Théâtre et opéra : "Jeanne Dark" de Marion Siéfert et "Faust" de Gounod mis en scène par Tobias Kratze

1 / "Jeanne Dark" de Marion Siéfert - 2 / "Faust"
1 / "Jeanne Dark" de Marion Siéfert - 2 / "Faust" - 1/ Matthieu Bareyre - 2 / Monika Rittershaus Opera national deParis
1 / "Jeanne Dark" de Marion Siéfert - 2 / "Faust" - 1/ Matthieu Bareyre - 2 / Monika Rittershaus Opera national deParis
1 / "Jeanne Dark" de Marion Siéfert - 2 / "Faust" - 1/ Matthieu Bareyre - 2 / Monika Rittershaus Opera national deParis
Publicité

Pour cette Critique consacrée aux spectacles vivants, nos expertes ont vu deux spectacles que vous pourrez savourez depuis votre canapé : « Jeanne Dark » de Marion Siéfert, à voir sur Instagram et un opéra « Faust » disponible sur Culturebox. Découvrez leurs avis…

Avec

La Critique : commentaire expert et subjectif de l’actualité culturelle. Chaque semaine, des critiques invités par Lucile Commeaux se rencontrent autour de deux disciplines dans l’amour de l’art et de la dispute. 

Sous les feux de la critique cette semaine, deux spectacles : « Jeanne Dark » de Marion Siéfert, un double-spectacle : pour le théâtre et pour Instagram et un opéra « Faust », un opéra en cinq actes de Charles Gounod, dirigé par Lorenzo Viotti et mis en scène Tobias Kratzer, une réflexion sur l’obsession pour la jeunesse éternelle de la société contemporaine disponible sur Culturebox

Publicité

Pour en parler aux côtés de Lucile Commeaux : Marie Sorbier, rédactrice en chef de I/O Gazette et productrice à France Culture et Anna Sigalevitch, Journaliste et auteure

🎭  -  Un spectacle : "Jeanne Dark", de Marion Siéfert, une performance virtuose portée par Helena de Laurens 

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.

Présentation du théâtre de Gennevilliers : _jeanne_dark_, c’est le pseudo Instagram que s’est choisi Jeanne, une adolescente de 16 ans issue d’une famille catholique, qui vit dans une banlieue pavillonnaire d’Orléans. Depuis quelques mois, elle subit les railleries de ses camarades sur sa virginité. Un soir, alors qu’elle est seule dans sa chambre, elle décide de ne plus se taire et prend la parole en live sur Instagram. Avec cette pièce, Marion Siéfert crée un double-spectacle : à la fois pour le théâtre et pour Instagram. Sous les yeux de ses followers, Jeanne se filme, se regarde, s’invente, s’expérimente et se délire. Au fil de cette valse de personnages, de masques et de filtres Instagram, Jeanne donne libre cours à ses fantasmes, fait voler son identité en éclats et se métamorphose. Cette performance virtuose est portée par Helena de Laurens. Sur scène, dans une scénographie conçue par Nadia Lauro, c’est elle qui réalise en direct le film de cette adolescente, projeté sur deux écrans qui encadrent la scène. À la fois filmeuse et filmée, elle créé avec la caméra du téléphone un corps hors-normes, iconique et fantastique, et fait pleinement exister ce personnage plein de bruit et de fureur. Certains soirs, le spectacle est aussi accessible en live sur Instagram.

L'avis des critiques : (Extraits)

Un objet fascinant et innovant

Je craignais un peu de passer une heure trente sur mon téléphone, mais j’ai été totalement happée par le présent de la représentation. Je n'ai pas bougé, j'étais presque presque sidérée de ce j’étais en train de voir. J'avais l'impression de voir une forme inédite, du théâtre en vrai. C’est un objet totalement fascinant. Marie Sorbier

