Arts plastiques : Basquiat, "il n'est jamais meilleur que quand il est sobre"

de haut en bas : "Basquiat" (© Estate of Jean-Michel Basquiat. Licensed by Artestar. New York. © Marc Domage), "Persona Grata" ( Enrique Ramirez, "La Casa", ©Adagp, Paris, 2018) et © Joel Meyerowitz.
de haut en bas : "Basquiat" (© Estate of Jean-Michel Basquiat. Licensed by Artestar. New York. © Marc Domage), "Persona Grata" ( Enrique Ramirez, "La Casa", ©Adagp, Paris, 2018) et © Joel Meyerowitz.
de haut en bas : "Basquiat" (© Estate of Jean-Michel Basquiat. Licensed by Artestar. New York. © Marc Domage), "Persona Grata" ( Enrique Ramirez, "La Casa", ©Adagp, Paris, 2018) et © Joel Meyerowitz.
de haut en bas : "Basquiat" (© Estate of Jean-Michel Basquiat. Licensed by Artestar. New York. © Marc Domage), "Persona Grata" ( Enrique Ramirez, "La Casa", ©Adagp, Paris, 2018) et © Joel Meyerowitz.
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Au sommaire de cette Dispute arts plastiques : "Jean-Michel Basquiat" à la Fondation Louis Vuitton, "Persona Grata" au MAC VAL et au Musée de l'histoire de l'immigration. Il sera également question de "Joel Meyerowitz" à Polka Galerie et du livre "Paris", qui fait l'objet d'un coup de cœur.

Avec
  • Yasmine Youssi Journaliste à Télérama
  • Florian Gaité Docteur en philosophie, enseignant à l'Ecole supérieure d'art d'Aix-en-Provence
  • Anaël Pigeat Editor-at-large du mensuel The Art Newspaper édition française, critique d’art et journaliste à Paris Match, productrice de documentaires sur France-Culture, ancienne critique à La Dispute sur France Culture

"Basquiat", jusqu'au 14 janvier à la Fondation Louis Vuitton

Jean-Michel Basquiat. Untitled, 1982. Acrylique et crayon gras sur panneaux. 182,8 x 244 cm. (Collection particulière © Estate of Jean-Michel Basquiat. Licensed by Artestar, New York.)
Jean-Michel Basquiat. Untitled, 1982. Acrylique et crayon gras sur panneaux. 182,8 x 244 cm. (Collection particulière © Estate of Jean-Michel Basquiat. Licensed by Artestar, New York.)

Commissariat général : Suzanne Pagé

Présentation officielle : L’œuvre de Jean-Michel Basquiat, l’un des peintres les plus marquants du XXe siècle, se déploie dans quatre niveaux du bâtiment de Frank Gehry.

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L’exposition parcourt, de 1980 à 1988, l’ensemble de la carrière du peintre en se concentrant sur plus de 120 œuvres décisives. À l’image des _Heads  _de 1981-1982, pour la première fois réunies ici, ou de la présentation de plusieurs collaborations entre Basquiat et Warhol, l’exposition compte des ensembles inédits en Europe, des travaux essentiels tels que Obnoxious Liberals (1982),  In Italian (1983) ou encore Riding with Death (1988), et des toiles rarement vues depuis leurs premières présentations du vivant de l’artiste, telles que  Offensive Orange  (1982), Untitled (Boxer)  (1982), et Untitled (Yellow Tar and Feathers)  (1982).

Dès la sortie de l’enfance, Jean-Michel Basquiat quitte l’école et fait de la rue de New York son premier atelier. Rapidement, sa peinture connaîtra un succès à la fois voulu et subi. L’exposition affirme sa dimension d’artiste majeur ayant radicalement renouvelé la pratique du dessin et le concept d’art. Sa pratique du copier-coller a frayé la voie à la fusion des disciplines et des idées les plus diverses. Il a créé de nouveaux espaces de réflexion et anticipé, ce faisant, notre société Internet et post-Internet et nos formes actuelles de communication et de pensée. L’acuité de son regard, sa fréquentation des musées, la lecture de nombreux ouvrages lui ont donné une réelle culture. Mais son regard est orienté :  l’absence des artistes noirs apparaît avec une douloureuse évidence ; l’artiste s’impose alors de faire exister, à parité, les cultures et les révoltes africaines et afro-américaines dans son œuvre.

