Dépasser la perte ? : épisode 3/4 du podcast Une histoire des catastrophes culturelles

Reconstitution de l'Arc de Triomphe de Palmyre, Trafalgar Square, Londres, 18 avril 2016
Reconstitution de l'Arc de Triomphe de Palmyre, Trafalgar Square, Londres, 18 avril 2016 ©AFP - LEON NEAL / AFP
Reconstitution de l'Arc de Triomphe de Palmyre, Trafalgar Square, Londres, 18 avril 2016 ©AFP - LEON NEAL / AFP
Reconstitution de l'Arc de Triomphe de Palmyre, Trafalgar Square, Londres, 18 avril 2016 ©AFP - LEON NEAL / AFP
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Catastrophe culturelle, destruction patrimoniale, urbicides : comment dépasser la perte ? Pour ce troisième volet de cette série consacrée aux catastrophes culturelles, Emmanuel Laurentin s'entretient avec Christian Jacob, Yves Ubelmann et Alain Schnapp.

Avec
  • Christian Jacob Historien, directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS, membre de l’UMR Anhima (Anthropologie et histoire des Mondes antiques)
  • Yves Ubelmann fondateur et CEO de la Startup Iconem
  • Alain Schnapp Archéologue et historien, professeur émérite d’archéologie grecque à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne

Troisième volet de cette série consacrée aux catastrophes culturelles, le débat historiographique avec Christian Jacob, directeur d'études à l'EHESS, spécialiste de l'histoire des lieux de savoir, Yves Ubelmann, architecte, fondateur de la société Iconem et Alain Schnapp, historien et archéologue.

Cette question de la perte, depuis quand se la pose-t-on ?

Depuis l’Antiquité ! Toute culture doit affronter ces deux défis : la perte et la conservation. On retrouve cette dialectique dans toutes les grandes civilisations, lettrées comme orales : que faut-il archiver ? Que faut-il mémoriser ? Comment lutter contre les effets du temps et de la destruction : bâtiments qui s’écroulent ou qui sont brûlés, livres dévorés par les insectes ou noyés dans l’humidité, vols,  destructions volontaires ou politiques : censures, autodafés etc. D’Alexandrie à Fahrenheit, on retrouve la même problématique de la sauvegarde, de la lutte contre l’oubli, l’entropie, la destruction. Et en même temps, se pose la question de comment maintenir une culture et une mémoire gérables par l’esprit humain et par les sociétés. Parce que si l'on conservait tout, s'il n'y avait pas de ruines mais seulement des bâtiments entiers, on arriverait à une logique borgesienne de cartes qui se superposeraient les unes aux autres à l’échelle 1/1. 

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Christian Jacob

#Hildebert de Lavardin #Ptolémée #Bibliothèque d’Alexandrie #Constantin Cavafy

Alors que l’on dispose de très peu de documents sur ce qu’elle conservait réellement, pourquoi l’événement de la destruction de la Bibliothèque d’Alexandrie est-elle devenue synonyme de catastrophe culturelle ? 

Au IIIe siècle avant J-C, elle matérialise en effet le projet utopique - et très politique - des premiers Ptolémée de rassembler toute la mémoire du monde dans un seul lieu, pour lequel ils engagent un vaste processus de collecte, d’achat, de copie qui va aboutir à accumuler près de 500 000 rouleaux de papyrus, parmi lesquels ceux d'Homère. Mais une telle masse de documents était inutilisable, une sorte de mémoire saturée. Et paradoxalement pour nous, ce n’est pas Alexandrie qui a joué le rôle de transmetteur de cet héritage antique. La transmission s'est opérée grâce à des bibliothèques périphériques, en Orient, en Perse, en Syrie bien davantage que grâce à ce grand dépôt de mémoire qui fait penser aux grands gisements d’information numérique d’aujourd’hui. 

Christian Jacob

#data center

Après la catastrophe, doit-on forcément reconstruire ?

En Grèce au IVe siècle avant J-C, avant d’aller combattre les « Barbares », les envahisseurs venus de Perse, les cités grecques prêtaient le serment de Platées. Il stipulait entre autres qu’on ne devait pas reconstruire les temples grecs incendiés par les Perses. Cette idée que l’on doit conserver des lieux de mémoire dans l’état de leur destruction court ainsi de l’Antiquité à Oradour-sur-Glane. Et se pose de nouveau aujourd’hui en Syrie. 

Alain Schnapp

La technologie permet de nouvelles réponses face à la disparition inexorable de la matière. Grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle et à l’imagerie très haute résolution, on arrive à recréer des copies numériques du réel. C’est en changeant de support que l’on a toujours conservé. Comme au Moyen Age les moines copistes recopiaient des sources antiques, on traduit aujourd’hui l’architecture et l’archéologie sur support numérique. Depuis des siècles, avant même l’invention de la photographie, l’architecture s’appuie sur des techniques de reproduction visuelle : il y a 200 ans, les architectes partaient à Rome, à Pompei ou à Palmyre pour faire des aquarelles. La 3D n’est qu’une nouvelle étape, vers une objectivité toujours plus scientifique puisqu’on arrive à donner à voir le réel comme si on y était. 

Yves Ubelmann

#Krak des Chevaliers #3D

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