

L’œuvre de Michel Leiris est celle d’un esprit méticuleux, épris de réalisme : de biffures en méditations sur le rêve, elle s’est déployée avec pour horizon une manière littéraire, si ce n’est poétique d’être au monde.
- Catherine Maubon Autrice
Pour cette troisième émission, Mathieu Garrigou-Lagrange est en compagnie de Catherine Maubon, qui fit la connaissance de Michel Leiris en 1979 et publia par la suite Michel Leiris au travail, analyse et transcription d’un fragment manuscrit de Fourbis (Pacini editore, 1987).
Catherine Maubon rencontre Michel Leiris en 1979 sur les conseils de Philippe Lejeune, auteur du « Pacte autobiographique » et spécialiste en France des recherches sur l’autobiographie. À l’époque, elle travaille sur les écrits de Colette Peignot – dite Laure -, autrice, proche amie de Leiris et ancienne compagne de Georges Bataille. Quatre ans plus tard, elle accueille Michel et Louise Leiris (dit Zette) à Florence, chez elle. À Paris, c’est au Musée de l’Homme qu’ils se donnent rendez-vous. Au cours de leurs rencontres, Catherine lui confie vouloir étudier la genèse de Fourbis. Leiris rougit, en appelle à la pudeur – Fourbis serait l’une de ses œuvres les plus impudiques. Catherine vient au bout de ses résistances ; il lui confie le fichier du manuscrit, ainsi que les brouillons, arguant que cela n’a au fond que peu d’importance… Quant à son Journal, il n’y faut point songer ; cela demeurera privé - du moins pour Catherine, car il en dévoile l’emplacement à Jean Jamin, avec la consigne suivante : le lire à sa mort et le faire publier si la matière en est digne.
Leiris est toujours en train de corriger, mais sa phrase n'est pas une phrase proustienne, qui doit retomber sur elle-même. C'est une phrase qui, de bifurcation en bifurcation, de correction en correction, va s'approcher le plus possible de ce que l'on voudrait dire, de ce qu'il voudrait dire, mais qui souvent lui échappe. (Catherine Maubon)
Auteur de nombreux écrits au sein desquels domine la matière biographique - matière faite de souvenirs, rêves, pensées - Michel Leiris entretint un rapport passionnant à l’écriture de l’intime. Tenter de définir son geste autobiographique, c’est s’interroger sur ce désir d’éviter le fait brut, c’est songer également cette place accordée dans les écrits aux rêves.
Leiris est né poète, et il est né poète surréaliste. Il a participé au numéro 3 de La révolution surréaliste, dédié au rêve, a expérimenté un protocole d'écriture du rêve, dans lequel il s'est efforcé de respecter la force visuelle des songes, ce qu'il appelle à propos de la peinture de Francis Bacon la '' sensation de présence ''. Leiris écrit ses rêves, en somme, parce qu'il veut récupérer ce pouvoir d'illumination, de révélation qui leur est propre, non pas pour y chercher quelque chose de l'ordre de la découverte, comme on pourrait le faire dans un espace analytique. Leiris dit : '' Le rêve est essentiellement poésie ''. (Catherine Maubon)
Leiris accordait donc aux rêves une valeur poétique, héritée de son passage par le mouvement surréaliste. Il délaissa pourtant ce mouvement littéraire, bascula dans le réalisme, tout en conservant cette manière littéraire, si ce n’est poétique d’être au monde ; car n’est-ce pas en fin de compte la poésie qui fondait la matière de sa vie et son œuvre, lui qui affirma dans À cor et à cri (1988) voir en elle, ainsi qu’en sa présence dans les êtres et les choses, « le signe que tout n’est pas perdu et que la vie échappe à cette totale absurdité dont l’idée [est] accablante […] » ?
MUSIQUE GÉNÉRIQUE (début) : Panama, de The Avener (Capitol)
MUSIQUE GÉNÉRIQUE (fin) : Nuit noire, de Chloé (Lumière noire)
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