Comprendre ce qu’expliquer veut dire

Vieil homme apprenant à lire à un garçon, vers 1630 (Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg)
Vieil homme apprenant à lire à un garçon, vers 1630 (Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg) - Antonio de Puga
Vieil homme apprenant à lire à un garçon, vers 1630 (Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg) - Antonio de Puga
Vieil homme apprenant à lire à un garçon, vers 1630 (Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg) - Antonio de Puga
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D’où provient telle chose ? Quelle est la cause de ceci ou de cela ? Comment pareil événement a-t-il pu se produire ? Comment expliquer tel phénomène étrange ?

Avec
  • Vincent Berger Président de l'université Paris Diderot - Paris 7 et rapporteur général des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche.

D’où provient telle chose ? Quelle est la cause de ceci ou de cela ? Comment pareil événement a-t-il pu se produire ? Comment expliquer tel phénomène étrange ?

Chaque fois qu’on tente de répondre à ce genre de questions, on voit se mettre en place un chemin vers l’abîme, vers un puits sans fonds. Car on ne peut expliquer un événement qu’en lui ajoutant sa propre antériorité, et ainsi de suite. Quelque point de départ qu’on choisisse, quelque cuisse de Jupiter qu’on mette en avant, ils apparaissent chaque fois comme n’étant ni de véritables fondements ni d’authentiques causes puisqu’ils demandent à être eux-mêmes fondés : au nom de la causalité même, toute cause dont on se sert pour expliquer doit être elle-même considérée comme l’effet d’une autre cause. À chaque nouveau pas explicatif, il faut donc invoquer une nouvelle cuisse de Jupiter, puis une autre, et ainsi de suite, sans jamais mettre la main sur la cuisse originelle, la matrice initiale de toutes les cuisses ultérieures. Bref, il faut renoncer à l’idée d’une explication ultime.

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Sauf, peut-être, si l’on pose une cause « première », une cause qui n’a pas à être elle-même fondée, une cause qui serait cause d’elle-même en quelque sorte. Mais en interrompant ainsi la chaîne causale, ne subvertit-on pas l’idée même d’explication ?  

Invité : Vincent Berger, physicien, ancien président de l’Université Paris-Diderot, rapporteur général en 2012 des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, conseiller "éducation, enseignement supérieur et recherche" auprès de François Hollande, puis directeur du pôle "Recherche Fondamentale" (DRF) du CEA.

Quelques pistes de lecture proposées par Vincent Berger :

Hannah Arendt « Vérité et politique »

Denis Bonnay, « l’explication », dans Barberousse, Bonnay et Cozic, « Précis de philosophie des sciences »

Gérald Bronner « Déchéance de rationalité »

David Hume « Enquête sur l’entendement humain »

Emmanuel Kant « Critique de la faculté de juger »

René Thom « Prédire n’est pas expliquer »

Simone Weil « Réflexions à propos de la théorie des quanta », dans « Sur la science »

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