"Domesticated" de Sébastien Tellier, tentative d’apprivoisement

Lucile Commeaux, productrice adjointe de La Dispute, invite deux critiques pour discuter l'actualité culturelle dans une émission au format poche "faite maison". Au programme : cinéma, spectacle, série, opéra, bande-dessinée, etc... le tout accessible en ligne depuis chez soi. En quinze minutes : un sujet et un débat, pour une Dispute maison.

Aujourd'hui à notre sommaire, Domesticated, le nouvel album de Sébastien Tellier paru sur Record Makers. Pour en débattre : Romain de Becdelièvre, producteur adjoint de l'émission Par les temps qui courent, et Antoine Lachand, responsable numérique adjoint à France Culture.

Six années se sont écoulées depuis le dernier album de Tellier, dont c'est le neuvième opus. Découvert à l'aube des années 2000, son premier album (L'Incroyable Vérité) fait figure d'album "anti French touch" à l'époque. Depuis, Sébastien Tellier navigue habilement en territoire pop, cumulant les contributions internationales et prestigieuses.

Sur Domesticated, il explore la notion de domestication et signe un album-concept où l'auto-tune est souverain. Et l'authenticité sauve ?

Auto-ironie auto-tunée

Romain de Becdelièvre "Une des caractéristiques de Tellier, ce serait la question de l'humour et de la dérision assez réussis dans le morceau Domestic Tasks, qui crée un parallèle entre la machine avec laquelle il compose la musique et les appareils électroménagers. […] Dans ce disque, il est beaucoup question pour lui de travailler la voix. Je trouve que son utilisation de l'auto-tune n’est pas franche. […] Depuis son album L’Aventura (2014), il y a eu l'explosion rap et Tellier a justement fait appel au mixeur de PNL, Nicolas Chataing. Mais dans son utilisation de l'auto-tune, on a l’impression qu’il est du côté de la dérision. Comme si, pour lui, l'auto-tune était toujours une espèce de blague, comme s’il n'avait pas pris le virage de la variété d'expressions et de sentiments qu'on peut exprimer avec."

Antoine Lachand "Il y a toujours, chez Tellier, une forme d'auto-ironie qui fait que l’on adhère, ou pas du tout, à sa musique. Et dans ce disque, à mon avis, c'est criant : ça vous emporte ou ça vous rejette. […] Tellier depuis le début est dans l’ironie, dans les textes et dans les références. On est dans quelque chose de très contemporain qui, manquant peut-être d'objet, ne cesse de refaire des puzzles avec toute une matière qui est déjà élaborée. Il y a des clins d'œil évidents à la musique des années 80, Michael Jackson, à la French touch aussi ; il y a des morceaux qu'on dirait vraiment hérités de Moon Safari de Air. On est dans une espèce d'auto-référencement permanent qui n'est pas désagréable. C'est une partition que j'aime plutôt. Mais est-ce qu’elle est marquante, je n’en suis pas certain."

D’une émotion domestiquée

Romain de Becdelièvre "Tellier crée une espèce de figure de la pop qui se serait vidée de son contenu. Aujourd’hui, on utilise beaucoup les machines, notamment dans le milieu du hip-hop. Je pense par exemple à Jul, qui sort son vingtième album fin juin et qui enregistre lui aussi tout seul à la maison. On aime ou on n'aime pas, mais il obtient quelque chose d'une forme d'authenticité et d'émotion qui dépose un peu Sébastien Tellier sur place."

Antoine Lachand "Je me demande si Tellier, au début de sa carrière et avec d'autres disques comme Sexuality auquel celui-là fait beaucoup écho, ne marquait pas un peu plus les esprits, n'était pas un peu plus sincère, un peu plus émouvant. Dans L’amour et la violence - un morceau de lui que l’on cite beaucoup, il y a quand même un texte, quelque chose qui laisse transparaître une émotion. Ce nouvel album, Domesticated, je l’écoute sans regrets en m'imaginant conduisant une décapotable, mais ça ne va pas tellement plus loin que ça."

• Domesticated de Sébastien Tellier a paru sur le label Record Makers.

Egalement disponible

• No Home Record de Kim Gordon (Matador), "une très belle écriture, punk, énergique". Arnaud Laporte, Philippe Azoury, Mathilde Serrell et Joseph Ghosn en débattaient dans La Dispute du 29 octobre 2019 :

• Leaving Meaning des Swans (Young God / Mute), "une musique pleine de lumière, avec un vrai devenir blues". Arnaud Laporte, Pascaline Potdevin, Christophe Conte et Olivier Lamm en débattaient dans La Dispute du 12 novembre 2019 : 

"Culture Maison", un rendez-vous quotidien et une newsletter

Retrouvez chaque jour une proposition culturelle avec Culture Maison, et abonnez-vous à la newsletter pour la recevoir dans votre boite email avec deux autres suggestions : une fiction audio signée France Culture et une émission de savoirs pour votre culture générale.