

Alors que le mouvement « Black lives matter » devient mondial, Spike Lee revient avec un nouveau film, "Da 5 bloods" (disponible sur Neflix), dans lequel il s’attaque aux ravages de la guerre du Vietnam sur la communauté afro-américaine. Nos critiques en débattent.
Lucile Commeaux, productrice adjointe de La Dispute invite deux critiques pour discuter de l'actualité culturelle dans une émission au format poche "faite maison". Au programme : cinéma, spectacle, série, opéra, bande-dessinée, etc... le tout accessible en ligne depuis chez soi. En quinze minutes : un sujet et un débat, pour une Dispute maison.
A notre affiche aujourd’hui :
Un film, Da 5 Bloods, le nouveau long métrage de Spike Lee (une production Netflix sortie le 12 juin dernier sur la plateforme), de quoi patienter un peu en attendant la réouverture des salles de cinéma le 22 juin.
Après BlacKKKlansman, Grand Prix à Cannes en 2019, Spike Lee, qui n’a de cesse depuis ses débuts de mettre en scène dans ses films les tensions raciales qui anime son pays, revient avec Da 5 bloods, un "film de guerre" dans lequel il s’attaque aux ravages de la guerre du Vietnam sur la communauté afro-américaine et plus largement sur sa place dans la société américaine. Un film largement nourri par des flash-back et des images d’archives ( Angela Davis, Martin Luther King, Malcolm X, Mohamed Ali…).
Pour en débattre : Antoine Guillot, producteur de l’émission Plan large et Mathilde Wagman, collaboratrice aux Nuits de France Culture.
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
L’histoire :
Quatre vétérans afro-américains de la guerre du Vietnam retournent sur les lieux du conflit pour y retrouver le corps de leur ancien chef d'unité et un mystérieux coffre empli d’or… Leur amitié, leur sens du commun, de la lutte et de leur propre identité se retrouvent rapidement mis à rude épreuve, à mesure que cette double quête se heurte à de nombreux obstacles… Notons que deux français, Mélanie Thierry et Jean Reno, figurent également au casting de cette production...
Une bonne cause fait-elle un bon film ?
"L'ambition de Spike Lee, c'était de faire une sorte de Space Cowboys au Vietnam. (…) Le destin des Afro américains dans la guerre du Vietnam est un sujet passionnant, assez peu traité en tant que tel dans l'histoire du cinéma américain. C'est évidemment d'autant plus passionnant que le film sort dans le contexte actuel." Mathilde Wagman
« Si on ne fait pas le lien entre ce qui se passe au Vietnam et ce qui se passe ici, on risque d’entrer dans une ère de fascisme décomplexé » Archives Angela Davis – Extrait « Da 5 bloods »
"Le discours d'Angela Davis qui porte la problématique du film - celle de l'escalade de la violence au Vietnam, et en même temps de la problématique du sort réservé aux noirs - est une question complexe et pas du tout aussi simple que le slogan qu'en fait le film." Antoine Guillot
"[Dans la première partie du film], le récit est asservi, il semble n'être là que pour défendre une cause qui, si juste soit elle, s'en trouve, de ce fait, desservie. Si le récit n'est qu'un prétexte de la cause, elle est mal défendue. D'autre part, le récit est raconté d'une manière tellement conventionnelle, qu'il est pénible à suivre. On regrette le Spike Lee d'autrefois ( Do The Right Things) qui, justement, avait séduit par le côté baroque flamboyant, par le refus de la convention narrative... et là, le film se vautre dans la convention." Mathilde Wagman
Subversion ou conservatisme, il faut choisir
"Le problème de ce film, c'est qu'en fait, il a déjà été fait par Spike Lee sur un autre mode, d'une manière plus efficace :
Miracle à Santa Anna (2008). C'est la même histoire, sauf que dans Miracle à Santa Anna, il est question de la Seconde Guerre mondiale. Ce sont à nouveau les soldats noirs américains qui servent de chair à canon dans la pire des batailles.