L'avis des critiques :

C’est une exposition qui investit tous les lieux de la Fondation Louis Vuitton… et c’est grand ! Elle est à l'image de ce qu’on attend, ou de ce qu’on suppose de Jean-Michel Basquiat. Elle remet sur le tapis la récupération par le marché de l’art de son travail personnel. Il veut être à la fois anonyme et célèbre, ce qui donne quelque chose de cacophonique qui n’enlève rien à la puissance de l’œuvre. Florian Gaité

Cette exposition a quelque chose de superbe, mais manque d’une sécheresse dont on peut avoir envie pour évoquer une œuvre aussi brûlante que celle de Basquiat. On a une accumulation d’œuvres, parfois excessive. On voit toute l’ampleur de sa création, les toiles, les châssis bricolés qui sont presque des sculptures, ses collages de listes de mots. C’est un artiste qui est proche de l’art conceptuel et pour qui le langage a une grande importance. Anaël Pigeat

Ce qui était le plus important pour Basquiat, c’était d’être célèbre. Pour cela il était prêt à tout et notamment à donner aux marchands ce qu’ils attendaient de lui. C’est une exposition assez exceptionnelle. Tout le travail qu’il fait lui permet de célébrer les grandes figures de la culture noire. C’est une œuvre très autobiographique dans laquelle tout est dit. Yasmine Youssi

J’ai peiné dès la moitié de l'exposition, ce sont des œuvres assez éprouvantes. Je trouve que la question de l’ambiguïté sur l’ambition et le désir de répondre à la commande se voit davantage sur les toiles simples à vendre. Tout ce qui est de l'ordre des assemblages, presque totémique, me paraît avoir beaucoup plus de force et de puissance. Il n'est jamais meilleur que quand il est sobre. Arnaud Laporte

"Persona Grata", jusqu'au 20 janvier au Musée d’art contemporain du Val-de-Marne et au Musée national de l'histoire de l'immigration

Bruno Serralongue, « Détail d’un abri dans le ‘bidonville d’Etat’ pour migrants à Calais, jeudi 16 avril 2015 » 2015, photographie. (© Courtesy de l’artiste et de Air de Paris)
Bruno Serralongue, « Détail d’un abri dans le ‘bidonville d’Etat’ pour migrants à Calais, jeudi 16 avril 2015 » 2015, photographie. (© Courtesy de l’artiste et de Air de Paris)

Commissariat : Anne-Laure Flacelière et Isabelle Renard

Présentation officielle : Comment les artistes d’aujourd’hui évoquent-ils l’exil et l’hospitalité ?

À l’heure où les débats sur la crise et l’accueil des migrants sont particulièrement présents et brûlants, il a semblé important de ré-interroger le sens de l’hospitalité dans nos sociétés en s'appuyant sur les travaux de Fabienne Brugère et Guillaume le Blanc. Partant des analyses des deux philosophes, la notion d'hospitalité sera abordée à travers la création contemporaine. Loin du documentaire et de la photographie de reportage, photos, vidéos, peintures, installations et sculptures invitent le visiteur « à passer d’une posture de regard à une réflexion sur l’exil, l’hospitalité et le rejet » (Isabelle Renard).

Les œuvres proviennent en majorité des collections des deux musées partenaires. Sur ce sujet d’une actualité brûlante, les regards sont variés, du drapeau tricolore dont la peinture ne sèche jamais ("Untitled (fresh monochrome/black/grey/red"), du collectif Claire Fontaine, au travail documentaire de Bruno Serralongue sur Calais.

L'avis des critiques :

C’est une double exposition, une rencontre entre deux lieux de nature un peu différente. Le dialogue entre regard sur l’art et regard sur les civilisations me semble être assez en accord avec l’état de l’art et l’état des civilisations aujourd’hui. Le Musée de l’histoire l’immigration devient un musée de l’art en mouvement, comme un musée des migrations. Anaël Pigeat

C’est un véritable coup de cœur que j’ai eu pour cette exposition. Elle a un humanisme cheville au corps. C’est un thème qu’on explore à un moment où l’on ne peut pas franchement parler d’hospitalité européenne. Il n’y a jamais de mièvrerie. Ce sont deux expositions complémentaires, mais avec chacune leur identité. Il y a des œuvres à la fois politiques, intimes, documentaires, universelles. Yasmine Youssi

Je trouve qu'on est très cloisonné dans le Musée de l'histoire l'immigration, alors qu'il y a dans le MAC VAL une vraie circulation. Au Musée de l'immigration, on est dans une exposition un peu "manifeste", avec une forme de plaidoyer pour une hospitalité inconditionnelle. J’ai trouvé cela un peu prescriptif et ne peut passer sous silence un côté un peu opportuniste. Florian Gaité

"Inside | Outside" de Joel Meyerowitz, jusqu'au 12 janvier à Polka Galerie

New York City, 1980. (© Joel Meyerowitz / Courtesy Polka Galerie)
New York City, 1980. (© Joel Meyerowitz / Courtesy Polka Galerie)

Présentation officielle : Joel Meyerowitz est né à New York, dans le Bronx, en 1938. Photographe de rue dans la lignée d’Henri Cartier-Bresson et Robert Frank, il est l’un des premiers, avec Stephen Shore et William Eggleston à privilégier la pellicule couleur à l’époque du tout noir & blanc. 

