Arts Plastiques : "Lars Fredrikson", "Variations - Les Décors lumineux d'Eugène Frey", Le journal de La Dispute : l'art en grève

Exposition Lars Fredrikson au MAMAC de Nice / Eugène Frey, Etude pour les Décors lumineux de Moïse / Manifestations devant le Louvre
Exposition Lars Fredrikson au MAMAC de Nice / Eugène Frey, Etude pour les Décors lumineux de Moïse / Manifestations devant le Louvre  - Lars Fredrikson, Eugène Frey, Lola Schidler
Exposition Lars Fredrikson au MAMAC de Nice / Eugène Frey, Etude pour les Décors lumineux de Moïse / Manifestations devant le Louvre - Lars Fredrikson, Eugène Frey, Lola Schidler
Exposition Lars Fredrikson au MAMAC de Nice / Eugène Frey, Etude pour les Décors lumineux de Moïse / Manifestations devant le Louvre - Lars Fredrikson, Eugène Frey, Lola Schidler
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Au sommaire de cette Dispute Arts Plastiques : "Lars Fredrikson" au MAMAC de Nice, "Variations - Les Décors lumineux d'Eugène Frey" au Nouveau Musée National de Monaco, un journal sur l'art en grève, le coup de ♥ de Frédéric Bonnet pour "Sol Calero" à la Villa Arson à Nice

Avec
  • Frédéric Bonnet Journaliste au Journal des Arts
  • Sarah Ihler-Meyer Critique d'art et commissaire d'exposition
  • Anaël Pigeat Editor-at-large du mensuel The Art Newspaper édition française, critique d’art et journaliste à Paris Match, productrice de documentaires sur France-Culture, ancienne critique à La Dispute sur France Culture

Lars Fredrikson, rétrospective d'un bricoleur de haut vol au MAMAC de Nice

Salle Espaces virtuels, Lars Fredrikson, MAMAC de Nice
Salle Espaces virtuels, Lars Fredrikson, MAMAC de Nice

Présentation : Le MAMAC conçoit, en collaboration avec le Nouveau Musée National de Monaco, la première grande rétrospective de Lars Fredrikson. Le travail de cet artiste pionnier, disparu quasi-anonymement en 1997, jouit depuis quelques années d’une redécouverte et d’une relecture.

D'origine suédoise, Lars Fredrikson s'installe dans le sud de la France en 1960. Artiste inventeur, chercheur inlassable et bricoleur de haut vol, il est passionné tout autant par l’univers sensible de la poésie que par les expérimentations plastiques ; fasciné tant par la philosophie extrême orientale que par les possibles offerts par les technologies de son temps. S’entremêlent et se succèdent ainsi au fil des années, une pratique artistique de facture classique - en témoigne l’abstraction gestuelle de ses aquarelles qui le rattache à un courant formaliste - et des expérimentations techniques sur téléviseur, fax, produisant des lignes serpentines d’une épure égale. 

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Ses recherches sont pleinement ancrées dans l'esprit de son temps : à l’instar de Nam June Paik, Fredrikson va très tôt travailler avec les potentialités de la télévision et les détourner dans son œuvre plastique, tandis que ses recherches sur les structures de l’invisible et l’aléatoire frappent par leur proximité avec la démarche de John Cage.

L'avis des critiques

« Tout au long de sa carrière, c'est comme si Fredrikson avait cherché à capter sur des surfaces et des espaces limités, un espace vibratoire qui lui, est illimité et qui les dépasse. Ces phénomènes vibratoires et ondulatoires sont impalpables et pourtant ils constituent la réalité dans laquelle on baigne et je trouve que l'on en fait particulièrement bien l'expérience dans cette exposition. » Sarah Ihler-Meyer

« Ce que je trouve très touchant chez ce personnage, c'est qu'il a en quelque sorte, organisé son retrait du monde. Il a peu exposé, une dizaine d'expositions de son vivant ont été organisées. C'est quelqu'un qui a été en rupture complète avec le marché de l'art des années 1980; mais tout en étant en retrait du monde, il a toujours été dans une extrême proximité avec tout ce qui a été le plus à la pointe de la création qu'il a pu fréquenter. » Anaël Pigeat  

