

Au sommaire de La Dispute littérature, trois livres : "Sex & Rage" d'Eve Babitz, "Marie-Galante" d'Emmelene Landon et un coup de cœur pour "La passion de l'impossible : une histoire du récit au XXe siècle" de Dominique Rabaté. Lucile Commeaux consacre son Petit Salon à la littérature policière.
- Elisabeth Philippe Critique littéraire (L'Obs)
- Lucile Commeaux Productrice d'Affaire critique à France Culture
- Laurent Nunez Ecrivain et éditeur
Le Petit Salon de Lucile Commeaux : Pourquoi la littérature policière devrait-elle être à part ?
En France, la littérature policière est à part sur à peu près toute la chaîne du livre. D'abord, les écrivains qui écrivent des romans noirs à succès n’écrivent souvent que ça. Les romans sont publiés dans des collections dévolues. Pourquoi cette place à part de la littérature noire ? Est-ce parce qu’il s’agit justement d’un genre ? La littérature blanche accueille pourtant elle-même bien des genres différents. Est-ce parce que ce genre est un mauvais genre ? Il y a quelque chose de l'entretien d'un mythe. Lucile Commeaux
Les divisions génériques sont pour moi de plus en plus artificielles. Certes le polar a longtemps eu mauvais genre, cantonné à la paralittérature à l'université, ce qui était peut-être lié aux mauvaises traductions des romans américains. Dans les faits, les frontières sont de plus en plus poreuses, cette division est rebattue. il est vrai qu'il y a également toujours des critiques attitrés pour le polar, avec un côté cercle d'"initiés". Elisabeth Philippe
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Il s'agit d'un monde où l'on trouve le coupable. Je n’ai rien contre le polar, mais quelque chose contre le devenir policier du roman. Il y a pour moi quelque chose de trop facile dans l'énigme judiciaire ou criminelle, de trop transposable au cinéma. Peu-être que la littérature ne se cantonne pas à la recherche d’indices. Il y a une forme d'uniformisation. Le polar a ses lecteurs, il suffit d'aller au "Quai du Polar" pour s'en rendre compte. Laurent Nunez
"Sex & Rage" d'Eve Babitz (Seuil)

Traduction : Jakuta Alikavazovic
Présentation de la maison d'édition : Jacaranda Leven est une jeune Californienne solaire et désinvolte, qui n'a de goût que pour les plaisirs de l'existence : sécher l'école pour faire du surf, siroter des White Lady en compagnie de milliardaires blasés dans des palaces, et se laisser ballotter par le ressac des amours passagères. Jusqu'au jour où le miroir aux illusions commence à se craqueler, la poussant à quitter Hollywood pour se rendre à New York, où l'appellent d'autres mirages.
Cousine éloignée des héroïnes flamboyantes et fêlées d'un Fitzgerald ou d'un Truman Capote, Jacaranda est un personnage inoubliable ; sa voix singulière, pleine de drôlerie, d'insolence, acidulée d'un soupçon de mélancolie, donne toute sa saveur à ce roman d'apprentissage aux accents auto-fictionnels.
Eve Babitz est née à Hollywood. Après avoir réalisé des couvertures d’albums pour des groupes tels que Buffalo Springfield ou The Byrds à la fin des années 1960, elle commence à écrire en 1972. Égérie de la côte Ouest bohème, rock et littéraire, elle est l’auteur de plusieurs recueils de chroniques, d’essais, de nouvelles et de romans. Publié à l'origine en 1979, Sex & Rage est son deuxième livre traduit en France. Eve Babitz vit toujours aujourd’hui à Los Angeles.
L'avis des critiques :
L’héroïne d’Eve Babitz est une pure californienne comme elle. Elle mène une vie tout aussi extravagante. Elle est comme l’écrivaine, la fille d’un violoniste. Il y a une dichotomie au cœur du livre, c’est une pure créature de la côte ouest, également nourrie de toute la culture de la côte est. Il y a de nombreuses formules comme de petits haïkus glamours, c’est un livre extrêmement euphorisant. Elisabeth Philippe
Ce livre m’a rendu très bougon. Là où l’on pourrait voir de la désinvolture, j’ai vu une grande superficialité, un roman à la morale américaine, le contraire de la modernité. J’ai essayé de comprendre pourquoi ce livre était auréolé d’une gloire et a mis aussi longtemps à être traduit. J’ai vu des scènes, beaucoup de gens passer... Je tiens toutefois à dire que c’est très bien traduit, chaque mot est à sa place. Laurent Nunez
J’accepte le livre tel qu’il est dans la mesure où l’autobiographie est extrêmement forte. On assiste à la restitution d’un parcours, c’est collé à sa vie. Pour moi les éclats sont assez justes par rapport au type de livre dont il s’agit. J’ai trouvé une très grande mélancolie, qui mélangée à la satire, produit une humeur à la lecture qui m’a beaucoup touché. Arnaud Laporte
J’ai beaucoup aimé le livre. Il est vrai qu’il se présente de façon très éclatée, alors même qu’il s’agit d’un roman d’initiation assez classique, en tout cas dans la forme. J’ai été assez surprise de lire aussi peu de « sex & rage », le livre à l’intérieur du livre est finalement un trompe l’œil, une satire. Le livre a un mouvement aquatique assez doux de sac et de ressac. Lucile Commeaux
"Marie-Galante" d'Emmelene Landon

