"Vernon Subutex" en BD par Virginie Despentes et Luz et "Considération sur le homard" de David Foster Wallace, la littérature autrement

Couvertures de Veron Subutex de Luz et Virginie Despentes & Considération sur le homard T2 de David Foster Wallace
Couvertures de Veron Subutex de Luz et Virginie Despentes & Considération sur le homard T2 de David Foster Wallace - Luz - Albin Michel // Editions L'Olivier
Couvertures de Veron Subutex de Luz et Virginie Despentes & Considération sur le homard T2 de David Foster Wallace - Luz - Albin Michel // Editions L'Olivier
Couvertures de Veron Subutex de Luz et Virginie Despentes & Considération sur le homard T2 de David Foster Wallace - Luz - Albin Michel // Editions L'Olivier
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Sous les feux de la critique cette semaine, le 1er tome de « Vernon Subutex », une version en bande dessinée, signée Virginie Despentes et Luz et « Considérations sur le Homard 2 », une compilation d’essais sur la littérature de David Foster Wallace. Découvrez les avis de nos experts…

Avec

Chaque vendredi à l'heure du déjeuner, Lucile Commeaux et ses critiques invités, débattent des oeuvres ou des événements (films, livres, expositions, séries, bandes dessinées...) qui font l'actualité culturelle de la semaine...

Au programme de La critique cette semaine : bande dessinée et littérature

La BD, c'est Vernon Subutex__. Virginie Despentes (l'auteur du Roman et de Baise moi, King Kong théorie, Apocalypse bébé...) s'est associée à Luz (Pillier de Charlie Hebdo et auteur notamment de Ô vous, frères humains, Catharsis et Indélébile) pour réécrire et illustrer cette célèbre trilogie. Le premier tome vient de paraître aux éditions Albin Michel. Côté littérature, c’est au recueil d’essais, Considérations sur le Homard 2, de l'auteur américain, à l'intelligence et l’humour imparable, David Foster Wallace (1962-2008), que nous nous intéressons.

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Pour en parler aux côtés de Lucile Commeaux : Muriel Joudet (critique cinéma aux Inrocks) et Victor Macé de Lepinay (producteur du Rayon BD sur France Culture)

💬   -   BD : Vernon Subutex - Tome I, Luz/Despentes, une rencontre au sommet 

On sent vraiment que Luz s'éclate à traduire l'écriture nerveuse, sale, sexuelle et colérique de Virginie Despentes. Murielle Joudet

Qui est Vernon Subutex ? Une légende urbaine. Un ange déchu. Un disparu qui ne cesse de ressurgir. Le détenteur d’un secret. Le dernier témoin d’un monde révolu. L’ultime visage de notre comédie inhumaine. Notre fantôme à tous.

Couverture et planches de Vernon Subutex de LUZ et Virginie Despentes
Couverture et planches de Vernon Subutex de LUZ et Virginie Despentes
- Luz / Albin Michel

Dès la parution du tome 1 du roman, en janvier 2015, les tribulations de Vernon Subutex, ex-disquaire devenu à la fois squatteur, clochard, DJ et quasi gourou, sont un succès majeur de la littérature française tant en termes de réception critique que publique (un million et demi d’exemplaires vendus en France). Portée par une énergie graphique hors du commun, cette nouvelle version – réécrite à quatre mains et en bande dessinée – offre un nouveau regard sur le parcours de Vernon… et démontre, s’il en était besoin aujourd’hui, la puissance du collectif.

📢 L’avis des critiques  : 

▶    Une écriture graphique et littéraire, enragée et sensible 

Le dessin de Luz a en quelle que sorte les mêmes qualités que l'écriture de Despentes, quelque chose de nerveux, énergique et en même temps, de sensibles avec cette rage, un tremblement, qu’on voit un peu à chaque page, c’est très émouvant. L’écriture de Despentes est extrêmement lisible, elle se dévore, et le dessin de Luz a les mêmes qualités. Il y a dans son dessin, beaucoup de choses à regarder, il y a beaucoup de choses à piger, mais c'est hyper bien construit, avec une sorte nonchalance, une extrême sensibilité et beaucoup de poésie. Une poésie qui n’est pas mièvre, une poésie Rock. Victor Macé de Lepinay

Virginie Despentes a une écriture punchline qui marche très bien en bande dessinée__. Les dessins de Luz en sont une sorte de traduction visuelle. Murielle Joudet

▶    Une culture et une poésie rock / Des trouvailles graphiques

Luz et Despentes ont la même culture, une culture rock. Le dessin de presse de Luz, qui a quelque chose de jeté, hyper énergique, caricatural, peut sembler un peu un peu torché, mais c'est en réalité formidablement bien construit__., il n’y a aucune monotonie. Certaines pages sont construites de façon classiques et d’autres sont complètement éclatées en de grandes images double page. Il y a des trouvailles graphiques assez extraordinaires. Victor Macé de Lepinay