Un gros souci de ce nouveau film est que Spike Lee essaye de faire deux films en même temps : un film sur les vétérans de la guerre du Vietnam, qu’il tourne sur le modèle de Rambo., et à côté, il y a le film politique avec un message à faire passer sur un thème tout à fait passionnant : comment les Noirs se sont battus pour une cause qui n'était pas la leur." Antoine Guillot
Un film confus sur la confusion qui prouve une fois de plus que les bonnes causes ne font pas forcément les bons films et qu'effectivement, sous une apparence subversive, c’est un film qui, finalement, promeut toutes les valeurs les plus conservatrices de l'Amérique. Antoine Guillot
"J'ai trouvé ce film au fond très conventionnel et de ce fait, extraordinairement ennuyeux. C'est d'autant plus décevant que tout le sel de Spike Lee fut autrefois de faire fi des conventions ou du moins d’en jouer. (…) Un de ses personnages fait référence au fait que Hollywood a toujours représenté la guerre du Vietnam en faisant comme si les Américains avaient gagné, on sent bien que l'ambition était de renverser ça et l'échec est d'autant plus cruel car il a lui-même recours à ce qu'il dénonce." Mathilde Wagman
Film de guerre, film politique ou série Z ?
"Je me suis posé la question de ces espèces de produits cinématographiques qui arrivent directement sur plateforme, de leur adaptation ou non, à la fois au petit écran et à la temporalité d'un visionnage sur petit écran. Là, il y a quand même quelque chose de complètement éparpillé, des séquences qui sont très courtes, d'autres, au contraire, qui sont très longues, assez denses -à mon avis les plus réussies d'un point de vue dramatique. Il n'y a pas une esthétique de la série qui tient au format télévisé qui s'assume." Lucile Commeaux
"Spike Lee s’est donné l'objectif de toucher tout le monde, c’est un peu le souci de ce film". Antoine Guillot
"Il voudrait toucher les gens à qui il s'adresse par le discours politique et en donner aussi pour ceux qui voudraient voir du spectacle, y compris sanguinolent. Il y a plusieurs scènes de combat avec des giclures et des éclaboussures d'hémoglobine numériques où on a l’impression de voir du cinéma séries Z des années 70, le résultat est carrément grand guignolesque. [Par ce changement de registre], il voudrait donner du souffle et du récit, mais à force de vouloir en mettre un peu partout ça ne va pas du tout. (…) Au bout du compte, le film promeut les valeurs familialistes, de la rédemption, etc... c'est un film qui est extrêmement américain dans ce qu'il y a de plus conservateur, de plus puritain dans la pensée américaine, c'est très troublant formellement parlant. Spike Lee aime en mettre beaucoup, un peu n'importe comment. Parfois, ça se passe très bien. Parfois, ça ne passe pas du tout." Antoine Guillot
La lenteur pour le meilleur et pour le pire
"Apocalypse Now est cité et sur-cité, et la comparaison est atroce pour Spike Lee, parce qu'il n'y a nulle part la flamboyance, le lyrisme, le côté opératique de Coppola. Ces 2h35, on les sent passer, d'autant qu'il y a des vrais problèmes de montage. C'est un peu le souci des grands cinéastes à qui on donne carte blanche sur Netflix. Il n’y personne derrière pour leur dire peut être qu’une scène d’un quart d’heure pourrait être raccourcie à cinq minutes et en serait tout aussi efficace." Antoine Guillot.
"La lenteur du récit, c'était aussi une caractéristique de Spike Lee, il y a très longtemps, mais de façon réussie. Par exemple Do the Right Thing était une forme de chronique qui s'étalait comme ça dans la durée de manière un peu étrange, mais de manière savoureuse, puisque les personnages étaient réjouissants parce que les dialogues étaient tout à fait savoureux aussi. Et là, j’ai plutôt l’impression d’un tic de Spike Lee mais sans ce qui fait le sel, donc ça s'effondre. On a l'impression que personne n'a pu visionner le film et dire : attention ! Il faut couper des séquences." Mathilde Wagman.