« C'est un pirate qui s'empare de toutes les techniques que l'époque peut lui mettre entre les mains, sans pour autant perdre de vue la recherche plastique et tout en gardant une certaine idée d'épure et de simplicité. Toutefois, quand on décide de toucher un petit peu à tout, il est difficile d'imprimer une trajectoire, en particulier de son vivant. » Frédéric Bonnet

« Dans ses peintures, on voit qu'il a un attrait et un goût pour l'Orient, le Japon, le dénuement, le vide. Il y a quelque chose de l'ordre de l'attitude zen, mais avec une volonté d'être toujours à l'affût de ce qui va se produire. » Arnaud Laporte

"Variations - Les Décors lumineux d'Eugène Frey", João Maria Gusmão nous illumine de plein fouet

João Maria Gusmão et Pedro Paiva, Green Orange (2018) et Sunset 2017
João Maria Gusmão et Pedro Paiva, Green Orange (2018) et Sunset 2017
- Achim Kukulies

Présentation : Artiste oublié de l’histoire de l’art et de la scène, le peintre Eugène Frey (Bruxelles 1864 - Courbevoie 1942) inventa en 1900 la  technique des « Décors lumineux à transformations  » - un système complexe de projections lumineuses combinant techniques picturale,    photographique et cinématographique, qui permettait de conférer aux décors de scène de multiples variations de couleurs, de lumières et de formes mais aussi d’y intégrer des images en mouvement. Il développa ce procédé unique sur la scène de l’Opéra de Monte-Carlo, entre 1904 et 1938. Dans la volonté de redécouvrir l’œuvre prolifique d’Eugène Frey, le Nouveau Musée National de Monaco a invité l’artiste João Maria Gusmão (Lisbonne 1979) à réinterpréter la technique des Décors lumineux.

Plus d'informations : " Variations - Les Décors lumineux d'Eugène Frey présentés par João Maria Gusmão" // jusqu'au 20 mai au Nouveau Musée National de Monaco

L'avis des critiques

« C'est un chantier de découverte totale. Il y a eu pour cette exposition tout un travail d'identification, avec des documents considérables; ça lui donne un caractère assez technique qui est tout à fait passionnant. Il y a presque un côté physique amusant : on rentre vraiment dans le processus de fabrication d'Eugène Frey, c'est-à-dire dans son mélange de photographies, de peintures, de collages, de rails, de moteurs. » Anaël Pigeat

« Joao Maria Gusmao est invité à créer des dispositifs qui rejouent les principes des décors lumineux d'Eugène Frey, qui vivent ainsi par procuration. Néanmoins, l'artiste portugais n'en partage pas totalement l'esthétique, ni l'ampleur et de ce point de vue là je reste sur ma faim. Ce n'est pas un défaut, ça montre au contraire le plaisir que l'on peut avoir à découvrir une esthétique à laquelle nous sommes peu habitué. » Sarah Ihler-Meyer

« Ce qui m'a beaucoup intéressé dans la dichotomie temporelle de cette exposition, c'est que Joao Maria Gusmao a évité de se calquer sur Eugène Frey. Il s'est tout de suite distancé de l'iconographie symboliste et romantique d'Eugène Frey pour réactiver des principes techniques et une mise en relation visuelle. J'aime bien certaines œuvres créées pour l'occasion, elles viennent toutes s'interroger sur la représentation, sur la perception du monde et sonder les mécanismes de l'oeil et de l'esprit avec des procédés différents. » Frédéric Bonnet  

« J'aime assez l'idée qu'on ne puisse pas avoir ces décors lumineux, que la machine ait été perdue. On a tous les éléments, de simples travaux préparatoires jusqu'aux plaques de verre délicatement peintes, comme celles des Walkyries, et finalement, ces décors de cinéma, on se les fait nous-mêmes. » Arnaud Laporte

Le Journal de La Dispute par Lucile Commeaux : l'art en grève

Manifestations contre la réforme des retraites devant le musée du Louvre à Paris, le 17 janvier 2020
Manifestations contre la réforme des retraites devant le musée du Louvre à Paris, le 17 janvier 2020
- Lola Schidler

« On a vu fleurir à l'orée du grand mouvement de contestation sociale dans les manifestations et dans plusieurs rassemblements devant les institutions culturelles de la France entière, ce syntagme tout simple : ART EN GRÉVE. L'appel a été lancé début décembre et rassemble des artistes de toutes disciplines, des collectifs ou des personnes. Il s'appuie sur un court texte mobilisateur, en voici un extrait. 

