Existe-t-il des sociétés sans pères ni maris ?

Communauté Na
Communauté Na - P.M. Milan
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Une société peut-elle fonctionner sans pères ni époux ? Il existerait au moins un groupe humain composé d'hommes et de femmes rigoureusement célibataires, d’hommes et de femmes qui délaisseraient donc la famille telle qu’on la pense et telle qu’on l’organise en général : les NA de Chine.

Avec
  • Pascale-Marie Milan ethnologue

Une société peut-elle fonctionner sans pères ni époux ? Bien sûr que non, ont longtemps répondu les anthropologues, car si les choses pouvaient être autrement qu’elles sont, cela se saurait ou se verrait. Mais en réalité, cela n’est pas si clair. Il existerait au moins un groupe humain composé d'hommes et de femmes rigoureusement célibataires, d’hommes et de femmes qui délaisseraient donc la famille telle qu’on la pense et telle qu’on l’organise en général.

Ce groupe humain, ce sont les NA de Chine, ce peuple de quelques dizaines de milliers de personnes qui vivent dans les montagnes froides du Sichuan, pas très loin du Lac Lugu. La langue des Na ne contient pas de nom pour définir le père ou le mari. Cela ne veut évidemment pas dire qu'ils ne feraient pas d'enfants. C'est même la manière originale qu’a cette petite ethnie d'agriculteurs de faire et d’élever des enfants qui a suscité l'intérêt des ethnologues, puis celui des touristes.

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Femme Na
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Car dans la société Na, tout enfant fait automatiquement partie de la lignée de sa mère. Les sœurs et les frères travaillent et vivent ensemble, dans la même maisonnée, toute leur vie. D'une certaine manière, les frères occupent la place des maris, au sens où ils collaborent à l'éducation des enfants de leurs sœurs. Les géniteurs des enfants, en général non clairement déterminés, n'ont ni droits ni devoirs envers leur progéniture et ne sont donc pas considérés comme des parents.

Dans la culture des Na, un dicton affirme que l’action de l'homme dans la reproduction est analogue à celle de la pluie sur l'herbe des prairies : elle fait pousser, rien de plus. L’homme n’est en somme qu’un arroseur qui fait pousser un fœtus qui est déjà présent dans le ventre de la future mère. Heureuse théorie pour une société où ni la paternité ni l'institution du mariage ne semblent exister.

Chez les Na, plus de la moitié des hommes et des femmes vivent en effet sous le régime du nana sésé, qu’on peut traduire par « visite furtive » : la nuit, les hommes se glissent dans le lit des femmes des maisonnées alentour. Les uns comme les autres se font un devoir de n'être ni jaloux, ni fidèles, ce qui ne doit pas être évident tous les jours, ni d’ailleurs toutes les nuits. Mais tout cela est-il vraiment vrai ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une vulgate pour dépliants touristiques ?

Enfants, commanauté Na
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