Quelques bonnes idées...
"Il y a tellement tout et n'importe quoi que parfois, qu'il y a quand même des choses pas mal. (…) Il y a quelque chose d'intéressant et d'assez audacieux dans les flash-back. Une bonne idée, qui va à l'inverse de ce que faisait Scorsese dans The Irishman avec sa technologie numérique du _De-aging (_nouvelle technologie pour rajeunir ou vieillir les acteurs), c'est de faire jouer leurs propres rôles jeunes par des acteurs âgés, qui se retrouvent à réellement jouer ce qui leur est arrivé, avec la lourdeur de leur corps, avec leur incapacité. Ça, c'est potentiellement une très belle idée, mais Spike Lee n’en fait rien." Antoine Guillot
(Dans une scène, un des personnages victime de syndrome post-traumatique est pris d’une crise de panique) ... "à ce moment là, il y a une forme de tension qui se met en branle et qui laisse entendre que tous ces personnages ne jouent presque même pas dans le même film tellement leur identité est problématique et leur groupe est finalement complètement éclaté, aussi sur le plan politique et idéologique. J'ai cru qu'on pouvait trouver une forme de complexité politique dans ce type de forme, mais ça ne dure pas et j’ai l’impression que ça ne s'approfondit jamais." Lucile Commeaux
Whats’ Going On…
Les hommages sont nombreux dans Da 5 Bloods, il y en a un qui est particulièrement appuyé, c’est celui à Marvin Gaye et plus particulièrement à son album What’s Going On sorti en 1971 chez Tamla Motown. Un album, dans lequel il est largement question de la guerre du Vietnam. Un album qui marquera un tournant dans la musique soul.
"La référence à Marvin Gaye est certes lourde, mais on a quand même à un moment le morceau What's Going On avec la seule voix de Marvin Gaye... J'ai été assez subjuguée de l’entendre de cette façon là." Mathilde Wagman
**"**Mother, mother (Mère, Mère,)
There's too many of you crying (Vous êtes trop nombreuses à pleurer)
Brother, brother, brother (Frère, frere, frère)
There's far too many of you dying (Vous êtes bien trop nombreux à mourir)
You know we've got to find a way (Vous savez qu'il faut que nous trouvions une solution)
To bring some lovin' here today – Ya (Pour apporter un peu d'amour ici aujourd'hui
(...)Picket lines and picket signs (Piquets de grève et pancarte de grève)
Don't punish me with brutality (Ne me punissez pas avec brutalité)
Talk to me, so you can see (Parlez moi, et vous pourrez voir)
Oh, what's going on (Ce qu'il se passe)"
- Extrait de "What’s Going On" Marvin Gaye-
- Da 5 bloods de Spike Lee avec Delroy Lindo, Jonathan Majors, Clarke Peters, Norm Lewis, Isiah Whitlock Jr, Mélanie Thierry, Paul Walter Hauser, Jasper Pääköne N, Jean Reno et Chadwick Boseman, à voir sur Netflix
"Culture Maison", un rendez-vous quotidien et une newsletter
Retrouvez chaque jour une proposition culturelle avec Culture Maison, et abonnez-vous à la newsletter pour la recevoir dans votre boite email avec deux autres suggestions : une fiction audio signée France Culture et une émission de savoirs pour votre culture générale.
Pour afficher ce contenu Qualifio, vous devez accepter les cookies Mesure d'audience.
Ces cookies permettent d’obtenir des statistiques d’audience sur nos offres afin d’optimiser son ergonomie, sa navigation et ses contenus.
L'équipe
- Production
- Production déléguée
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique
- Chronique