C’est un spectacle très étonnant et très étrange. J'ai eu énormément de mal à comprendre comment le dispositif fonctionnait, à me connecter, et à suivre le spectacle. Le spectacle a été coupé par moment et il y a énormément de commentaires qui apparaissent sur l’écran,  dont certains sont hallucinants. Il y a eu trop d'obstacles pour que je puisse suivre le geste artistique, le comprendre et le ressentir. Ce n'est pas du tout le spectacle que je remets en question mais la perception que j’en ai eu à travers cette configuration. Peut-être qu'un spectacle comme celui-ci, produit sur une scène donne un tout autre effet. Pour moi, là, il y a quelque chose qui sonne faux. J’ai néanmoins très envie de voir ce spectacle en salle dès que cela sera possible. Anna Sigalevitch

De l'autre côté de l'écran

Ce n'est pas une captation, ce n'est pas non plus un live Instagram comme on a l'habitude d'en voir. Là, on est de l'autre côté de l'écran. Helena de Laurens (Jeanne Dark), est là, elle joue en face de nous et on retrouve cette communauté de théâtre, qui nous manque tant, via les commentaires qui s’affichent sur notre écran. Ces commentaires prouvent que nous sommes comme dans une salle de théâtre en quelque sorte. Ce ne sont pas les soupirs de nos voisins ou la toux de celui de derrière ou le rire de la dame de devant que nous entendons mais le commentaire en live qui s'affiche sur l'écran. Marie Sorbier

Une comédienne exceptionnelle

Helena de Laurens, est époustouflante. Elle a un corps, une présence, une étrangeté et une liberté dans sa façon de s'exhiber, au sens noble, assez incroyable. Anna Sigalevtich

Il faut quand même souligner qu’Helena de Laurens est une actrice incroyable. Elle interprète une ado de 16 ans et on y croit totalement. Il y a un art du cadrage assez prodigieux dans le sens où on a presque l'impression que c’est facile, qu'elle se filme un peu au hasard, comme le ferait une ado dans sa chambre, mais en réalité c’est de la dentelle ce spectacle. Marie Sorbier

  • Plus d'informations : "_Jeanne_Dark_" de Marion Siéfert à voir les 9 et 10 avril sur Instagram (_jeanne_dark_), une programmation du Théâtre de Gennevilliers. Puis du 18 au 21 mai au Théâtre Olympia CDN de Tours, puis du 26 au 28 mai au CDN d’Orléans. Autres dates de tournée ICI
    Marion Siéfert est autrice, metteuse en scène et performeuse. Son travail est à la croisée de plusieurs champs artistiques et théoriques et se réalise via différents médiums : spectacles, films, écriture. En 2015-2016, elle est invitée dans le cadre de son doctorat à l’Institut d’études théâtrales appliquées de Gießen (Allemagne). Elle y développe son premier spectacle, 2 ou 3 choses que je sais de vous, qui sera ensuite présenté au festival TJCC du T2G Théâtre de Gennevilliers, Centre Dramatique National en 2016, au Festival Parallèle, au Festival Wet°, au TU à Nantes, au théâtre de Vanves, à la Gaîté Lyrique, entre autres. Elle collabore sur Nocturnes et L’époque, deux films du cinéaste Matthieu Bareyre. Elle performe pour Monika Gintersdorfer et Franck Edmond Yao dans Les Nouveaux aristocrates, dont la première a eu lieu aux Wiener Festwochen 2017. Depuis septembre 2017, elle est artiste associée à La Commune, Centre Dramatique National d’Aubervilliers. En 2018, elle y créé Le Grand Sommeil, avec la chorégraphe et performeuse Helena de Laurens, programmé à l’édition 2018 du Festival d’Automne ; et en mars 2019, Pièce d’actualité n°12 : DU SALE !, un duo pour la rappeuse Original Laeti et la danseuse Janice Bieleu.
Par les temps qui courent
45 min

