"Pichet Klunchun & myself" de Jérôme Bel, un manifeste pour la danse à voir en ligne

Pitchet Klunchun & myself de Jérôme Bel
Pitchet Klunchun & myself de Jérôme Bel - Association R.B.
Pitchet Klunchun & myself de Jérôme Bel - Association R.B.
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Lucile Commeaux productrice déléguée de "La Dispute", Manou Farine et Aude Lavigne respectivement productrices des émissions la "Compagnie des poètes" et les "Carnets de la création" sur France Culture débattent de "Pichet Klunchun & myself", un spectacle "politique et poétique" de Jérôme Bel à voir en ligne sur le site du théâtre Nanterre-Amandiers.

Lucile Commeaux, productrice délégué de La Dispute invite deux critiques pour discuter de l'actualité culturelle dans une émission au format poche "faite maison". Au programme : cinéma, spectacle, série, opéra, bande-dessinée, etc... le tout accessible en ligne depuis chez soi. En 15 minutes : un sujet et un débat pour une "Dispute maison".   

A l'affiche : "Pichet Klunchun & myself" de Jérôme Bel 

Pichet Klunchun and myself, un spectacle créé par Jérôme Bel en 2005 à Bangkok. Sur un plateau nu Jérôme Bel, figure incontournable de la danse conceptuelle, fait face à Pichet Klunchun, danseur de Khon, une danse masquée traditionnelle et virtuose de Thaïlande.

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Pendant un peu plus d’une heure et demie le chorégraphe et le danseur dialoguent à propos de danse, d’art et de culture, selon un dispositif simple : pendant la première moitié c’est Jérôme Bel qui pose les questions, et pendant la seconde, c’est Pichet Klunchun. Ces questions réponses donnent lieu à l’esquisse de quelques mouvements de danse, danse traditionnelle thaï d’un côté, danse contemporaine occidentale de l’autre.

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Deux cultures, deux danses qui se superposent pour mieux se dévoiler...

Aude Lavigne. Dans ce spectacle, Jérôme Bel fait un peu la liste de toutes les questions qui travaillent la danse. Progressivement, on se rend compte que c'est très futé. Avec un procédé dramaturgique très simple, il appose deux images, comme un jeu des sept erreurs pour stimuler notre observation. D'un côté la Thaïlande, le Khon, cette danse traditionnelle, de l'autre côté, l'Occident avec l'histoire de la danse qu'elle représente. Progressivement en badinant, Jérôme Bel joue des clichés pour les démonter. Ce ton un peu badin du touriste qui débarque en Thaïlande et qui s'étonne qu'on puisse encore danser avec des masques m’a un peu irrité au début.

A.L__. Un des aspects très intéressants de ce spectacle c’est qu’il est aussi question de globalisation, d'un art perverti au nom du consumérisme touristique. C'est ce que nous explique clairement Pichet Klunchun.

Jérôme Bel et Pitchet Klunchun
Jérôme Bel et Pitchet Klunchun
- Association R.B.

Lucile Commeaux. C'est un spectacle qui m'a beaucoup plus intéressée dans la seconde partie, la partie où c'est à l'occidental de s'expliquer, ce qui en soi me pose problème. Je ne sais pas ce qui a conduit mon intérêt vers cette seconde partie et beaucoup moins vers la première (qui m'a un peu agacée). Ce regard de candide, ce regard étranger qu’il met en place, très rhétorique, est un peu autocentré, ramène à soi en permanence. Par la suite, je trouve que le rapport de force qui s'instaure entre les deux se complexifie. Et c'est là qu’on peut y voir un côté "petit" malin.

Un spectacle faussement naïf…   

Manou Farine. Ce qui est intéressant (dans la première partie) c'est que nous, public, nous sommes d'une certaine façon Jérôme Bel sur scène. Il se fait notre relais, les questions qu’il pose sont les questions que nous nous posons. Des questions très directes, très simples, très littérales. On suit, on apprend progressivement, comme Jérôme Bel, avec les réponses très simples elles aussi, quelques petites phrases de danse, quelques phrases de pantomime, ce qui fait le Khon.   

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MF. Pichet Klunchun lui est là pour être l'autre, pour être l'inconnue, pour être l'altérité. Bien plus que ne le sera Jérôme Bel, (dans la seconde partie).    

