

"Le Jour se lève" ou "Les Enfants du paradis" en témoignent, Jacques Prévert fut un scénariste et un dialoguiste de génie, un créateur de mythes modernes passé maître dans l'art de la réplique juste et touchante, celle qui mariait le drame au rire et le rire à la poésie.
- Noël Herpe écrivain, cinéaste et historien du cinéma
- Olivier Barbarant Poète et critique littéraire, Inspecteur général de Lettres
Pour cette quatrième et dernière émission de notre cycle consacré à Jacques Prévert, nous sommes en compagnie de Noël Herpe, écrivain, cinéaste, historien du cinéma, auteur notamment de l’article “Prévert dialoguiste, ou la voix des autres” paru dans les actes du colloque Jacques Prévert, détonations poétiques (Classiques Garnier, 2019).
Carné-Prévert, Prévert-Carné : leurs noms sont devenus indissociables pour tous les cinéphiles amoureux du « réalisme poétique » et des films comme Le Quai des brumes, Les Visiteurs du soir ou Les Portes de la nuit.
Ce sont des chefs-d’oeuvre absolus, et qui tiennent à un équilibre fragile et très mystérieux, à une alchimie, entre le tempérament de Prévert, débordant, généreux, chaleureux, anarchiste, collectif […] et celui de Carné qui est beaucoup plus dans la retenue, la rétention, dans le puritanisme, dans la méfiance, dans le contrôle […]. C’est vraiment la rencontre du feu et de la glace, et je pense que c’est ce qui fait l’extraordinaire réussite des films de Carné-Prévert. (Noël Herpe)
Si Carné, le réalisateur, a contribué à la postérité du poète, Prévert, celui-ci en retour lui a écrit ses dialogues les plus mythiques et lui a donné quelques idées parmi les plus envoûtantes de son cinéma.
Si vous voulez, Prévert, pour moi, c’est un peu le Malraux du café du commerce. Il a une sorte de lyrisme, comme ça, à partir de choses extrêmement banales et simples, mais qui à force d’être répétées, sculptées, scrutées, creusées, deviennent poétiques. (Noël Herpe)
A côté de ces chefs-doeuvre du septième art, notre invité évoque avec nous quelques contributions moins connues de Jacques Prévert, celles, par exemple, de sa « première période » :
La première période de Prévert, c’est une période qu’on pourrait qualifier de post-surréaliste, avec une tendance anarchiste. Ce sont des films qui jouent sur les absurdités du langage, sur les aliénations du langage, en fait. Les personages sont pris dans le langage et n’arrivent pas à s’en sortir. Il sont un peu kidnappés par le langage. (Noël Herpe)
S'y découvre un scénariste en mode mineur, qui participe à une multitude de films malheureusement trop méconnus comme Ciboulette de Claude Autant-Lara, ou bien L’affaire est dans le sac de son frère Pierre Prévert. Entre petit cinéma artisanal et productions consensuelles à visée plus commerciale, se dessine une pratique moins univoque du cinéma de Prévert, au-delà de ce duo avec Marcel Carné dont le succès a fait oublier toute une part de la création prévertienne.
Ce « cinéma invisible » comme l'appelle Carole Aurouet est pourtant capital dans l'itinéraire créateur de Prévert. Il lui sert à relancer son inspiration, ou encore à expérimenter de nouveaux récits, de nouvelles formes. C'est aussi, au-delà de son intérêt pour comprendre Jacques Prévert, un cinéma qui révèle de véritable réussite, comme Les Disparus de Saint-Agil, adaptation d'un roman de Pierre Véry. Si nous évoquerons en détail quelques-uns de ces films injustement oubliés avec notre invité, nous ne manquerons pas non plus de mettre au jour quelques-unes des spécificités notables de Prévert, que l'on peut relever de film en film.
Je pense que pour lui le dialogue était l’opération principale, l’opération poétique […]. Il travaillait avec des sortes de story-boards où il dessinait les personnages, et où les dialogues venaient petit à petit avec des dessins de personnages et des précisions de la psychologie ou du caractère de chaque personnage et aussi en fonction des comédiens qui étaient censés les interpréter. Donc il y a une rêverie sur les personnages, une rêverie sur le texte, qui me semblent plus importantes chez lui que la dramaturgie. (Noël Herpe)
Prévert, à sa mort, compte une quarantaine de films à son actifs dont certains passent pour les plus beaux de toute l'histoire du cinéma. François Truffaut, en 1984, avoue à Marcel Carné qu'il aurait volontiers donné tous ses films « pour réaliser Les Enfants du Paradis. » Combien d'écrivains aurait voulu donner toute leur oeuvre pour écrire ce film aussi magistralement que l'a fait Prévert ?
En milieu d'émission nos auditeurs pourront écouter la chronique d'Olivier Barbarant, poète, spécialiste d'Aragon, inspecteur général du groupe Lettres à l'éducation Nationale.
MUSIQUE GÉNÉRIQUE (début) : Panama, de The Avener (Capitol)
MUSIQUE GÉNÉRIQUE (fin) : Nuit noire, de Chloé (Lumière noire)
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