La statistique est devenue un "fait social total": elle règne sur la société et domine la politique. C'est le constat fait par Olivier Rey, mathématicien et philosophe, dans un essai paru en 2016 "Quand le monde s'est fait nombre" (Stock).
- Olivier Rey Mathématicien et philosophe, chercheur au CNRS, enseignant en philosophie à l’Université Paris 1, membre de l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques
Une mesure, de quelque nature qu’elle soit et à quelque objet qu’elle s’applique, aboutit toujours à des nombres. Dès lors, simple relation de cause à effet, à mesure que les mesures se font plus nombreuses, les nombres se font toujours plus envahissants. Ils engendrent quotidiennement des myriades de courbes et de graphiques, ils se déguisent en indices, en pourcentages, en taux, et ils alimentent à haute cadence toutes sortes de statistiques. Cet empire ou cette emprise du nombre - je ne sais quel mot convient le mieux - est un fait, et même un « fait social total », eut dit Marcel Mauss : les statistiques règnent désormais sur la société, régentent les institutions, colonisent la politique et affectent la vie sociale sous tous ses aspects.
Une entité aussi dépouillée qu’un nombre serait-elle capable d’emporter avec soi, comme dans un filet, quelque chose de la substance dont il est issu ? À première vue, la « nombrification » du monde semble plutôt pulvériser le réel pour ne plus nous laisser que la cendre des chiffres. Mais ne devrions-nous pas plutôt lire la situation dans l’autre sens, c’est-à-dire considérer que c’est notre façon d’habiter le monde qui l’a transformé en un simple reflet de la statistique ?
Invité : Olivier Rey, mathématicien et philosophe, est l’auteur de Quand le monde s'est fait nombre (Stock, 2016)
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