Lorsqu’un mathématicien parle de « corps », de « racine », de « spectre », d’« anneau », de « groupe », lui donne-t-il le sens profane que celui qu’il a dans la vie de tous les jours ? ou bien veut-il désigner symboliquement tout à fait autre chose ?
- Gérald Tenenbaum
Antoine Laurent de Lavoisier, l’inventeur de la chimie moderne, avait compris que la science réclame, lorsqu’elle progresse, que le langage lui-même soit perfectionné. Il écrit, dans son Traité élémentaire de chimie : « On ne peut perfectionner le langage sans perfectionner la science, ni la science sans le langage, et quelque certains que fussent les faits, quelque justes que fussent les idées qu’ils auraient fait naître, ils ne transmettraient encore que des impressions fausses, si nous n’avions pas des expressions exactes pour les rendre ». De tels propos, tenus au moment de la Révolution française, demeurent d’une grande justesse, alors même que la production des connaissances s’accélère. Irréductiblement, un déphasage s’accroît entre ce qui est communément dit et ce qui est nouvellement su.
Mais ce que nous disons là vaut-il aussi pour les mathématiques, qui s’expriment parfois avec des mots qui font partie du langage le plus ordinaire ? On y parle par exemple de « corps », de « racine », de « spectre », d’« anneau », de « groupe ». D’où la question qui va travailler notre conversation scientifique d’aujourd’hui : lorsqu’un mathématicien emploie l’un de ces mots communs, lui donne-t-il le sens profane que celui qu’il a dans la vie de tous les jours ? ou bien veut-il désigner symboliquement tout à fait autre chose ?
Invité : Gérald Tenenbaum, mathématicien professeur à l’Institut Elie-Cartan de l’université de Lorraine, spécialiste de la théorie des nombres. Il vient de publier un essai « Des mots et des maths » (Odile Jacob, 2019) et un roman, « Reflets des jours mauves » (Héloïse d'Ormesson, 2019).
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