

L'histoire de l'Egypte antique a longtemps été racontée comme une routine cyclique, faisant alterner « empires » forcément fastueux et sombres « périodes intermédiaires » marquées du sceau de la décadence. Depuis trente ans, les découvertes archéologiques permettent de proposer un récit neuf...
- Damien Agut-Labordère égyptologue, épigraphiste, chargé de recherche au CNRS (UMR Arscan-HAROC Nanterre)
Emmanuel Laurentin s'entretient avec Damien Agut, égyptologue, chargé de recherches au CNRS, spécialiste de l'écriture démotique et de l'histoire du Ier millénaire avant J.-C.
Le découpage de l’histoire égyptienne sur lequel nous vivons depuis un siècle et demi est-il encore pertinent aujourd’hui ?
Damien Agut : Un découpage est absolument nécessaire. Parce que les égyptologues travaillent sur une période de 3 500 ans, soit une masse de temps bien supérieure à celle que manipulent les médiévistes et même les historiens de l’Antiquité classique. Pourtant, ce découpage Ancien / Moyen / Nouvel Empire dont nous avons hérité est gênant par son caractère univoque. Ces catégories Ancien/Moyen/Nouvel s’appliquent à tout : au champ politique bien sûr, mais aussi religieux, littéraire... et même à la céramique ! Impossible de s’en affranchir quel que soit le domaine de recherche.
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Comment cette périodisation s’est-elle constituée ?
Damien Agut : C’est Manéthon de Sebennytos qui, sous le règne de Ptolémée II, a le premier compilé des listes dynastiques, avec des noms de rois et des durées de règne. Cette première strate de la périodisation remonte donc à l’époque hellénistique. Au XIXe siècle ensuite, l'égyptologue allemand Karl Richard Lepsius s'est retrouvé confronté à la nécessité de mettre de l’ordre dans la quantité de documents hiéroglyphiques ramenés de son expédition en Egypte en 1845. Pour répondre à ce défi considérable, il publie en 1849 une « chronologie des Egyptiens » dans laquelle il a propose ce découpage Ancien/Moyen/Nouvel empire.
Comment expliquer que la représentation d’une Egypte antique immuable, avec des institutions et des frontières fixes, sans contestation politique, ait connu un tel succès ?
Damien Agut : Cette manière de concevoir l’Egypte ancienne comme un monolithe politique correspond à une aspiration du monde occidental : nous aimerions qu’il ait existé un système politique de ce type-là qui, pendant 3 millénaires et demi, ait déroulé - même avec des hauts et des bas - les germes d’une même sagesse. Or l’analyse montre à l’inverse que l’histoire de l’Egypte est traversée par les mouvements de son époque : loin d'être une île isolée, elle vit au même rythme que les autres pays de la Méditerranée, d’Afrique ou d’Asie. Notre volonté d’assouplir ce découpage Ancien/Moyen/Nouvel coïncide avec la nécessité de prendre en compte la profondeur sociale : parce que les sources à partir desquelles on a établi ce découpage sont essentiellement royales. Et c’est l’archéologie qui nous permet de bouleverser ce schéma. Les fouilles menées par les archéologues Guy Brunton et Gertrude Caton-Thompson à el-Badari (1922-1925) ont par exemple révélé un matériel funéraire riche et abondant dans les 650 tombes d’une classe moyenne locale datant de la fin du 3e millénaire – cette période dite intermédiaire traditionnellement décrite comme un moment d’effondrement politique, économique et de chaos social ! Ainsi, on voit qu’à une période donnée, les choses peuvent aller très mal pour l’élite monarchique alors qu’ailleurs dans l’échelle sociale - ou ailleurs en Egypte - la réalité peut être tout autre.
Musiques diffusées
- Antonio Sartorio, Jules César en Egypte (air de Cléopâtre), int. Patricia Petitbon
- Félicien David, Désert, par le chœur Accentus, dir. L. Equilbey
- Guy Sacre, sur un poème de Jean Cocteau, int. Jean-François Gradeil
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