"Oleg" de Frederik Peeters et "Une Gamine dans la lune et autres récits" de Nicole Claveloux : l’apprentissage du monde

Couvertures de "Oleg" de Frederik Peeters et de " Une gamine dans la lune et autres récits" de Nicole Claveloux
Couvertures de "Oleg" de Frederik Peeters et de " Une gamine dans la lune et autres récits" de Nicole Claveloux - Atrabile / Cornelius
Couvertures de "Oleg" de Frederik Peeters et de " Une gamine dans la lune et autres récits" de Nicole Claveloux - Atrabile / Cornelius
Couvertures de "Oleg" de Frederik Peeters et de " Une gamine dans la lune et autres récits" de Nicole Claveloux - Atrabile / Cornelius
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Nos critiques ont lu « Oleg » de Frederik Peeters et « Une Gamine dans la Lune et autres récits » de Nicole Claveloux, découvrez leurs avis…

Avec

Chaque vendredi à l'heure du déjeuner, Lucile Commeaux et ses critiques invités, débattent des oeuvres ou des événements (films, livres, expositions, séries, bandes dessinées...) qui font l'actualité culturelle de la semaine... 

Au sommaire de La Critique cette semaine, deux bandes dessinées : Oleg de Frederik Peeters qui verra prochainement un de ses ouvrages, Le Château de sable, adapté au cinéma par M. Night Shyamalan et Une Gamine dans la Lune et autres récits de Nicole Claveloux, récompensée d’un Fauve d’Or lors du Festival d’Angoulême 2020 pour l’ensemble de sa carrière et du Prix du Patrimoine pour La main verte et autres récits.

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Pour en parler aux côtés de Lucile Commeaux : Théo Ribeton, chef de rubrique culture chez Stylist et critique aux Inrocks et Sarah Ihler-Meyer, critique d’art et commissaire d’exposition,  

💬   -   "Oleg", une autofiction dessinée de Frederik Peeters

Ma première impression est celle d'une très grande virtuosité, aussi bien sur le plan graphique que narratif. Sarah Ihler-Meyer

Présentation de l'éditeur : « Bon, la dégaine du personnage, on verra plus tard… Pour l’instant je l’imagine vaguement avec ma tête, c’est plus facile… » Oleg est dessinateur de bande dessinée. Son quotidien, depuis plus de vingt ans, tourne autour de ça : dessiner, raconter. Et tout ceci coule naturellement, jusqu’à maintenant, jusqu’à ces jours récents, où la création semble patiner, où les projets se succèdent mais la conviction n’est plus vraiment là – comme si quelque part, « l’influx était perdu ». Alors Oleg creuse, cherche et réfléchit. Autour d’Oleg, il y le grand et vaste monde, rapide, changeant, moderne, déstabilisant, inexorable. Ermite assumé mais observateur attentif, Oleg est le témoin malgré lui de ce monde en perpétuelles mutations, un monde qui amène son lot d’événements et de surprises, bonnes comme mauvaises. Et puis surtout il y son petit monde à lui : la femme dont il partage la vie depuis deux décennies, et leur fille, en pleine adolescence.  Tout juste vingt ans après Pilules bleues, Frederik Peeters se raconte à nouveau mais troque le « je » pour le « il », et, en utilisant cet avatar qu’est Oleg, brouille les pistes et esquive le piège de la trivialité. 

Couvertures et planches : "Oleg" de Frederk Peeters
Couvertures et planches : "Oleg" de Frederk Peeters
- Editions Atrabile / Frederik Peeters

A travers ces chroniques, tour à tour drôles, incisives, touchantes, voire surprenantes, il lève ainsi (partiellement) le voile sur son métier et son quotidien de dessinateur, et se faisant, pointe nombre de contradictions qui hantent notre époque : ultra-modernité technologique et pensée réactionnaire, culte de la superficialité et quête d’authenticité, surabondance et désarroi. Mais on pourra aussi, tout simplement, lire Oleg comme une belle déclaration d’amour que fait l’auteur à celles qui lui sont le plus proches – et comme un rappel, dépourvu de mièvrerie, que c’est cette force-là qui nous permet de sublimer le banal, et de tenir face à l’adversité.   

L’avis des critiques : 

Une grande maîtrise techinique

Sur le plan graphique....

Quand on connaît un peu Frédérik Peeters, on sait qu'il peut passer très facilement d'un style à un autre avec, par exemple, d'un côté, une ligne claire très minutieuse et de l'autre, un trait plus expressif, avec un peu gras et nerveux, ce qui est le cas ici en plus maîtrisée et tenu que dans "Pilule Bleue". Sarah Ihler-Meyer

Sur le plan narratif....

C’est une bande dessinée qui se lit avec une aisance prodigieuse. Il y a quelque chose dans le style de Virtuose, un sentiment de tournoiement, de vitesse, de dynamique. Il y a beaucoup de technicité. C’est comme s’il avait la volonté de faire, malgré le fait que soit une chronique réaliste, une BD d'action. Les personnages sont toujours engagés physiquement. Donc, je crois qu'il faut lui reconnaître cette grande virtuosité, cette grande technique. Théo Ribeton

On suit ici un le flux de conscience, de pensées et de réflexions d’ Oleg, le personnage principal. Cet entrelacement de faits et de pensées est particulièrement bien restituée par un sens très aiguisé du rythme, qui compte beaucoup pour Frédéric Peeters, qui ménage des moments d'accélérations qui correspondent à des enchaînements d'actions ou à des bouillonnement intérieur. Ces moments là alternent avec des moments au contraire de décélérations, avec des images beaucoup plus contemplative et méditative qui viennent, comme tout d'un coup suspendre le récit. Sarah Ihler-Meyer