Son premier livre, « Cape Light », publié en 1978, est devenu un classique de la photographie couleur et a été vendu à plus de 150.000 exemplaires. Quelques années plus tard, avec « Wild Flowers » (1983), il replonge avec humour dans la ville et ses rituels, aux Etats-Unis, au Mexique, en France, en Espagne et au Maroc, à travers l’exploration de la nature urbaine et de quelques-uns de ses jardins sauvages.  Et en 1994, il est le co-auteur de Bystander: A History of Street Photography, un  livre devenu aujourd'hui une référence dans la street photographie.  

Dès le début des années quatre vingt dix, le photographe américain va dépasser la photographie de rue pour se tourner le portrait (« Redheads », 1991) le paysage (« Tuscany : Inside the Light », 2003) et l’étude des harmonies chromatiques au profit d’une œuvre plus contemplative. Plus récemment, il a passé trois ans à capturer les derniers espaces naturels de la ville de New York. Une sélection d’images issues de ce travail a été exposée au Musée de la Ville de New York (2009-10) et a été publiée dans « Legacy: The Preservation of Wilderness in New York City Parks » (Aperture, 2009).
L’artiste a été le seul photographe à pouvoir accéder aux ruines du World Trade Center juste après le 11 septembre 2001. Les images capturées à cette occasion sont une archive inestimable et une témoignage sans égal de l’histoire de Ground Zero. Elles ont été exposées dans plus de 200 villes et 60 pays.  

Depuis le début de sa carrière, Joel Meyerowitz a publié plus d’une douzaine de livres et une rétrospective de son œuvre, « Taking my time » a été éditée par les éditions Phaidon en 2010. Il a par ailleurs produit et dirigé son premier film en 1998, Pop : le journal de son road-trip de trois semaines avec son fils, Sasha, et son père vieillissant, Hy. (...) Les œuvres de Meyerowitz sont visibles dans de nombreuses collections publiques, notamment au sein du Musée d’Art Moderne, du Metropolitan et du Whitney Museum of American Art de New York. 

L'avis des critiques :

On a un coup de foudre. Meyerowitz est connu comme un photographe de rue. Il est parmi les premiers à avoir utilisé la couleur qui à cette époque est un peu méprisée, comme trop commerciale. Il n'y a aucun exotisme dans ces couleurs, quelque chose d'une humanité profonde. Anaël Pigeat

Je suis extrêmement reconnaissante à cette exposition de m’avoir réconciliée avec Joel Meyerowitz. Ils sont trois photographes à avoir réellement commencé à travailler avec la couleur en lui donnant de l’importance. Ici, à travers les photos retenues, je me suis rendue compte de l’importance du travail de Meyerowitz. On saisit d’emblée la révolution de la couleur à ce moment-là. Yasmine Youssi

Je découvre l’ampleur de l’œuvre de Meyerowitz sur laquelle je n’avais pas de vue d’ensemble. L’exposition et le livre retracent cette diversité. C’est quelqu’un qui est très sincère dans son projet et va faire une photo de circonstance en accord avec sa vie. On a l’impression qu’il a vécu dix vies et on est avec lui. Florian Gaité

LE COUP DE CŒUR DE YASMINE YOUSSI : "Paris" de Bernard Plossu (Marval)

"Paris" de Bernard Plossu (Marval)
"Paris" de Bernard Plossu (Marval)

Présentation officielle : Le photographe réunit la totalité de ses photographies parisiennes, dont la première fut prise en 1954. Des centaines d'images racontent Paris et son évolution depuis les années 1950.

On connait surtout Plossu pour ses voyages à l’étranger, au Mexique notamment. Ici il redécouvre Paris à chaque fois, s’y replonge sans exotisme, extravagance ou nostalgie. Il ne documente pas Paris, il parle de lui. Il créé une connivence immédiate en photographiant un Paris qui nous est familier. Yasmine Youssi

Vos commentaires :

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Générique de l'émission : Sylvie Fleury & Sidney Stucki, "She devils on wheels", extrait de l'album "Sound Collaborations 1996-2008" (label Villa Magica Records)

Extraits sonores :

  • Gray, "Eight hour religion"
  • Shu Aiello et Catherine Catella, "Un paese di Calabria"  (2016)
  • Edith Piaf, "Le métro de Paris"
  • Moondog, "Conversation and music at 51st st. & 6th avenue" & Joel Meyerowitz dans “The Genius of photography”, 4/6 Paper movies en 2006 sur la BBC

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