Le vêtement est-il le contraire de la nudité ? Le vêtement est-il un processus de civilisation ? L’habit fait-il le moine ? Le vêtement est-il un art ? Une utopie ? Ce sont ces questions - et d'autres encore - qu'Emmanuel Laurentin pose à Odile Blanc, historienne du vêtement.
- Odile Blanc Historienne, spécialiste du Moyen Age
Emmanuel Laurentin s'entretient avec Odile Blanc, historienne du Moyen Âge, spécialiste du vêtement et du textile. Elle travaille depuis 2007 à l'Institut national du patrimoine où elle est responsable de la documentation au département des restaurateurs.
L'opposition nu/vêtu recoupe-t-elle celle entre le sauvage et le civilisé ?
Odile Blanc : « Etre en chemise » au Moyen Age c’est être nu dans un système social qui combine différentes couches de vêtement : ce sont les condamnés à mort que l’on conduit au gibet en chemise. La nudité renvoie à un état de pauvreté, à un dénuement matériel et moral. Pour la société chrétienne médiévale, quand on va aux Enfers, on est dévêtu. A la fin du XVe siècle, au moment de la découverte des nouveaux mondes, les Européens vont se penser comme des êtres habillés par rapport à des peuples qui ne le sont pas. Marco Polo, et bien d’autres après lui, vont consolider cette opposition nu/vêtu qui devient équivalente à sauvage/civilisé. Alors que l’on peut considérer que les tatouages ou les ornements en plumes ou en os sont des façons de se vêtir.
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Peut-on dater la naissance du vêtement "à la mode" ?
Odile Blanc : Au milieu du XIVe siècle, on assiste à un changement qui va s’avérer durable : le modèle de l'élégance masculine va devenir le pourpoint, un vêtement de cour très ajusté mais qui est à l’origine un vêtement militaire, fait pour être porté sur une cuirasse. Ce vêtement va amener un travail de coupe qui était jusqu’alors peu développé, les vêtements avaient en gros la forme d’un T. On a à partir de cette période un ajustement nouveau du vêtement au corps, avec un rembourrage de la poitrine pour produire un bombement du torse. Ce qui est valorisé c’est l’allure martiale. La naissance de la « mode » est donc d’abord une invention masculine. Et cette silhouette masculine valorisée, avec un buste mis en valeur et des jambes très fines, qui apparaît aux alentours de 1400, on va la retrouver jusqu’au XIXe siècle.
La notion de mode existe-t-elle à l'époque ?
Odile Blanc : A cours de la seconde moitié du XVIe siècle, dans les grandes villes d’imprimerie comme Augsbourg, Paris ou Lyon, on voit se diffuser ces livres d’habits qui décrivent sur de grandes planches les « costumes » des nations européennes. Le mot mode n’apparaît dans les dictionnaires qu’au XVIe siècle mais les choses existent avant que les usages linguistiques ne les entérinent. Cet engouement pour le vêtement court, pour le pourpoint, qui va rapidement se propager en Europe, grâce à l’extension de la Guerre de Cent Ans, annonce ce que va être la mode dans le sens contemporain du terme.
Musiques diffusées
- Michel Legrand, extrait de la bande originale de Peau d'âne (Les trois robes)
- Joyeux Urbains, Costard cravache
- Thomas Fersen, Les cravates
L'équipe
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