Danser quand même : les bals clandestins pendant la guerre : épisode 2/4 du podcast Une histoire des bals

Au nom de la morale et de la décence, gendarmes et policiers traquèrent les contrevenants à l'interdiction de danser... sans parvenir à empêcher complètement les bals
Au nom de la morale et de la décence, gendarmes et policiers traquèrent les contrevenants à l'interdiction de danser... sans parvenir à empêcher complètement les bals ©Getty - Keystone-France/Gamma-Keystone
Au nom de la morale et de la décence, gendarmes et policiers traquèrent les contrevenants à l'interdiction de danser... sans parvenir à empêcher complètement les bals ©Getty - Keystone-France/Gamma-Keystone
Au nom de la morale et de la décence, gendarmes et policiers traquèrent les contrevenants à l'interdiction de danser... sans parvenir à empêcher complètement les bals ©Getty - Keystone-France/Gamma-Keystone
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"Dès que les Allemands sont arrivés, les bals ont été interdits". Ils sont jeunes, adolescents parfois, ils aiment les airs à la mode et l'accordéon impertinent. Pendant toute la guerre, malgré les interdictions répétées et les condamnations morales, ils ont dansé quand même…

Avec
  • Alain Quillevéré Professeur des écoles. Mémoire « Les bals clandestins dans les Côtes du Nord sous l'Occupation. La danse une activité réprimée ».
  • Marcel Azzola

Ils sont la jeunesse des campagnes et ils se retrouvent dans des granges, dans des maisons abandonnées, dans des clairières, dans des champs, sur des terrains de boules, dans des couloirs, dans des étables, dans les cours de fermes isolées, à l'abri des talus, dans d'anciennes carrières. Partout, en Bretagne ou dans le Tarn. Danser pour s'étourdir, pour se distraire, pour être tenu.e dans des bras, pour oublier, pour séduire, pour être ensemble, pour que jeunesse se passe, pour braver les parents, pour laisser derrière soi la journée de travail, mais surtout pour le plaisir de tourner, dans un sens puis dans l'autre, de danser la valse, la rumba, le tango ou la marche. Et à force de bals clandestins, non seulement ils dansaient rudement bien, mais ils se construisaient des souvenirs, parce que pendant la guerre, étrangement la vie continue...

Alain Quilleveré : Ce que l’on cherche à punir avec l’interdiction des bals, c’est un esprit de fête, de jouissance. Alors que sous l’Occupation, beaucoup d’autres divertissements continuent d’être autorisés : le cinéma, le théâtre, les concerts, les spectacles de danse classique, ce que le régime de Vichy pourchasse ici, c’est le rapprochement des corps, l’érotisme diffus, le fait que les garçons et les filles soient dans une troublante proximité.

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Marcel Azzola : J’ai commencé le métier à 11 ans, en 1938, dans les brasseries. Donc quand les dancings ont été interdits, j’avais déjà une petite réputation. Les bals clandestins à Paris, ça se passait par quartiers, on savait qu’il y avait un musicien qui pouvait pourvoir à la demande, et moi ça me servait à payer mes leçons, c’était l’essentiel. Je me souviens surtout de la rue de Turbigo, il y avait un appartement au 2e étage assez grand pour contenir huit ou dix couples. Ou alors ça se passait dans des pavillons de banlieue. Et de temps en temps, quand un car de police ou une estafette allemande passait dans la rue, il fallait courir se planquer dans le jardin. Mais moi je n’ai pas connu ça, je ne me suis jamais débiné par la fenêtre avec mon accordéon !

Marcel Azzola : Je n’ai jamais vraiment parlé de cette période, je ne me suis jamais vanté d’avoir participé à ces bals clandestins. A l’époque, j’avais l’impression de faire une mauvaise action. J’ai toujours pensé que même si ce n’était pas faire preuve de collaboration, c’était pas bien. Parce qu’il y avait cette situation de guerre, avec les morts au front, les planqués à l’arrière… Moi bien sûr, je n’avais pas l’âge de faire la guerre - tout le monde ne peut pas être Guy Môquet - mais peut-être aurait-il fallu refuser de distraire ces gens ? Mais alors à ce moment-là, je n’aurais même pas pu exprimer ce que j’apprenais avec mon professeur ? Et puis je voulais continuer à vivre.

Avec les témoignages de Marcel Azzola, accordéoniste, René Carluer, danseur et accordéoniste amateur, Serge Doat, accordéoniste, André Roques, accordéoniste, Pascal Lamige, accordéoniste et concepteur de rave-musette, Alain Quilleveré, historien des bals clandestins en Bretagne, Germaine Olivier, danseuse, Eugénie Torchard-Daniou, danseuse, Joseph Cresseveur, danseur, Hubert Vialard, Claude Penisson, Michel Blanc, Claude Nurit et Jean-Baptiste Turpin.

Danser quand même. Les bals clandestins pendant la guerre, un documentaire de Perrine Kervran réalisée par Françoise Camar

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