🎼  -  "Faust", un opéra entre entre hyperréalisme et magie

Présentation de l'Opéra de Paris : Je veux un trésor, qui les contient tous ! Je veux la jeunesse ! Frustré par la quête futile du savoir, le vieux savant Faust vend son âme au diable en échange de la jeunesse éternelle et de la belle Marguerite… Gounod retravaille le mythe popularisé par Goethe pour s’attacher à l’histoire d’amour et magnifie la chute et le salut final de Marguerite. Son choix d’alléger la portée philosophique du récit lui permet de trouver un équilibre entre les scènes où le surnaturel fait appel au grand spectacle et un univers réglé par l’intériorité de l’action et des sentiments. La partition de Gounod est un tour de force d’invention mélodique, révélant dans l’écriture vocale l’art du compositeur à transmettre une émotion sincère et immédiate. Pour ses débuts à l’Opéra national de Paris, le metteur en scène allemand Tobias Kratzer livre une réflexion sur l’obsession pour la jeunesse éternelle de la société contemporaine. Grâce à un dispositif scénique élaboré, sa mise en scène oscille entre hyperréalisme et magie, entre le monde d’aujourd’hui et l’atmosphère mystérieuse du romantisme allemand.   

L'avis des critiques : (Extraits)

Une mise en scène juste qui embrasse tous les registres

C'est vraiment le grand opéra 19e, qui peut être un peu pompier, un peu lourd, un peu massif. Ce que je trouve intéressant dans cette mise en scène de Tobias Kratze, c'est qu'il ne rejette pas totalement le côté grand opéra du 19ème, donc, oui, il y a du spectaculaire, il y a des choses un peu massives, etc... mais ça fait partie de ce que propose Gounod, sa lecture est juste et il évite le côté pompier de beaucoup de mises en scène. C'est vraiment un opéra compliqué à monter, ça va dans tous les sens, il y a plusieurs registres et Tobias Kratze réussit à tous les embrasser. On retrouve une forme de réalisme, même de trivialité, de naturalisme et un côté fantastique. La transposition est très compliquée pour un opéra comme celui-là et là, pour moi, tout ce qu'il raconte est juste. Ce n'est vraiment pas un de mes opéras préférés, mais là, je l'ai regardé de bout en bout avec un intérêt, une curiosité pour toutes les scènes à venir, qui n'a jamais cessé dès l'acte I. Anna Sigalevitch

Dans le prologue du "Faust" de Goethe, le directeur du théâtre dit : « Qui qui donne beaucoup donne pour tout le monde. Il faut des moyens massifs pour s'adresser aux masses ». J'ai vraiment l'impression que c'est ce qu'a voulu faire le metteur en scène allemand Tobias Kratze. On est dans une mise en scène où tout est très massif, que ce soit en termes de scénographie, d'effets spéciaux ou d'illustration. On n’est pas dans une version intellectuelle ou spirituelle de "Faust", mais dans une version très réaliste, presque didactique, où tout est fait pour que tout le monde comprenne bien cette histoire. Ca m'a semblé à la fois très maîtrisé, très spectaculaire, au sens premier du terme. Je déplore toute fois peut-être une sensation, pour moi spectatrice derrière mon écran, de trop plein qui ne m'a pas permis de rentrer dans l'épaisseur métaphysique de "Faust" Marie Sorbier

Un casting voix éblouissant

Le seul endroit où je rencontre la spiritualité de ce Faust c’est dans les voix. Par moment, en fermant les yeux pour écouter les chanteur et m’enlever le côté trop massif de la mise en scène, j’ai trouvé qu’il y avait quelque chose de céleste. Les voix sont reliées au spirituel et ça fonctionne vraiment bien dans la profondeur de ce que peut vouloir dire ce "Faust". J'ai trouvé tous les chanteurs touchants. Il y a une émotion et on y croit. Marie Sorbier

Benjamin Bernheim est un ténor somptueux qui peut embrasser tous les registres vocaux. Sa tessiture est dingue, ses aigus sont complètement épanouis, en voix mixtes c’est sublime, il est hyper musicien et la ligne est superbe. Je ne peux être que superlative parce qu’il est extraordinaire. C'est très rare un chanteur, un ténor qui a des graves très beaux, un timbre moelleux, rond et chaud et cette aisance dans les aigus, il est vraiment extraordinaire. Anna Sigalevitch

La Grande table culture
28 min

L'équipe