Emission spéciale : hommage à Claire Bretécher

"Docteur Venteuse : bobologue" et "Agrippine Prend vapeur", de Claire Bretécher
"Docteur Venteuse : bobologue" et "Agrippine Prend vapeur", de Claire Bretécher
"Docteur Venteuse : bobologue" et "Agrippine Prend vapeur", de Claire Bretécher
"Docteur Venteuse : bobologue" et "Agrippine Prend vapeur", de Claire Bretécher
Publicité

La dessinatrice Claire Bretécher est décédée ce 10 février à l'âge de 79 ans. La Dispute lui consacre une émission spéciale, pour se replonger dans l'oeuvre de la mère, entre autres, d'Agrippine...

Avec
  • Antoine Guillot Journaliste, critique de cinéma et de bandes dessinées, producteur de l'émission "Plan large" sur France Culture
  • Florence Cestac Autrice de bande dessinée
  • Isabelle Bastian-Dupleix Conservatrice des bibliothèques, programmatrice culturelle au sein du service Développement culturel et actualité à la Bibliothèque publique d'information - Centre Pompidou

Claire Bretécher, en quelques mots 

Claire Bretécher est née à Nantes en 1940. Elle aurait eu 80 ans le 17 avril. Dans les années 1960, son trait de crayon se remarque dans les grands titres de presse jeunesse franco-belge tels que Record, Tintin et Spirou. En 1969, elle rejoint l'aventure Pilote et crée le personnage de Cellulite. 

De 1973 à 1981, Claire Brétecher publie chaque semaine dans le Nouvel Observateur des pages de sa série "Les Frustrés", critique sociale pointant tous les travers de celles et ceux qui constituent le cœur du lectorat du magazine, leur tendant un miroir aussi drôle que caustique. 

Publicité

Après "Les Frustrés", la deuxième série de longue haleine de Claire Bretécher sera "Agrippine", à ses côtés de 1988 à 2009. L'artiste publie aussi des albums sur la maternité, la médecine ou le tourisme, creusant encore et toujours cette veine de la satire sociologique.

Du côté des honneurs, Claire Brétecher reçoit un Grand Prix spécial à Angoulême en 1982. En 2015, la Bibliothèque publique d'information du Centre Beaubourg à Paris lui consacre une exposition rétrospective. 

Claire Bretécher c'était....

.....un trait

« J'ai une tendresse particulière pour Cellulite, cette princesse mal embouchée et moche. C'est la première fois que l'on va faire d'un personnage de bande dessinée un personnage moche. Pour autant, il n'est pas dévalorisé, c'est-à-dire utilisé juste comme le personnage moche. Là, il existe formidablement, c'est une princesse qui n'a qu'une obsession, se marier, qui a un père tyrannique et qui est libidineuse. » Antoine Guillot

« Beaucoup de gens me reprochaient de faire des femmes laides, parce qu'on considère que les femmes en dessin ne doivent jamais être laides. En bandes dessinées, ça a longtemps été une règle absolument intangible. Ça m'a toujours profondément énervée parce que, d'une part, je me trouvais moche. D'autre part, je trouvais que la gente féminine n'était pas particulièrement réussie par rapport à la gente masculine. » Claire Bretécher, "Le Temps libre", entretien avec Harold Portnoy, 1974

« C'est elle qui m'a ouvert la voie ; ensuite moi je l'ai suivie. Quand j'ai découvert ses bandes dessinées, je me suis dit "on peut faire ça, on peut dessiner des femmes avec des bourrelets partout, des fesses pleines de cellulite et en parler ouvertement". C'était jouissif. » Florence Cestac

« On a consacré toute une partie de l'exposition à la BPI aux différents titres de presse pour lesquels Claire Bretécher a dessiné. On a fait émerger et agrandir les personnages au fur et à mesure de leur évolution et ce fut un grand plaisir de scander le parcours chronologique de dessinatrice de Claire Bretécher. » Isabelle Bastian-Dupleix

.....un fort caractère

« C'était une indépendante, une solitaire. Dans les réunions de rédaction de Pilote, elle s’asseyait toujours au fond de la salle et laissait parler. Ce n'était pas une femme de bande, alors qu'en même temps, c'était une observatrice extraordinaire. Claire Bretécher était celle qui regarde, mais toujours en retrait. » Antoine Guillot

« C'était une solitaire, un peu une sauvage. Elle était très intimidante, donc c'était pas facile de rentrer en relation avec elle. Mais une fois qu'elle vous aimait bien, c'était bon. » Florence Cestac

« Je l'ai beaucoup imaginée jeune, arrivant à Paris à 20 ans dans les années 1960. La force qu'elle avait, cette indépendance, et surtout cette liberté, elle nous l'a laissée pour choisir les œuvres de l'exposition. Elle n'a absolument rien exigé ou souhaité. » Isabelle Bastian-Dupleix

......des combats

« Elle y allait franchement et ne mâchait pas ses mots. Je suis même sûre qu'elle a dessiné des choses qui ne passeraient plus aujourd'hui. » Florence Cestac

« Elle était précurseur sans être militante. Pour le féminisme, par exemple, elle montrait des situations de dépendance et on était presque automatiquement choqué. » Isabelle Bastian-Dupleix

......un humour

« Il me semble que ce qui ne passerait plus aujourd'hui c'est son humour très complexe. Elle fait un pas de côté, elle regarde, elle réfléchit et finalement elle garde un regard extrêmement distancié. Quand elle va raconter le féminisme et la charge mentale avant tout le monde, quand elle va montrer des situations d'asservissement, elle le fera toujours avec une telle ironie qu'on ne sera jamais dans le discours de dénonciation mais plutôt dans la volonté de montrer qu'il y a chez elle beaucoup d'auto-asservissement et d'intégration de ces logiques que l'on retrouve dans Les Frustrés. C'est d'abord d'elle qu'elle se moque, du milieu dont elle vient et du milieu qu'elle observe. » Antoine Guillot

« Ce qui est bien c'est que c'est un travail stupide. Plus votre histoire est bête et meilleure elle est. Moi ça me satisfait énormément de faire de l'absurde. Il n'y a que ça qui me plaît, il n'y a que l'absurde qui m'intéresse. C'est vraiment d'une banalité épouvantable, mais je trouve que la vie est d'une absurdité incroyable et réjouissante, donc plus le détail de la vie est absurde, plus on se rapproche de la vie, donc c'est réjouissant et je suis contente. » — Claire Bretécher, "Le Temps libre", entretien avec Harold Portnoy, 1974

Le Rayon BD
28 min
La Théorie
3 min

L'équipe