Pour cette Critique consacrée aux spectacles vivants, nos experts ont lu et vu deux pièces que vous pourrez savourez depuis votre canapé : "La dernière nuit du monde" de Laurent Gaudé, et le spectacle "Italienne scène et orchestre" de Jean-François Sivadier à retrouver sur France.tv.
- Philippe Chevilley Chef du service culture des Echos
- Marie Sorbier Rédactrice en chef de I/O et productrice d'Affaire en cours sur France Culture
La Critique : commentaire expert et subjectif de l’actualité culturelle. Chaque semaine, des critiques invités par Lucile Commeaux se rencontrent autour de deux disciplines dans l’amour de l’art et de la dispute.
Sous les feux de la critique cette semaine, deux spectacles : le texte La dernière nuit du monde de Laurent Gaudé paru chez Actes Sud Papiers ainsi que le spectacle Italienne scène et orchestre de Jean-François Sivadier diffusé le 14 mai sur France 5 puis disponible sur france.tv.
Pour en parler aux côtés de Lucile Commeaux : Marie Sorbier, rédactrice en chef de I/O Gazette et productrice d' Affaire en cours sur France Culture, et Philippe Chevilley, chef du service culture aux Echos.
📖 - Le texte "La dernière nuit du monde" de Laurent Gaudé
Quatrième de couverture : Le monde est sur le point d'abolir le sommeil. L'activité des hommes va pouvoir prendre possession de la nuit et tout envahir. Lors de la grande fête au cours de laquelle l'humanité dit adieu au vieux monde, Gabor apprend des médecins que l'état de Lou, la femme qu'il aime, s'est aggravé et qu'elle « ne passera pas la nuit ». Commence alors pour lui une longue errance dans un monde qui ne s'arrête jamais. Ce qui devait être une nouvelle ère devient un désastre. La Dernière Nuit du monde est le récit déchirant d'un homme qui se perd dans un jour infini.
L'avis des critiques :
J'ai commencé à connaître Laurent Gaudé par les romans et ce qui m'avait frappé, c'est qu'il y avait un thème qui revenait de façon récurrente dans son œuvre romanesque : c'était cette légende de l'abolition de la mort. Légende du roi Frédéric de Sicile qui, au XXI siècle, se bat toute la nuit avec la mort et à la fin de la nuit, match nul. La mort sort des enfers frappent à sa porte et lui dit "Bon bah, je laisse un peu de répit". Là ce n'est plus la mort qu'il veut abolir, sinon la nuit.
On est plus dans une fable apocalyptique où le fait d'abolir la nuit c'est essentiellement parce que, avec la surpopulation, on ne peut plus étendre l'espace donc on étend dans le temps. C'est faire travailler plus les gens. Face aux dérèglements que ce nouveau monde va provoquer, on a évidemment un petit groupe d'humains qui résistent dans un coin. Philippe Chevilley
Ce qui m'a beaucoup plu aussi, c'est le champ lexical et la tension lumière-obscurité. Le titre, c'est la dernière nuit du monde. Tout se joue entre ce jour qui va perdurer, puis la nuit qui disparaît. Marie Sorbier
Il a ce talent de conteur incroyable qui fait que d'un point de vue théâtral, ce qui est assez génial aussi, c'est que il arrive à coudre sa fable apocalyptique avec une histoire d'amour. Le gimmic est très simple, c'est que la dernière nuit de l'ancien monde correspond à la dernière nuit que doit vivre sa compagne qui doit mourir cette nuit-là. Philippe Chevilley
Ce qui fonctionne c'est que ça combine très bien un rapport très concret au quotidien, on pourrait être dans ce qui se passe aujourd’hui, mais ça pose des questions quand même assez étonnantes. Quid s'il n'y a plus besoin de dormir? Qu'est-ce qu'on va faire de ce temps en plus qui va nous être octroyé si on a besoin de dormir que 45 minutes par jour ? Ça ouvre des champs assez immenses de questionnements.
L'intelligence de Laurent Gaudé, c'est qu'il n'y répond pas. Ou en tout cas, il n'y répond que par bribes, par petites incursions, par des personnages qui ont comme ça des idées ou des avis. Mais il n'y a pas de grands poncifs. Ce n'est pas un texte qui va nous asséner comme une vérité ou une dangerosité. On la sent. On peut la lire entre les lignes, mais elle n'est pas imposée en tout cas à la lecture. Et ça, c'est assez agréable. Pour se projeter, pour imaginer plein de choses autour de ce texte. Marie Sorbier
Plus d'informations :
- Le texte "La dernière nuit du monde" de Laurent Gaudé a paru chez Actes Sud Papiers. Il est à noter que "La Dernière Nuit du monde" sera créée au Festival d’Avignon 2021 par la compagnie Artara, dans la mise en scène de Fabrice Murgia. Une tournée est prévue par la suite.
- Romancier et dramaturge français, Laurent Gaudé s'illustre dans l'écriture théâtrale depuis l’âge de vingt-cinq ans, en 1997, lorsqu'il publie sa première pièce, Onysos le furieux, aux éditions Théâtre Ouvert. Il a depuis signé Pluie de cendres (Théâtre ouvert, 1998), Combat de Possédés (Actes Sud-Papiers, 1999), Médée Kali (Actes Sud-Papiers, 2003) ou encore Les Sacrifiées (Actes Sud-Papiers, 2004). Côté romans, il est notamment le lauréat du Prix Goncourt pour Le soleil des Scorta (Actes Sud), roman traduit dans 34 pays.
