Llosa commence à écrire en 1958, à Madrid :

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En face de lui, vers la gauche, se dressent trois bâtiments de ciment : la cinquième année, puis la quatrième ; au fond la troisième, le quartier des chiens. (Mario Vargas Llosa, La Ville et les chiens, 1962)

Les chiens, le Rat, le Boa, le Jaguar… autant de surnoms dont s’affublent les élèves du capitaine Garrido, autant de noms qui renforcent la stricte hiérarchie militaire, posent des interdits, créent une tension.  La menace est toujours sous-jacente dans les rapports que les pensionnaires entretiennent les uns avec les autres. Tous obéissent à la même personnalité influente et tyrannique, le Jaguar, illustration de la virilité telle que le père de Vargas Llosa la concevait. Les tyrans portent des noms de prédateurs, les autres ne sont que leurs proies :

Brusquement, son regard s’abat plein de colère, les oiseaux deviennent des larves : « Séparez-vous ! vous êtes les uns sur les autres comme des araignées ! » Les larves se redressent, se déploient, les vieux uniformes de campagne mille fois raccommodés se gonflent de vent, les pièces et reprises ressemblent à des croûtes et blessures, ils reviennent dans la boue, ils se confondent avec l’herbe, mais leurs yeux demeurent fixés sur Gamboa, dociles, implorants, comme cette nuit odieuse où le lieutenant avait assassiné le Cercle. (Mario Vargas Llosa, La Ville et les chiens, 1962)

Le cercle

Si les tyrans portent des noms d'animaux prédateurs, les proies sont parfois les "poules" ou les "chiennes", comme ils appellent les femmes qu'ils côtoient ou bien les "Nègres", "Negro" ou "le Noir" ainsi qu'est hélé le personnage de Vallano , tout au long du roman. La langue de Vargas Llosa trahit la violence de ces rapports, le racisme et le machisme ancrés. Le roman est une représentation de la société péruvienne de laquelle Vargas Llosa a émergé. L'image du cercle est à ce titre très caractéristique. Plus encore que la promotion entière, la figure du cercle désigne l'esprit de cohésion, le secret qui lie chacun des hommes et les oblige à ne pas en sortir, quoiqu'il advienne :

Les garçons se regardaient mutuellement et, bien qu’on les ait frappés, peinturlurés, qu’on leur ait craché et pissé dessus, ils se montraient graves et cérémonieux. C’est cette nuit-là, après le couvre-feu, que le Cercle était né. (Mario Vargas Llosa, La Ville et les chiens, 1962)

Le bizutage est le maître mot de cette vie militaire, les cadets en pâtissent sans broncher.  Mais le narrateur, lui, s'extrait par son imaginaire.

Le Poète

Le personnage principal ne porte pas un surnom d'animal sauvage ou de cible potentielle. On l'appelle : "le Poète". Il est le jeune Vargas avant son entrée à l'internat, l'opposé du chef de bande, le Jaguar. Il est aussi le messager qui fait de ce roman d'apprentissage une critique sociale. Le poète fait fi des règles et des procédures or l'armée représente surtout l'ordre, les instructions. Le blason de l'école porte encore aujourd'hui la devise énoncée dans le roman de Vargas Llosa : 

Obéissance, travail et courage. (Mario Vargas Llosa, La Ville et les chiens, 1962)

Blason du collège Leoncio Prado de Lima, Pérou
Blason du collège Leoncio Prado de Lima, Pérou
- http://www.leoncioprado.com/index.html

À 15h30, Michel Crépu nous présente la chronique du jour. 

MUSIQUE GÉNÉRIQUE: Panama, de The Avener (Capitol) fin : Dwaal, de Holy Stays (Something in Construction).

MUSIQUE CHRONIQUE: Self portrait de Chilly Gonzales (Gentle threat).

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