La bohème de Georges Brassens : épisode 1/4 du podcast Georges Brassens nous rend heureux

Portrait de Georges Brassens en 1964
Portrait de Georges Brassens en 1964 - Dominique Berretty/Gamma-Rapho
Portrait de Georges Brassens en 1964 - Dominique Berretty/Gamma-Rapho
Portrait de Georges Brassens en 1964 - Dominique Berretty/Gamma-Rapho
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La vie de Brassens s’est construite sur des notes légères et graves, des variations et des embardées, comme débute et s’achève une chanson. Découvrez aujourd’hui la biographie du célèbre « Croque-Notes » en compagnie de Clémentine Deroudille.

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Cette semaine, La compagnie des œuvres muse à l’écart de la place publique avec Georges Brassens. Matthieu Garrigou-Lagrange retrace dans cette première émission la vie du « mauvais sujet repenti » sous la houlette de Clémentine Deroudille, autrice de Brassens, le libertaire de la chanson (éd. Gallimard, coll. Découverte, 2011) et co-commissaire de l’exposition « Brassens ou la liberté » organisée en 2011 par la Cité de la Musique.

« Si tu veux te faire une idée exacte de ma vie, dis-toi que tout est là : imaginer le démarrage d’une chanson et la construire. » Ainsi le poète païen répondait-il à qui l’interrogeait dans le but de peindre son existence à grands traits. 

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Son entrée dans la vie se fait certes en musique. Le jeune Sétois grandit dans une maison pleine de chants, qui circulent d’une bouche à l’autre. Au beau milieu du salon familial trône un phonographe vibrant des airs de l’époque : Jean Tranchant, Mireille, Paul Misraki, Charles Trenet… 

Brassens a été élevé depuis sa plus tendre enfance dans l'univers de la musique. Il y avait un grand sérieux autour de la chanson dans sa famille, on devait les apprendre par cœur et lui possédait un répertoire incroyable. Sa mère Elvira chantait elle-même toute la sainte journée... Il faut dire aussi que Brassens venait d'un quartier où tout le monde vivait fenêtres ouvertes. Une fenêtre ouverte, c'est une chanson qui traverse la rue. (Clémentine Deroudille) 

Élevé dans la religion par sa mère, Georges n’est pas un enfant de chœur pour autant. Un peu voleur, chahuteur, turbulent, cancre sur les bords… En 1939, il se trouve mêlé à une histoire de cambriolage et doit effectuer six mois de prison avec sursis. La réputation de sa famille s’en trouve tachée. Il quitte Sète pour la capitale l’année suivante et entre comme ouvrier dans une usine Renaud.

Il y aura eu cependant entre temps une rencontre déterminante, avec un professeur de français en classe de troisième : Alphonse Bonnafé. Peu sensible au qu’en-dira-t-on, celui-ci s’en vient à l’école non cravaté, se permet en classe de s’asseoir sur le bureau pour faire écouter des disques de poésie à ses élèves, leur fait découvrir Baudelaire, Mallarmé, Rimbaud. Georges, qui écrit déjà des chansons, se montre fort réceptif à son enseignement.

À ce moment-là, c'est le déclic pour Brassens. Il va plonger dans la littérature, comme quelques années auparavant il avait plongé dans la chanson. (Clémentine Deroudille)

Le goût de la poésie lui restera. En 1943, Brassens se trouve au STO (Service du Travail Obligatoire) au camp de Basdorf, près de Berlin. En dépit des circonstances, il mène une vie poétique, lit, écrit, compose, chante et joue du piano. C’est là-bas qu’il fait entendre ses premières chansons.

La musique est fondamentale chez Brassens. Tout part des premiers accords au piano, qui vont se transformer en chanson. (Clémentine Deroudille)

L’année suivante, il profite d’une permission pour se cacher au 9, impasse Florimont. Il ne reprendra plus le chemin de l’Allemagne. En 1954, il s'engage dans le mouvement anarchiste : il s'agit pour lui non pas d'un dogme, mais d'une manière d'être au monde. 

Le succès est au rendez-vous à partir de 1953, au terme de plus d’une décennie de bohème avec la faim pour compagne, mais c'est au début des années 1960 qu'il connaît la consécration : il entre en 1963 dans la collection « grands poètes d’aujourd’hui » chez Seghers et se voit même offrir une place à l’Académie française. 

Jamais Brassens ne s'est affirmé poète. C'est important de le rappeler, parce que c'est aussi montrer le grand art qu'est la chanson. Et Brassens est le plus grand des chansonniers, parce qu'il a réussi à faire de cet art une perfection. (Clémentine Deroudille)

En 1965, Barbara, Brigitte Fontaine et Nana Mouskouri participent à ses premières parties. Il devient le père spirituel d’une nouvelle génération, se produit souvent à Bobino, fait même un tour de chant à Cardiff, acquière le statut de vedette en Italie. Le succès l’ennuie cependant, en cela qu’il ne peut plus déambuler dans Paris dans l’anonymat le plus complet, comme il aimait tant à le faire, et se laisser aller aux fantaisies d’autrefois : prendre sa compagne Püpchen dans ses bras, l’embrasser et partir en courant à la manière d’un enfant, sous les yeux des badauds ébahis. 

En 1980, on lui détecte un cancer : il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. Il fait promettre à son médecin de ne rien révéler et ne confie son mal qu’à de très proches amis, qui sauront garder le secret. « Faiseur de chansons » jusqu’au bout, il prépare un nouveau disque.

Brassens meurt le 29 octobre 1981. 

Son succès n’aura cessé d’enfler après sa disparition. L’auteur des Quatre bacheliers aurait peut-être souri de voir tant d’écoles prendre son nom. Sans doute aurait-il froncé les sourcils à l'idée que son œuvre se trouve en passe d'être réduite par notre époque à un esprit de consensus, et sa figure à celle d’un gentil parolier à moustaches. Il ne faut pas oublier la portée contestatrice, parfois violente de son œuvre, ne pas oublier non plus les contradictions et les nuances de Brassens, qui sont la marque de tout homme, et furent la sienne davantage que celle d’un autre, lui qui conserva tout au long de son existence sa liberté de réflexion, à l’écart du consensus et de la place publique. Brassens, loin des trompettes de la renommée… 

MUSIQUE GÉNÉRIQUE (début) : Panama, de The Avener (Capitol)

MUSIQUE GÉNÉRIQUE (fin) : Nuit noire, de Chloé (Lumière noire)

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