🎭 - Le spectacle "Italienne scène et orchestre" de Jean-François Sivadier
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Présentation de France tv : Italienne scène et orchestre plonge le spectateur au cœur d’une répétition de La Traviata, (l’un des opéras les plus populaires de Verdi), où s’agitent divas, chanteurs, metteur en scène et chef d’orchestre.
L'avis des critiques :
Sur la force comique du spectacle ...
J'ai ri de bon cœur. Je trouve que c'est un spectacle sur la langue principalement, c'est ça qui m'a marqué le plus. Jean-François Sivadier prend un accent improbable pendant tout ce spectacle qui vient de plein de coins d'Europe. Ça lui permet de jouer avec les mots, de jouer avec le français qu’il ne maîtrise donc pas tout à fait mais quand même un peu, ce qui donne lieu, évidemment, à des moments très cocasses. Marie Sorbier
Ce qui me frappe, c'est d'abord le côté hilarant qu'on sent dès le début, même dans l'introduction qui est très drôle et très juste. Ce spectacle a été créé en deux parties : la deuxième partie qui se passe dans l'orchestre c'était en 1996, et la première, qui se passe sur le plateau, c'était en 2003. Mais ça n'a absolument pas vieilli dans le propos. Je trouve qu'on retrouve toutes les problématiques qui se posent sur la création d'un spectacle et surtout d'un opéra. Le dialogue entre le chef d'orchestre et le metteur en scène est difficile. Est-ce que le chant prime sur le théâtre dans le théâtre chanté? Toute la problématique de l'opéra et toute sa mise en abîme sont montrées de façon très drôle. On ne voit pas passer ces trois heures. Philippe Chevilley
... Mais aussi sur sa dimension pédagogique
On a tous les ingrédients d'un spectacle qui nous apprend des choses, qui nous fait rire, et qui utilise en plus une esthétique d'aujourd'hui puisqu'on est dans des répétitions avec un décor dépouillé. Le quatrième mur est complètement détruit de fait, puisque le public était à la fois figurant ou les figurants sont du public, on ne sait plus très bien. Soi-même, on est devant l'écran en train de se figurer ce que peut être ce spectacle une fois fini. Pour moi, ça a été vraiment un coup de foudre, sachant que trois heures, ça peut paraître long et que là, je trouve que ça passe très vite. Philippe Chevilley
Démontrer par l'humour que la recherche est aussi percutante que le résultat final - puisque c'est quand même ça tout le propos du spectacle - me semble vraiment très judicieux aujourd'hui, après des mois de fermeture et à l'orée de l'ouverture. De se dire que non, il ne s'est pas rien passé pendant cette année-là. Les gens ont continué à chercher, à travailler. Il y a beaucoup de spectacles qui ont été mis en gestation et peut-être que de la montrer, cette gestation, de voir ce que c'est quand on ne travaille pas dans ce milieu-là, je me dis que c'est quand même très intelligent à diffuser aujourd'hui. Marie Sorbier
A propos de la captation, véritable film en soit :
Philippe Béziat a eu l'intelligence d'en faire un film. C'est à dire que ce n'est pas une captation, on n'a pas juste des caméras posées sur un plateau qui filment ce qui est en train de se passer. La caméra est également un personnage puisque nous, derrière notre écran, nous ne sommes ni sur la scène, ni dans la fosse, mais nous sommes l'œil de la caméra, c'est à dire finalement un troisième personnage. Il y a des gros plans, notamment sur le public présent pour ce tournage, qui sont assez jubilatoires. Pour moi, ça a été un vrai plaisir de téléspectateur. Marie Sorbier
Plus d'informations :
- Italienne scène et orchestre de Jean-François Sivadier est diffusé le 14 mai sur France 5 puis disponible sur France.tv.
- Texte et mise en scène Jean-François Sivadier, réalisation Philippe Béziat, coproduction - La Compagnie des Indes - S.E.P. "Italienne Scène et Orchestre" (Cie Italienne avec Orchestre / MC93-Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis, Bobigny), durée - 193 minutes environ.
Egalement au sommaire de La Critique :
Le coup de cœur de Philippe Chevilley pour "Le Souliers de satin - Intégrale " par la Comédie Française. Quatre séances sont proposées, selon la pièce de Paul Claudel découpée en Journées. Tour à tour, les metteurs en scène Éric Ruf, Gilles David, Thierry Hancisse, puis Christian Gonon, préparent une pièce en seulement cinq jours, entourés d'une équipe de comédiennes et comédiens. Du théâtre à la table diffusé sur le site de la Comédie Française et sur YouTube. Découvrez le premier épisode ici ↓
Ça bouge, ça monte sur les tables, ça danse, ça chante, ça rit, il y a de la musique et on a la plaisir de voir à chaque journées des héros différents.
C'est l'aboutissement d'une année de confinement qui a été remarquablement occupée et animée par la troupe du Français.
Découvrez le premier épisode ici ↓
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