Administrer, éduquer, enseigner : épisode 10/24 du podcast Idées, savoirs : la relève

La relève des savoirs dans la Fabrique de l'histoire
La relève des savoirs dans la Fabrique de l'histoire ©Getty
La relève des savoirs dans la Fabrique de l'histoire ©Getty
La relève des savoirs dans la Fabrique de l'histoire ©Getty
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La Fabrique consacre sa semaine thématique aux jeunes chercheurs et invite des doctorants : aujourd'hui, une histoire de l'éducation et de l'administration des populations.

Avec
  • Edenz Maurice Historien, spécialiste de la Guyane, chercheur au centre d'histoire de Sciences Po, secrétaire scientifique du Comité pour l'histoire préfectorale
  • Julie Marquet doctorante en histoire à l'Université Paris Diderot-Paris 7.
  • Côme Simien Docteur en histoire moderne

La Fabrique de l'Histoire consacre sa semaine aux jeunes chercheurs  qui incarne la relève des savoirs en histoire. Aujourd'hui, le point sur  quelques travaux récents en histoire de l'éducation.

Emmanuel Laurentin et Séverine Liatard s'entretiennent avec Julie Marquet pour sa thèse intitulée « Encadrer les populations locales dans les Etablissements français de l’Inde. Expériences juridiques, 1816-1857 » (Paris 7), avec Edenz Maurice pour « Faire l’Ecole dans une « vieille colonie » : un état colonial aux prises avec le monde scolaire de la Guyane française (1928-1950) (Sciences Po) et avec Côme Simien pour « Des maîtres d'école aux instituteurs : une histoire de communes, de République et d'éducation, entre Lumières et Révolution (1760-1802) » (Université Clermont-Auvergne).

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Comment la figure de l'instituteur devient-elle à la Révolution française celle d'un acteur politique ?

Côme Simien : Sous l’Ancien Régime déjà, la fonction de maître d'école dépassait les limites de leur salle de classe : en plus de son enseignement, il était aussi bedeau, sacristain, secrétaire de mairie et même sonneur de cloches et remonteur de l’horloge publique ! Mais ce n'est qu'en décembre 1792 que les maîtres d’école vont être appelés instituteurs - c'est d'ailleurs l'une des premières décisions scolaires de la Révolution. Un mot chargé de sens puisqu'il désigne celui qui institue la cité. Sous l’Ancien Régime, le terme était utilisé pour nommer celui était chargé de l’éducation du dauphin, c’est-à-dire du futur souverain. Désormais, la souveraineté n’est plus dans le monarque, elle est dans la Nation et l’instituteur est toujours celui qui fait l’éducation du souverain, mais du souverain "populaire" désormais. Et les instituteurs vont s’approprier très vite ce nouveau titre qui leur donne une dignité sociale et professionnelle beaucoup plus grande. 

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Bien longtemps après la Révolution française, l'instituteur est encore celui qui joue un rôle important dans les processus d'autonomisation de certaines collectivités locales...

Edenz Maurice : En effet, il y a ici une sorte de continuité républicaine ! La fameuse « république des instituteurs » chère à Jacques et Mona Ozouf se prolonge jusqu’en Guyane, où au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on voit les enseignants s’emparer des principales fonctions politiques du département. En commençant par dénoncer des inégalités salariales et statutaires entre instituteurs guyanais et instituteurs européens (puisqu’à l’époque le terme métropolitain n’est pas utilisé) pour ensuite devenir une lutte politique qui va permettre de qualifier une situation coloniale qui de fait se maintenait.

#Guyane #Inini #Gaston Monnerville #Justin Catayée #Mona Ozouf #agency

Cette volonté centralisatrice – comme la pensée universaliste – héritées de la Révolution française semblent avoir buté sur les établissements français de l’Inde (EFI) où les autorités coloniales ont continué de mettre en œuvre une justice assez éloignée de l’idéal républicain…

Julie Marquet : En effet, parce que la présence française en Inde est ancienne (1690) et qu'elle n’a pas procédé d’un processus de conquête mais d’une souveraineté acquise sur des petits territoires au gré de négociations avec des souverains locaux, les Français se sont engagés dès le départ à respecter les us et coutumes, à garantir le respect de la religion et par exemple à juger les Indiens selon leurs propres manières de faire. Sauf en matière de justice criminelle bien sûr. Mais en matière civile et de conflits coutumiers, le droit métropolitain ne va pas être appliqué. Se met en place alors un système juridique dual qui applique des peines différenciées selon les castes, qui assume de fait de perpétuer une justice distributive, y compris après la Révolution française ! Et au cours de la première moitié du XIXe siècle, les Français, très attentifs aux demandes sociales des élites locales, vont même être tentés de mettre en œuvre dans leurs tribunaux le modèle « orientaliste » élaboré par les Britanniques à Calcutta.

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