Matthieu Garrigou-Lagrange s’entretient aujourd’hui du rapport entre Chaplin et l’histoire avec Christian Delage, historien, réalisateur, professeur et auteur de l’ouvrage Chaplin la grande histoire aux éditions Jean-Michel Place.
- Christian Delage Historien et réalisateur français, professeur à l'université Paris VIII.
- Alexis Brocas Journaliste, romancier, critique et rédacteur en chef du magazine, "Lire"
« C’est Apollinaire qui m’a emmené voir Charlot pendant une permission du Front, raconte Fernand Léger dans Les chroniques du jour. J’ai vu Charlot : incontestablement, c’était quelque chose, puisqu’il tenait le coup devant l’énorme spectacle que je venais de quitter pour sept jours. » Si Charlie Chaplin a joué un rôle dans l’histoire, ce n’est pas celui de soldat — il fut réformé lors de la Première Guerre mondiale —, mais d’acteur. De Charlot soldat (1918) au Dictateur (1940), en passant par Les temps modernes (1936), l’artiste a traversé une partie de l’histoire du XXe siècle en s’efforçant de ménager une place au tragique dans un cinéma burlesque, alliance dont Le dictateur est peut-être l’exemple le plus parlant. Comment qualifier cette œuvre ? Peut-on dire, comme l’avait avancé François Truffaut dans un article de 1958 paru dans la revue Arts, qu’il s’agissait là d’un cauchemar prémonitoire dont Nuit et Brouillard devait constituer par la suite un plus exact compte rendu ? Le dictateur évoque-t-il cependant la question des camps et si oui, de quelle manière ? Peut-on enfin voir en Chaplin la figure du juif errant, ainsi que l’affirme l’écrivain Petr Kral ?
Chaplin a été inquiété pendant la Première Guerre mondiale par les britanniques, qui se demandaient pourquoi il n'était pas revenu en Angleterre, dont il était originaire, pour s'engager. On le considérait comme une sorte de déserteur. Les Etats-Unis l'accusent de la même chose à partir de 1917. Il s'est en réalité présenté dans un centre militaire, mais a été refusé, car il était trop maigre. Ne pouvant s'engager physiquement dans ce conflit, il s'engage à travers ses films en essayant d'en rire. (Christian Delage)
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Lorsqu'il réalise Le dictateur, Chaplin a compris que quelque chose était en train de se produire qui allait être une transgression majeure de l'humanité, sa négation même. Il cherchera à faire sentir par petites touches ce point de bascule entre civilisation et barbarie, mais n'arrivera pas à passer de l'autre côté en mettant en scène l'horreur. Le film s'achève sur une tonalité sentimentale, avec pour dernière image le visage de la femme aimée, Paulette Goddard. (Christian Delage)
Retrouvez également la chronique d'Alexis Brocas, écrivain, critique et directeur-adjoint chez Lire-Magazine littéraire.
MUSIQUE GÉNÉRIQUE (début) : Panama, de The Avener (Capitol)
MUSIQUE GÉNÉRIQUE (fin) : Nuit noire, de Chloé (Lumière noire)
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