Un extrait de "La Disparition" de Georges Perec

Photo de l'écrivain Georges Perec en 1978
Photo de l'écrivain Georges Perec en 1978 ©Getty - © Ulf Andersen
Photo de l'écrivain Georges Perec en 1978 ©Getty - © Ulf Andersen
Photo de l'écrivain Georges Perec en 1978 ©Getty - © Ulf Andersen
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Parviendrez-vous à réaliser un sans faute ? Tout le monde est invité à prendre son stylo pour se prêter au jeu de cette expérience collective. Aujourd'hui, un extrait de "La Disparition" de Georges Perec avec la participation de Clémentine Mélois, artiste plasticienne et écrivaine.

Avec

Ah ! la dictée, c'est un défi qu'on se lance à soi-même et une expérience collective mêlant compétition, plaisir de la langue française et souvenirs d'enfance. Aujourd'hui, avec la participation de Clémentine Mélois, artiste plasticienne et écrivaine, diplômée des Beaux-Arts de Paris et membre de l’Oulipo.

L'actualité de Clémentine Mélois

Célèbre pour ses détournements et pastiches de couvertures de livres, Clémentine Mélois publie Dehors la tempête (Grasset, 2020), Bon pour un jour de légèreté (Grasset, 2020) et plus récemment, un roman-photo Les six fonctions du langage (Seuil, 2021).

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D'octobre à décembre 2020, elle a présenté sa seconde exposition personnelle à la galerie Lara Vincy à Paris, intitulée "Un cabinet d'amateur".

  • Lire "Méli Mélois", l'article de Manou Farine dans le magazine Elle au sujet de l'exposition
  • Découvrir l'article de l'écrivaine Camille Laurens au sujet de Dehors la tempête de Clémentine Mélois dans le journal Le Monde

Le clin d'œil de la semaine

La langue française est sexiste. Pour preuve, cette vieille "blague", parfois oubliée, qui consiste à mettre certains mots au féminin. Exemples : un courtisan, c'est un homme que l'on voit auprès du roi. Une courtisane ? C'est une p.... Pareil pour entraîneur, ou encore professionnel. Ecoutez ce texte lu par la comédienne Catherine Arditi pour "l'Obs" (en 2017).

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Cette dictée a déjà été diffusée le 6 mars 2021.

"La Disparition" de Georges Perec

Membre de l'Oulipo, Georges Perec croyait aux vertus créatrices de la contrainte formelle. Avec La Disparition, il se donne la consigne de ne pas utiliser une seule fois la lettre "e", voyelle centrale de la langue française, et écrit un roman en lipogramme (texte d'où une lettre est bannie) qui fera date.

Le texte de la dictée

Son Jaz marquait minuit vingt. Il poussa un profond soupir, s'assit dans son lit, s'appuyant sur son polochon. Il prit un roman, il l'ouvrit, il lut ; mais il n'y saisissait qu'un imbroglio confus, il butait à tout instant sur un mot dont il ignorait la signification. (écoliers) Il abandonna son roman sur son lit. Il alla à son lavabo ; il mouilla un gant qu'il passa sur son front, sur son cou. Son pouls battait trop fort. Il avait chaud. Il ouvrit son vasistas, scruta la nuit. Il faisait doux. Un bruit indistinct montait du faubourg. Un carillon, plus lourd qu'un glas, plus sourd qu'un tocsin, plus profond qu'un bourdon, non loin, sonna trois coups. Du canal Saint-Martin, un clapotis plaintif signalait un chaland qui passait.

Explication des principales difficultés

- Jaz : Jaz est une marque horlogère française.

- soupir : du latin suspirium (« respiration profonde, soupir, asthme »), de sub- et spirare (« respirer »).

- polochon : du néerlandais poluwe, le mot n’est usuel que dans une partie de la France ; ailleurs, on dit traversin.

- lut : conjugaison du verbe lire à la troisième personne du singulier du passé simple.

- imbroglio : mot d'origine italienne qui n'est guère attesté en France qu'à la fin du XVIIe siècle. Il signifie « embrouille » et il semble surtout employé pour désigner certaines pièces de théâtre dont l'intrigue est d'une particulière complexité.

- confus : du latin confusus, participe passé de confundere qui donne confondre.

- pouls : du latin pulsus (« battement des artères »).

- vasistas : emprunt oral à l'allemand, ce mot a pour étymologie la question récurrente « Was ist das? », signifiant en français « Qu'est-ce que c'est ? », exprimée via une sorte de guichet, par des Allemands à leurs visiteurs français avant de leur ouvrir la porte.

- carillon : de l'ancien français quarrillon, issu du bas latin quadrinio, quaternio (« groupe de quatre objets »), via quarellon (1345), et carenon (1178).

- glas : de l'indo-européen commun * ĝhel-. Le terme est apparenté au gaulois glaston, * glasson, * glađđon, au breton glas, « bleu, vert, gris, glauque, pâle », au gallois glas de même sens ; à l'irlandais glas, « vert, gris, bleu », au gaélique d'Écosse glas, « gris ».

- tocsin : le substantif masculin tocsin, apparu en 1611 est une réfection graphique de « touquesain » (mot du XVI e siècle) emprunté à l'ancien provençal tocasenh (1369), composé du verbe tocar, « frapper, sonner », et de senh, « cloche », issu du latin signum « qui avait pris à basse époque le sens de cloche ».

- clapotis : dérivé de clapoter avec le suffixe -is.

- chaland : de chaloir « avoir de l'intérêt » ; le pain chaland était ainsi nommé, parce qu'il était le pain ordinaire des chalands d'un boulanger.

La dictée de l'invitée

La dictée oulipienne de Clémentine Mélois, artiste plasticienne et écrivaine
La dictée oulipienne de Clémentine Mélois, artiste plasticienne et écrivaine
- © Clémentine Mélois