Entretien avec Yann Le Cun, directeur du laboratoire d'intelligence artificielle du réseau social Facebook.
- Yann Le Cun directeur du laboratoire d’Intelligence Artificielle de Facebook, professeur d’informatique et de neurosciences à l’université de New York et titulaire de la chaire annuelle « Informatique et sciences numériques » au Collège de France.
Comment l’intelligence pourrait-elle se définir ? On dit souvent qu’elle est "l'ensemble des processus de pensée d'un être vivant qui lui permettent de comprendre, d'apprendre ou de s'adapter à des situations nouvelles". Cette phrase est certainement très intelligente, mais elle est un peu vague : elle ne précise pas, par exemple, dans quelle mesure on doit considérer que le sens commun fait partie de l’intelligence.
Par ailleurs, le sens du mot "intelligence" est-il le même selon qu’on parle d’intelligence humaine ou d’intelligence artificielle ? Aujourd’hui, qu’est-ce que la première parvient à faire que la seconde ne peut pas faire, et réciproquement ?
Régulièrement, nous apprenons que l’intelligence artificielle "bat" l’intelligence humaine dans certains secteurs ou dans certaines activités, comme les jeux d’échec ou de go. En d’autres termes, le silicium écrase parfois le neurone. Nous sommes donc des êtres imparfaits, du moins en certains domaines, et nous ne pouvons pas prétendre que nous ne le savons pas. Dès lors, pourrions-nous être tentés d’abandonner notre idéal d’autonomie et de nous confier à la perfection de machines qui pourraient nous relayer, qui pourraient choisir, décider et peut-être même penser à notre place ?
Invité : Yann Le Cun, ingénieur, pionnier dans le domaine du « deep learning » (l’apprentissage profond) est directeur du FAIR (Facebook Artificial Intelligence Research), le laboratoire d'intelligence artificielle du réseau social Facebook.
Les machines peuvent être intelligentes. Elles ont le potentiel de devenir intelligentes. Pour l'instant, on n'a pas la technologie disponible pour rendre les machines aussi intelligentes que même un animal de compagnie, comme un chat ou un chien, donc a fortiori un humain. Mais par contre on a des technologies qui permettent aux machines d'effectuer des tâches que normalement on attribue aux humains intelligents, avec des performances supérieures.
Des techniques qui avaient été inventées il y a assez longtemps, fin des années 1980, début des années 1990, ont été remises au goût du jour grâce au progrès des ordinateurs et à l'augmentation des tailles des bases de données sur lesquelles on peut intervenir, ça s'appelle "l'apprentissage profond". L'apprentissage profond, c'est l'idée de construire une machine à apprentissage. La raison pour laquelle on l'appelle "profond", c'est que le calcul qui se déroule dans ces machines est constitué de plusieurs couches de calcul, effectuées les unes après les autres. Chaque couche implique quelques millions, dizaines de millions de calculs élémentaires. Et on peut entraîner cette machine de bout en bout, tous les modules à la fois. Mais dans le processus d'apprentissage, les couches intermédiaires internes de cette machine apprennent des concepts intermédiaires qui ne sont pas directement programmés dans la machine. Donc c'est clair que si on veut reconnaître une voiture, c'est probablement une bonne idée de détecter les roues, pour reconnaître un avion, peut-être détecter les ailes. Ce système apprend par lui-même à détecter les parties importantes de l'objet.
Programmation musicale
- John Coltrane, Giant Steps
- Igor Stravinsky, Le sacre du printemps
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