Plus d'un million d'épaves parsèment le fond des océans. Parmi elles, des centaines de navires corsaires, comme à la Natière au large de Saint-Malo. Comment l'archéologie sous-marine contribue-t-elle à écrire l'histoire de la course... et à déconstruire les fantasmes de trésors engloutis ?
- Jean Soulat archéologue, ingénieur d'études au laboratoire LandArc
- Jérôme Jambu Maître de conférences en histoire moderne à l’université de Lille, spécialiste de l’histoire monétaire
- Michel L'Hour Archéologue sous-marin, directeur de la DRASSM
- Anne Lehoërff professeur d'archéologie à l'université de Lille en protohistoire de l'Europe
Emmanuel Laurentin et Victor Macé de Lépinay s'entretiennent avec Anne Lehoërff, professeur à l’Université de Lille, vice-présidente du Conseil national de la recherche archéologique, Michel L’Hour, directeur du Département de recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) du Ministère de la Culture, Jérôme Jambu, Conservateur au département des Monnaies, Médailles et antiques de la BnF et Jean Soulat, archéologue, ingénieur d'études pour le Laboratoire LandArc.
L’archéologie sous-marine permet-elle d'attester l'existence d'une culture matérielle pirate ?
Jean Soulat : Non, cette culture matérielle reste un pur fantasme hollywoodien ! On n’a jamais retrouvé de boutons de vestes ornés de crâne ni de coffres sculptés de tibias. Et c'est l'un des problèmes de cette archéologie que de devoir lutter contre les représentations fantasmées du pirate. Par exemple, le fameux perroquet sur l'épaule de Long John Silver. Si on a pu retrouver grâce aux fouilles de l’épave de la Dauphine (1704) sur le site de La Natière un squelette de macaque de Madagascar, les ossements de perroquet sont bien trop petits pour ne pas avoir été balayés par les courants. On sait seulement que ces oiseaux exotiques faisaient partie de la vie quotidienne des marins parce qu'ils prenaient, à leur retour en métropole, une valeur marchande non négligeable.
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Si l'on n'est pas sûr que des perroquets aient crié « pièce de huit » pour donner l’alerte, ces pièces emplissaient-elles bien les poches des pirates ?
Jérôme Jambu : Grâce à Robert L. Stevenson qui raconte comment les pirates les dépensaient à profusion à la Jamaïque, la pièce de huit jouit en effet d’une immense réputation. En réalité, cette piastre fabriquée par les Espagnols grâce à leurs mines du Pérou et du Mexique représente 90% de l’argent en circulation dans le monde à l’époque. L’ancêtre du dollar en quelque sorte ! Elle n’est donc pas une pièce "de pirate" mais la pièce de tout le monde qui peut, quand elle est volée, devenir une pièce de pirate.
La culture matérielle corsaire est-elle plus facile à reconstituer par les biais des fouilles d'épaves ?
Michel L’Hour : Qu'elle résulte de la piraterie ou de la guerre de course - la captation violente a permis au XVIIIe siècle l’accélération des échanges et l’apparition d’une culture maritime européenne quasi mondialisée. Sur l'épave de la Dauphine par exemple, un navire de 1704 gisant sur le site de la Natière, on a retrouvé des assiettes en étain anglaises, des bouteilles hollandaises, de la poterie française comme de la porcelaine chinoise. Cette culture matérielle est tellement éclectique qu'elle permet très rarement d’identifier la nationalité du bateau. C'est la même chose pour les canons ou pour les pièces de monnaie. On retrouve des dizaines d'origines différentes. On ne peut pas parler de civilisation corsaire à part entière.
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Journées nationales de l'archéologie, 14, 15 et 16 juin 2019
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