▶    Abattre les frontières de la vie réelle

On sent vraiment que Despentes et Luz s'amusent ensemble et on sent le plaisir et la joie que ça a été de faire de cette BD__. L'humour de Luz vient redoubler celui de Despentes et vient renforcer l’idée, également présente dans le roman et que j'aime beaucoup, selon laquelle la découverte d’un album serait tout aussi important qu'une rencontre dans la vraie vie. Et finalement, les moments de vie et les moments d'art sont un peu sur un même terrain d'égalité. Luz s’amuse beaucoup avec ça. On rentre parfois dans une pochette d'album ou dans un poster pour raconter la vie de Vernon Subutex et je trouve très juste cette façon de représenter l’idée qui serait que la pop culture ferait autant partie de la vie qu'une expérience véritable. Murielle Joudet

  • Plus d’informations : « Vernon Subutex, Tome 1 » de Luz/Despentes (Ed. Albin Michel)
L'Invité(e) des Matins
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L'Atelier fiction

📚   -   "Considérations sur le homard - tome 2", le lecteur au bout du tunnel

J’ai commencé la lecture en me disant que j’allais peut-être m’ennuyer car Foster Wallace aborde un peu des sujets d'experts, mais je trouve qu'il retrouve toujours son lecteur. A partir de ce jeu de cerveau, il trouve le bout du tunnel et le bout du tunnel, c'est le lecteur. Muriel Joudet

Le premier tome de Considérations sur le homard (L’Olivier, 2018) réunissait les textes que David Foster Wallace avait consacrés à la société américaine. Concentré de pop culture, ce deuxième volume réunit ses essais sur la littérature, la langue et la communication. Wallace était un lecteur à la curiosité affûtée, et ces textes en portent la trace : avec le même brio, il analyse l’humour existentiel de Kafka, le rôle politique de la grammaire, fait le portrait d’un célèbre animateur de radio obsédé par l’affaire O.J. Simpson, évoque le culte de la célébrité et le règne de l’ignorance. Chez Wallace, l’extrême acuité de l’intelligence est toujours indissociable de l’humour. 

📢 L’avis des critiques :

▶    Un livre intimidant ?

Je n'avais jamais lu David Foster Wallace, et commencer par ce deuxième volume me paraissait un peu dommage, un peu difficile, alors, j'ai lu le premier tome d'abord, puis le deuxième. Cette porte d’entrée marche, puisque j'ai maintenant, vraiment envie de lire tout Foster Wallace. Victor Macé de Lepinay

▶    Un regard acéré sur le monde

Foster Wallace ressemble vraiment au personnage d'une de ses nouvelles. Il a le côté surdoué salingerien, enfermé dans son cerveau, hypermnésique, qui attrape n'importe quel sujet pour le recracher en objet théorique. On sent vraiment que c'est douloureux chez lui. Il a vraiment besoin de produire du jus de cerveau. Dans ses nouvelles, c’est assez triste ces personnages enfermés dans leur cérébral littéraire, mais dans ces essais, je trouve qu'il y a quelque chose de lumineux. Muriel Joudet

Ce que j'aime beaucoup, quand on lit Foster Wallace, c’est qu_’on a vraiment l'impression qu'il est en bordure du monde__, qu'il l'observe, qu'il est obsédé par n'importe quoi. On sent qu'il connaît tout. C'est assez beau cette position, cette idée qu'il n'est peut-être pas de son temps_. Muriel Joudet

▶    L’écriture en question 

Ce deuxième tome, est encore un peu plus intime, plus personnel que le premier. La question de l’écriture est vraiment centrale dans ce livre  : Qu'est-ce que c'est que l'écriture ? Comment est-ce qu'on peut écrire ? L’autre grand terme transversal est celui de l'objectivité et, d'une certaine façon, du réel. Comment rendre le réel ? Victor Macé de Lepinay

▶    Des arborescences graphiques dans tous les sens 

Les notes de bas de page, qui font sa marque de fabrique, ou ses arborescences, sont précisément le signe d'une sorte de cérébral maladif, comme si la page ne pouvait pas contenir tout ce qu'il avait à dire. Plus on avance dans le livre, et plus « ça part en sucette », on finit par avoir des  arborescences dans tous les sens. On commence tout doucement avec des petites notes de bas de page au début du livre et ensuite, on sent que ça devient vraiment douloureux pour lui. C’est très beau de voir comment, à partir d'une de ses marottes, de ses obsessions, sachant qu'il y en a dix mille dans un détail, il va finir par aller vers nous et nous trouver. En termes cinématographiques, c'est comme si le gros plan contenait en fait un plan d'ensemble. Muriel Joudet

  • Plus d'informations : Considérations sur le homard II  de David Foster Wallace - traduit de l’anglais (États-Unis) par Jakuta Alikavazovic (Editions L'Olivier)
    David Foster Wallace :  Après de brillantes études en littérature, philosophie et mathématiques, il publie à vingt-cinq ans un premier roman remarqué, La Fonction du balai. En 1991, alors enseignant en littérature à Boston, il se lance dans l’écriture d’un roman « total » : L’Infinie Comédie (Infinite Jest), livre hors norme reçu comme un chef-d’oeuvre. David Foster Wallace publiera ensuite deux recueils de nouvelles ainsi que de courts essais sur la littérature, la musique, la télévision et le tennis. En 2008, il se suicide et laisse derrière lui un roman inachevé, Le Roi pâle (Au diable vauvert, 2012), finaliste du prix Pulitzer
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