Ce spectacle ressemble à une sorte de laboratoire ou précipité de Jérôme Bel, C'est très juste, très doux, très drôle, très politique. Manou Farine

Un spectacle peut en cacher un autre...    

Aude Lavigne. Ce qui est absolument malin, astucieux, nouveau et intéressant dans ce spectacle, c'est que Jérôme Bel nous dise : "je vais faire une performance sans représentation" et qu’il nous trompe, car ce qu'il dit de son art, n'est pas forcément ce que l'on voit. Etre sur scène c’est être en représentation.   

Manou Farine. Il faut rappeler que la pièce date de 2004/2005, à ce moment-là, Jérôme Bel s'est déjà fait un nom sur la scène de la danse contemporaine avec 6/7 pièces très radicales. Ce sont ces spectacles qui l'ont un peu jeté en tête de gondole de ce qu'on a appelé la danse conceptuelle. En 2005 c'est peut être le moment pour Jérôme Bel de s'expliquer. D’expliquer ce qu'il fait et pourquoi. Au milieu des années 90, il en a fini avec le mouvement.  Cette question de la transmission, de l'imitation : Comment on montre ? Comment on apprend ? Comment on transmet ? Qu'est ce qui fait spectacle ? Qu'est ce qui fait représentation ? Ces questions, qui taraudent Jérôme Bel depuis ce moment là et jusqu’à aujourd’hui. A cette époque, Pichet Klunchun lui sert un peu d’alibi pour servir sur un plateau sa justification de son propre travail.   

Je suis considéré comme un chorégraphe, mais je n’en suis pas un vrai. Un vrai chorégraphe est censé créer des danses, des chorégraphies, des mouvements. Je ne suis pas très bon pour ça. En fait, je ne suis pas bon du tout. Jérôme Bel - (Extrait de Pichet Klunchun & Myself)

MF. Ce qui est intéressant, c'est le générique de début où on voit que Jérôme Bel se présente comme un concepteur (et non un chorégraphe). Il dit mon travail, c'est de penser à ce qui se passe dans un théâtre, et c'est bien de cela dont-il est question tout au long du spectacle, une fois qu'on a mis bout à bout les deux ensembles (Pichet Klunchun et Jérôme Bel). Et c'est un spectacle de Jérôme Bel que l’on voit, pas un spectacle de Pichet Klunchun et Jérôme Bel. C'est la fusion de ces deux-là, de ces deux parties là, qui répond à cette question : penser à ce qui se passe dans un théâtre.

Un manifeste poétique pour la défense de la danse 

AL. Je crois que l'énervement que Jérôme Bel souhaite provoquer chez nous au début avec ces questions naïves est totalement volontaire, et c'est pour nous titiller sur cette incompréhension, cette méconnaissance que, de manière générale, à peu près tout le monde a de la danse. En effet, la danse est peut être un des arts les moins connu de tous, mais la grande force de ce spectacle c'est que malgré tous ces mots, malgré ces bribes de gestes, on voit progressivement le récit de cette pièce, une épopée de gestes. Grâce à ces mots on voit des corps, on voit des batailles, on voit des larmes qui tombent et on voit et on ressent la mort. Et comme le montre Jérôme Bel qu'elle soit dansée traditionnellement ou dansée de manière plus radicale, on voit juste un corps qui tombe, celui du danseur. Et c'est ça ! la grande force à mon sens. C'est cet aspect crépusculaire, c'est ce qu'ils font l'un et l'autre : nous montrer que l'art sublime les sentiments, l'art est là, l'art est en danger et l'art se meurt. C'est un manifeste très poétique pour la défense de la danse.

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Dans ce spectacle, l’actrice nue joue, soliloque et dialogue avec un cheval auquel elle se livre sans candeur et sans impudeur. HATE ou l’improbable mais possible invention d’un amour fou entre la femme et le cheval.   

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Les critiques de La Dispute en débattaient le 25 juin 2018. Extraits : « Je suis sorti de cette pièce bouleversé. La scénographie est simple mais vraiment réussi. Mais c’est aussi très drôle en dehors du chaos du monde que cela nous montre » Jean-Christophe Brianchon

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