Un véritable problème d'empathie 

J'ai quand même plusieurs réserves notamment sur le fait que c'est un récit qui est, à mon goût, un peu trop égotique et narcissique. L'impression qui domine, c'est avant tout celle d'une très grande maîtrise sur le plan de la mécanique narrative. Mais cette mécanique reste assez froide malgré sa volonté d'engager une dimension sensible. C'est comme si on observait tout cela depuis l'extérieur, avec une certaine forme d'admiration, pour ma part, mais je ne suis pas directement embarqué émotionnellement, ni même immergé dans ce récit. Sarah Ihler-Meyer

Il y a une chose qui m'embête vraiment dans ce que raconte Fabrice Peeters c’est que son personnage principal a une espèce d'amertume réac. , une espèce de bile anti tout qui empoisonne un peu cet album.  Oleg a une manière un peu malveillante de regarder la médiocrité environnante que je trouve assez problématique (…) Il fait plutôt étalage de sa modernité et de son bon goût mais il n’est pas présenté vraiment tel qu’il est, ou de celui qu’iln'a tout à fait conscience d'être : un « vieux con ».  
Il a une complaisance envers lui-même qui pose un problème de véritable antipathie. Il y a un rapport à son prochain qui est quand même un peu déplacé, une amertume que je trouve un peu dommage. Théo Ribeton

Le Rayon BD
29 min

💬   -    "Une Gamine dans la Lune et autres récits", un nouveau recueil d'histoires inédites ou introuvables de Nicole Claveloux

De la bande dessinée freudienne endiablée à lire en secret. Théo Ribeton

Nicole Claveloux est l’autrice de nombreux ouvrages dans lesquels son style fantasmagorique se déploie comme une végétation en liberté. Co-créatrice de Ah! Nana, première revue de bande dessinée féministe, elle a initié plusieurs générations d’enfants au mauvais esprit avec sa série Grabote parue dans Okapi tout au long des années 1970. Loin de se cantonner à l’illustration jeunesse d’avant-garde, durant cette période elle participe également aux revues Métal Hurlant et Charlie Mensuel. On retrouve dans ces histoires des personnages irrévérencieux et grimaçants dans un monde en perpétuelle transformation.     

Couverture et planches : "Une Gamine dans la lune et autres récits" de Nicole Claveloux
Couverture et planches : "Une Gamine dans la lune et autres récits" de Nicole Claveloux
- Editions Cornelius / Nicole Claveloux

Présentation de l'éditeur : Troisième volume de l’anthologie que les éditions Cornélius consacre à Nicole Claveloux, Une gamine dans la lune est composé d’une dizaine d’histoires courtes réalisées à la fin des années 70. Ces récits au ton irrévérencieux abordent avec malice des thèmes chers à l’autrice, de la naissance de la sexualité à la place de la femme dans la société. Des sujets parfois tabous que Nicole Claveloux se plaît à bousculer et à tortillonner au gré de son imagination sans limite.

L’avis des critiques 

Ce qui m'a frappé à la lecture de cet ouvrage, c'est la très grande diversité des styles et des techniques avec lesquels elle est capable de jongler (…) On pourrait se demander si, d'un point de vue graphique, il s'agit toujours du même auteur. Sarah Ihler-Meyer

► Comme un goût d'interdit

Il y a une forme  d’insolence et d’audace dans les récits de Nicole Claveloux, puisqu'ils mettent à chaque fois en scène des fantasmes de mort ou érotiques, aussi bien chez les adultes que chez les enfants, et qui, dans ce dernier cas, serait probablement mal vues aujourd’hui. On voit aussi des mises en scène de fantasmes de destruction infantile qui donnent quelque chose d'assez noir et sulfureux à ces histoires et presque un peu un goût d'interdit. Mais c'est toujours amené avec beaucoup d'humour graphique et beaucoup de fantaisie, ce qui rend vraiment son travail très plaisant. Sarah Ihler-Meyer

C’est une très agréable découverte. J’ai beaucoup aimé une série de planches muettes, destinée à la littérature jeunesse au début des années 80. On y voit des planches sublimes, sur des scènes secrètes d'enfance, des scènes à la fois impudique, sale et en même temps totalement structurantes pour une intériorité d'enfant. C'est vraiment le grand maelstrom cradingue de l'enfance et c'est assez somptueux. C'est vraiment de la bande dessinée freudienne endiablée à lire en secret. Théo Ribeton

On est vraiment dans une espèce de bain mental qui m'a rappelé des souvenirs de bandes dessinées très clandestines de mon enfance. Et je dirais qu'il faut laisser les enfants les lire, même sans leur dire qu'on les laisse les lire. Théo Ribeton

► Un féminisme insolent 

Nicole Claveloux va jusqu'à faire un pied de nez au féminisme alors qu'elle est elle même féministe. J'y vois un esprit quasiment la "Harakiri", c'est à dire sans foi ni loi. Elle ne se soumet à aucun dogme et elle peut même rire de comportements antiféministes que peuvent avoir des féministes. Je pense qu'il y a une très grande liberté chez Claveloux. Sarah Ihler-Meyer

  • BD : Une Gamine dans la Lune et autres récits de Nicole Claveloux (Ed. Cornélius)  
  • Site de l'auteur : Nicole Claveloux 
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