Y a-t-il une lutte des âges ?

En 1840, Tocqueville écrivait dans De la démocratie en Amérique :

A mesure que les conditions s’égalisent, il se rencontre un plus grand nombre d’individus qui, n’étant plus assez riches ni assez puissants pour exercer une grande influence sur le sort de leurs semblables, ont acquis cependant ou ont conservé assez de lumières et de biens pour pouvoir se suffire à eux-mêmes. Ceux-là ne doivent rien à personne, ils n’attendent pour ainsi dire rien de personne, ils s’habituent donc à se considérer toujours isolément et ils se figurent volontiers que leur destinée tout entière est entre leurs mains. Ainsi, non seulement la démocratie fait oublier à chaque homme ses aïeux, mais elle lui cache ses descendants et le sépare de ses contemporains. Elle le ramène sans cesse vers lui seul et menace de le renfermer enfin tout entier dans la solitude de son propre cœur.

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Autrement dit, avec l’esprit des temps démocratiques, le lien entre générations et le lien social seraient voués à se distendre. La démocratie engendrerait comme un rétrécissement, voire une disparition irrémédiable du collectif ou du « vivre-ensemble », pour reprendre une expression que Tocqueville ne pratiquait guère.

Ce pronostic formulé il y plus d’un siècle et demi était-il juste ? S’est-il confirmé dans les faits ? Observons-nous une lutte des classes ou une « lutte des places » entre les générations ?

Invités : Serge Guérin, sociologue, spécialiste des enjeux du vieillissement et de la solidarité et Pierre-Henri Tavoillot, philosophe, spécialiste des âges de la vie, de l’autorité et de l’art politique, président du Collège de philosophie. Tous deux sont les auteurs de La guerre des générations aura-t-elle lieu? (Calmann-Lévy, 2017)