Présentation de la maison d'édition : Marie-Galante, c'est l'histoire de deux personnes sur une île, de deux voyages, et d'une année qui s'écoule entre les deux. C'est un livre d'amour écrit au présent, dans le présent vif et aigu d'un échange continuel.
Le premier voyage à Marie-Galante a lieu en 2016. Paul et Emmie aiment les îles, leur géographie, leur solitude, et poursuivre là pour l'un, la lecture et l'écoute, pour l'autre, la peinture et l'écrit. Ils décident de revenir l'année suivante, exactement au même endroit. Dans une continuation. Dans le bonheur du dernier amour.
L'année entre ces deux voyages est retranscrite à travers leurs dialogues. Les joies, les contrariétés, les activités, leur plaisir à se retrouver, se réveiller le matin ensemble, à parler de cinéma, de peinture, d'édition, de musique, dans un flux ininterrompu de pensées et de désir.
Avec le deuxième voyage, nous retrouvons le premier. Et si Marie-Galante était une Utopie, une sorte de Youkali, comme dans l'opéra Marie-Galante de Kurt Weill ? Mais il n'y a pas de Youkali.
Le livre s'arrête au seuil.
L'avis des critiques :
C’est un tout petit livre qui m’a surpris par la pudeur qu’il contient. Ce sont les deux dernières vacances d’hiver de deux êtres entourés d’artistes, de livres et qui parfois décident de partir tous les deux au loin. Tout le monde sait ce qu’il va se passer. On lit les derniers moments d’un couple à la fois banal et connu, follement amoureux. Ce n’est pas un tombeau où l’on regrette l’absence de l’autre, puisque l’autre est là. Laurent Nunez
J’ai déjà éprouvé une forme de malaise devant le film de Paul Otchakovsky-Laurens. Ici, je ne connais pas les deux écrivains, puisqu’il s’agit d’une retranscription des messages que s’envoie le couple. Personnellement, je n’ai pas envie de regarder par le trou de la serrure. Cela met une charge sur les messages envoyés. Marie-Galante est surtout une correspondance de l’intimité. Arnaud Laporte
Cela échappe un peu au discours littéraire à mon sens. Pour moi, ce n’est même pas tant le fait de connaître Paul Otchakovsky-Laurens ou non qui importe, ce couple forme lui-même une île dont nous sommes exclus. Ce qui est assez beau, c’est qu’il s’agit d’un récit de deuil écrit au présent. Ce sont les fragments d'un dialogue amoureux ininterrompu. Elisabeth Philippe
Il me paraît difficile d’aborder ce livre. J’y vois une forme de journal pas très abouti d’une histoire amoureuse dans le fond assez bourgeoise et ordinaire. On a affaire à un objet avec un dispositif littéraire et éditorial assez particulier. A mon avis, si l’on n’a pas l’émotion de connaître ces deux personnes, cela se dégonfle. C’est un joli livre, je ne suis pas sûre que ce soit un bel objet sur le deuil. Lucile Commeaux
LE COUP DE CŒUR DE LAURENT NUNEZ : "La passion de l'impossible : une histoire du récit au XXe siècle" de Dominique Rabaté (José Corti)

Présentation de la maison d'édition : L’objectif de ce livre est de comprendre pourquoi et comment une certaine histoire de la modernité littéraire s’est jouée en France dans un rapport paradoxal mais fécond avec l’idée d’une littérature impossible. Amorcée par Mallarmé et Rimbaud du côté de la poésie, c’est dans la prose narrative que cette recherche se poursuit selon le double patronage de Monsieur Teste de Valéry et de Paludes de Gide. Dans ce sillage, c’est une histoire du « récit » qui se dessine puisque nombre d’écrivains de premier plan se détournent bien du roman, dont ils aggravent la crise, mais sans renoncer à une forme de relation de ce qui interdit une narration classique ou heureuse. C’est cette relation à l’impossible, qui se fait même relation de l’impossible, que cet essai envisage sur l’ensemble du vingtième siècle.
Il s’agit donc de dégager un paradigme de ce qu’on nommera « récit » (anagramme révélateur du mot « écrit »), d’en suivre les formes riches et différentes – à travers le surréalisme, selon l’inflexion que lui imposent Bataille et Blanchot, ou dans les vertiges de la voix du côté de Beckett – jusqu’à une sorte d’épuisement de cette recherche qui aura marqué le vingtième siècle, quand le poncif et le pathos de l’impossible se font clichés d’une modernité absorbée par son miroir réflexif. Nous sortons sans doute d’une certaine manière de cette époque dont il faut alors justement mesurer le chemin, les impasses comme les extraordinaires ambitions, pour comprendre le legs dont hérite notre temps.
Après avoir posé l’hypothèse du récit, j’en retrace, dans la première partie, le parcours dans une histoire qui en propose les scansions essentielles et les éléments de définition négative. La deuxième partie s’attache à une suite d’études de cas (Bataille, Thomas, Blanchot et Beckett) qui s’intéressent à l’espace paradoxal de l’énonciation de ces textes.
C’est un essai de Dominique Rabaté qui travaille sur l’ultra-contemporain, les écrivains qui publient actuellement. Ce livre est la somme de 20 ans de travaux sur le récit. Il enquête sur la manière dont des écrivains ont pu douter du pouvoir de raconter. Cela permet d’avoir une vraie bibliothèque de tous les livres du 20ème siècle, mais aussi toutes les possibilités qu’offre l’écriture pour ceux qui veulent écrire. Laurent Nunez
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♪ Générique de l'émission : Sylvie Fleury & Sidney Stucki, "She devils on wheels", extrait de l'album "Sound Collaborations 1996-2008" (label Villa Magica Records).
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