Pasteur

Carte pour le centenaire de Louis Paster.
Carte pour le centenaire de Louis Paster.  ©Getty - Culture Club
Carte pour le centenaire de Louis Paster. ©Getty - Culture Club
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Le culte de Pasteur nous est presque devenu incompréhensible.

“Si on demandait à tous les êtres humains quels sont les deux plus grand hommes qui aient jamais existé, eh bien j’ai la conviction que les Français répondrait Napoléon et Pasteur, les Anglais Shakespeare et Pasteur, les Allemands Goethe et Pasteur, les Hollandais Rembrandt et Pasteur, les Espagnols Cervantès et Pasteur, si bien qu’au bout du compte, Pasteur recueillerait un nombre de voix magnifiquement supérieur au nombre des voix recueillies par les plus grands hommes dont s’honore l’humanité. »

C’est comme cela que commence le film que Guitry a consacré au célèbre savant, et on fait difficilement plus enthousiaste. 

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Le réalisateur a d’ailleurs mis dans ce film, tourné en 1935 mais adapté d’une pièce qu’il a écrit pour son père Lucien en 1919, une spectaculaire ferveur filiale. Tous les humains, pour Sacha, qui reprend le rôle avec son génie habituel, sont les enfants de Pasteur, bienfaiteur de l’humanité et héros de la vaccination. 

Tout cela semble aujourd’hui très loin. Pasteur semble presque oublié. 

Matières à penser
44 min

La figure archaïque du savant à barbe, de la terreur de l’académie de médecine, du vengeur de Lavoisier s’est spectaculairement estompée. 

Le film de Guitry, n’était, pourtant, pas un film militant, tant il semblait inimaginable au réalisateur et à la France d’alors qu’il faille défendre Pasteur. Pasteur qui se défendait si bien lui-même et que son œuvre avait rendu éternel. Il ne s’agissait, pour Guitry, que d’honorer Pasteur. C’est en cela que son film est si beau et si étrange pour nous, qui n’honorons plus personne, qui croyons moins aux héros qu’aux adjuvants, qui préférons la rougeole à la méthode scientifique et qui finiront peut-être par déchirer le calendrier vaccinal comme les révolutionnaires ont déchiré le calendrier grégorien. 

Le culte de Pasteur nous est presque devenu incompréhensible. 

Je me souviens, tout au plus, dans le coin lecture de ma classe de CM1, d’une collection vieillissante de livres oranges sur les héros de la France : un Du Guesclin, une Jeanne d’Arc, un Saint Louis, un de Gaulle.

Pasteur était bien là, dans la mémoire nationale, comme l’empreinte du BCG sur nos épaules.

Le film de Guitry n’est pas un biopic, mais une hagiographie.

Après une petite introduction, Guitry zoome sur les pages d’un livre — procédé merveilleux qui annonce aussi bien les classiques Disney que les grands génériques de Truffaut, celui des Deux Anglaises et le Continent oui celui de La sirène du Mississipi. On découvre alors la maison de naissance du savant à Dole, puis son acte de naissance et une vue enfin de la ville d’Arbois où se déroula sa jeunesse.

Le film sera une succession de scènes édifiantes : Pasteur face à la guerre, Pasteur face à l’Académie de médecine, Pasteur face à la mort, Pasteur face à la gloire.

Le comédien Guitry excelle justement à recevoir les honneurs dus à son héros, il bougonne de joie, marmonne de plaisir, comme quand il contemple sa légion d’honneur : “ah voyez mon petit, voyez comme c’est beau et comme Madame Pasteur et mes chers enfants vont être heureux" ou quand il apprend qu’il sera reçu à l’unanimité à l’Académie française : "oh, mon ami, mon ami mais comme c’est beau tout ça. Mon dieu mais comme c’est effrayant l’Académie Française". 

Les honneurs ont été fait pour être reçu par Guitry. 

C’est peut-être la seule personne que je pourrais écouter pendant des heures. Et comme, il était aussi de cet avis, il s’est enregistré lui-même. Jamais, le cinéma n’a été aussi parlant que dans les films de Guitry : un pur délice de paroles, de bons mots, de répliques implacables et de délices pris à être à ce point-là génial.

Ce n’est pas Pasteur, ni qu’on voit, ni qu’on veut voir, c’est Guitry qui joue Pasteur : les très grands comédiens sont ainsi, ils ont besoins de personnages pour s’incarner eux-mêmes.

Et aussi appuyé que puisse être leur jeu, l’émotion est intacte — sans doute car les vérités sentimentales ont quelque chose de l’iconoclasme et transpercent la bienséance et les jeux faux du naturalisme. Comme dans cette scène, le climax du film, où il revoit Joseph Meister, le garçon qu’il a sauvé autrefois de la rage, et à qui il distribue des enveloppes, pour que celui-ci lui écrive : 

« - Tu veux toute la boite ? C’est peut-être beaucoup. Si les dernières te revenaient, tu ne m’en voudrais pas ?

-c’est que vous seriez parti ? 

- oui je serais parti.

- pour aller où ?

- où je n’ai pas voulu que tu ailles. »