Nous avons les mêmes intérêts que l'ensemble des travailleurs et travailleuses qui, dans les différents secteurs de la société, vont se mobiliser pour défendre des droits remis en cause au nom d'une idéologie qui confond intentionnellement libéralisme économique et liberté individuelle. Pour des raisons historiques, les artistes sont hélas à l'avant-garde de l'absence de protection sociale et, au nom de leur passion ou de leur engagement, voient ainsi la plupart de leurs activités être non reconnues comme du travail. C'est pourquoi notre lutte pour faire reconnaître nos activités comme productrices de valeur économique peut être profitable à toutes et tous. Cela permettrait également de combattre cette idéologie qui assimile l'absence de protection sociale aux notions de "liberté", de "créativité" ou d'"autonomie". 

En France, les artistes plasticiens vivent mal, ils naviguent entre des statuts instables - quand ils en ont. Ils sont rarement intermittents, parfois auteurs, payés rarement à la tâche, forcés de cumuler plusieurs emplois, et en permanence à la recherche de lieux pour créer. 

Alors que le grand mouvement de contestation de la réforme des retraites cherche de nouvelles formes, il me semble que ce que révèle cette organisation est enthousiasmant, et que la fameuse convergence est possible, entre des statuts et des précarités aussi différentes que celles d'un jeune artiste plasticien sortant d'une école et un vieil auteur de bande dessinée qui cumule les emplois alimentaires. »

« L'action d'art en grève me paraît essentielle car elle permet aux acteurs du milieu de l'art et de la culture de se joindre à une contestation générale actuelle. La culture est une source de valeur économique en France, puisqu'elle représente 2,2% du PIB, et néanmoins, la plupart des artistes sont les plus précaires au sein de cette zone alors qu'ils en sont le cœur. » Sarah Ihler-Meyer

« La question qui est posée est celle du travail. Qu'est-ce que le travail aujourd'hui ? Qui a du travail ? Les problématiques vont au delà des artistes car la culture et la création, ça englobe aussi les écrivains, les auteurs, les critiques, les illustrateurs. C'est un système généralisé qui craque de partout : les artistes et les professionnels de la culture sont depuis toujours des précaires, et ils rejoignent aujourd'hui de manière très logique un mouvement de contestation d'une précarisation généralisée. » Frédéric Bonnet  

« L'idée que les artistes ont la chance de vivre de leur passion et donc d'amour et d'eau fraîche est une idée très vieille qui continue malheureusement d'exister et de planer sur tout ça. Des annonces hier ont été faites par le Ministre de la Culture Franck Riester. Figure au premier rang de ces annonces la question du droit d'exposition qui est essentielle pour les artistes, ainsi que la question du lissage de leurs revenus. » Anaël Pigeat

♥ Le coup de cœur ♥ de Frédéric Bonnet pour "Sol Calero" à la Villa Arson à Nice

Présentation : A partir de son héritage sud-Américain (Vénézuela), Sol Calero – née en 1982, elle vit et travaille à Berlin – construit des œuvres qui mêlent peinture et sculpture formant un syncrétisme issu de sa propre migration.
La singularité de son travail est aussi de s’immerger totalement dans les lieux, les architectures et contextes dans lesquels elle travaille. Ses peintures de fruits et végétaux exotiques, motifs de cadres peints sur la toile, sculptures et peintures murales, sont une façon de réfléchir aux regards que l’on porte sur le monde en fonction de ses origines. Ses installations prenant souvent l’aspect d’espaces domestiques, elle conçoit dans cette exposition une bibliothèque et trois banquettes qu’elle souhaite comme un lieu de vie, une « école » dans l’école.

Plus d'informations : " Sol Calero" // jusqu'au 3 mai 2020 à la Villa Arson à Nice

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