Nos experts ont lu "Africa 21e siècle, photographie contemporaine africaine" d’Ekow Eshun et "Atget : Voir Paris". Decouvrez leurs avis...
- Marie Sorbier Rédactrice en chef de I/O et productrice de la chronique "Le Grand Tour" sur France Culture
- Sally Bonn Maître de conférence en esthétique à l’Université Picardie Jules Verne, auteure, critique d’art et commissaire d’exposition.
Sous les feux de la critique cette semaine, deux « beaux livres » de photographies. Le premier, Atget : Voir Paris, est une balade onirique et esthétique dans le vieux Paris à travers l’œil de son plus célèbre photographe, Eugène Atget (1857-1927), qui a parcouru inlassablement la capitale avec sa chambre à soufflet chargée de plaques de verre à partir de 1897, et ce pendant trente ans. Le second, Africa 21e siècle, dresse le panorama fascinant d’un pan particulièrement dynamique de la photographie contemporaine. 51 regards acérés sur les enjeux contemporains sociétaux, culturels, politiques et écologiques, L’ouvrage est signé Ekow Eshun
Pour en parler aux côtés de Lucile Commeaux : Sally Bonn, Critique et maîtrede conférence en esthétique à l’université de Picardie et Marie Sorbier, Rédactrice en chef de I/O et productrice d’Affaire en cours sur France Culture
📷 Livre : "Atget, Voir Paris" l'invention de la photographie moderne
Photographe le plus célèbre du vieux Paris, Eugène Atget (1857-1927) a parcouru inlassablement la capitale avec sa chambre à soufflet chargée de plaques de verre à partir de 1897, et ce pendant trente ans, en saisissant la topographie d’une ville qui change. Fruit d’un travail de recherche de deux ans, effectué conjointement par Anne de Mondenard et Agnès Sire, cet ouvrage rassemble une sélection de 146 photographies parmi les 9 164 tirages qui constituent le fonds Atget du musée Carnavalet. Conçu comme une promenade onirique et esthétique, Voir Paris nous fait voyager dans le temps à travers les étalages, cours d’immeuble, intérieurs cossus, ruelles, cafés, chiffonniers de la zone, jardins urbains, quais de la Seine…
Privilégiant les lumières du petit matin, sa maîtrise absolue du cadrage, son attention aux lignes des bâtiments, aux détails inattendus, aux choses abandonnées élaborent un univers singulier. Chez Atget, la photographie est réduite à elle-même, elle n’a aucun apprêt. Par son regard, par sa vision qui mêle imaginaire et réel, Eugène Atget a inventé la photographie moderne.
Les photographies, imprimées en quadrichromie, conservent leurs bords originaux dans l’ouvrage. Elles témoignent ainsi de la matérialité et de la tonalité des tirages originaux ce qui est sans précédent dans la publication de l’œuvre d’Atget.
Cette sélection permet de voir, puisqu'elle couvre la production d'Atget à Paris de la fin des années 1990 à 1925, une approche sensible de l'œuvre de ce photographe qui, bizarrement, est considéré tour à tour comme un artisan , un documentariste doué ou une révélation artistique. C'est un artiste ayant influencé beaucoup de photographes, notamment les artistes, les photographes américains. Sa singularité tient à deux choses, à son silence d'abord, on a presque rien de sa part à lui. Mais c'est aussi le fait qu'il ait défini lui même son sujet, c'est à dire qu'il n'avait pas de commanditaire. C'est lui qui a décidé de prendre ses photos du vieux Paris - Sally Bonn
Ce qui m'a marquée dans les textes, notamment dans le texte d'introduction d'Agnès Sire, c'est que j'ai l'impression qu'il y a deux conceptions de l'image qui s'emboîtent ou se confrontent. On le décrit comme le photographe du réel. En effet, la plupart des photos le sont. Et en même temps, le mot émerveillement revient très souvent. On dit qu'il a la merveille dans le regard. On dit qu'il photographie avec les yeux d'un poète. Et donc, il y a cette double conception de documentariste d'un Paris en pleine mue. J'ai compris, je crois, et grâce à ce livre, la modernité dAtget - Marie Sorbier
- Plus d’informations : Atget : Voir Paris Ed. EXB + Exposition Adjet : Voir Paris du 19 janvier au 25 avril à la Fondation Henri Cartier Bresson
📷 Livre : Africa 21e siècle, Photographie contemporaine africaine d’Ekow Eshun
Voici pour la première fois les travaux d’une génération de photographes venus des quatre coins du continent africain rassemblés par Ekow Eshun. Ces images ont toutes été réalisées au 21e siècle, souvent il y a moins de dix ans. Loin d’une vision occidentale lourde de stéréotypes, Ekow Eshun observe la façon dont les photographes contemporains abordent l’africanité et présentent l’Afrique comme un espace psychique autant que physique.
C’est un territoire géographique, mais aussi un état d’esprit que reflètent leurs œuvres : du quotidien de villes tentaculaires et de paysages en perpétuelle évolution au poids de l’héritage colonial et postcolonial, en passant par les questions de genre, de sexualité et d’identité.
Rassemblant plus de 300 photographies de 51 artistes, 51 regards acérés sur les enjeux contemporains sociétaux, culturels, politiques et écologiques. Extrait de la présentation
_I_l y a quand même plus de cinquante photographes, de beaucoup de pays différents et on s'aperçoit de cette diversité immense qu'est l'Afrique. L'Afrique, c'est un territoire immense et je trouve que dans les pratiques artistiques qui y sont décrites là, dans les thématiques abordées, dans la façon de voir, on s'aperçoit concrètement de cette diversité et de l'immensité du continent - Marie Sorbier
Le commissaire de ce livre se place sous le patronage de Felwine Saar, penseur sénégalais, on sent bien cette volonté de l'Afrique par les Africains et de voir l'Afrique par les yeux de ceux qui la fréquentent, qui l'habitent et qui l'aiment - Marie Sorbier
Il y a peut être un problème de ce point de vue entre la promesse qui est faite à cet endroit là et après la manière dont le livre est construit. Je trouve qu'il n'y a pas assez de choses sur la manière dont les artistes en question travaillent et produisent dans leur pays. On voit bien que souvent, c'est la diaspora, et que parfois ils reviennent dans leur pays pour exposer, pour travailler. Mais la condition de production n'était pas assez évoquée - Lucile Commeaux
C'est un catalogue, à tout les sens du terme, aussi positif que négatif**.** Une chose importante, c'est que c'est un livre non pas sur l'Afrique, mais depuis l'Afrique et à travers elle. Dans le vaste mouvement des pensées et des approches post-coloniale et coloniale, ce livre fait apparaître la vivacité des pratiques et d'un regard artistique qui serait un regard non pas extérieur, surplombant donc, mais plutôt une vision intérieure, c'est à dire de l'intérieur et en même temps intériorisé, qu'elle soit politique pour certains ou poétique - Sally Bonn
- Plus d’informations : Africa 21e siècle, photographie contemporaine africaine d’Ekow Eshun Ed. Textuel
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